Tremblement de terre dans la sphère numérique: le 19 février dernier, Facebook annonce le rachat de l’application de messagerie mobile WhatsApp pour 19 milliards de dollars. Si certains voient en l’acquisition – qui est à ce jour la plus onéreuse de l’histoire du célèbre réseau social – une simple volonté d’expansion économique, d’autres se questionnent quant aux raisons d’une somme si monstrueuse. A l’heure des révélations au sujet d’écoutes téléphoniques et autres espionnages, le doute semble permis. Analyse.
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Après le milliard de dollars dépensé par Facebook en 2012 pour s’approprier l’application de photo Instagram, le réseau social de Mark Zuckerberg fait encore mieux cette année. La firme américaine vient en effet d’annoncer le rachat de WhatsApp, une application mobile sur laquelle se connectent mensuellement plus de 450 millions d’utilisateurs, pour la modique somme de 19 milliards de dollars. Ce montant, réparti majoritairement en titres et actions, peut en étonner plus d’un, surtout quand on sait que l’entreprise WhatsApp ne compte que 55 employés. Il paraît à ce jour difficile de trouver une réponse claire aux raisons d’un tel montant, tant les hypothèses les plus diverses foisonnent sur le net. Certains parlent notamment d’une drague de Facebook envers les ados, qui tendent de plus en plus à délaisser ce réseau social au profit de Twitter ou Instagram.
Brian Blau, analyste pour Gartner, une entreprise spécialisée dans les nouvelles technologies, pense lui que « Facebook voit de la valeur sur le long terme ». Il se pourrait en effet que cette opération financière permette à l’entreprise californienne de poser un pied dans les marchés émergents que sont l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique, où la messagerie électronique est très en vogue, mais Facebook relativement peu utilisé.
Officiellement, et selon les mots de Mark Zuckerberg, cet achat devrait permettre la création « de nouveaux services mobiles accrocheurs, de connecter encore plus de gens dans le monde ». Rien donc de très alarmant en apparence.
Reste que, dans un contexte où de nouveaux éléments ont été dévoilés à propos des méthodes d’espionnage de la NSA (jugées d’ailleurs scandaleuses par … Mark Zuckerberg !), cette explication ne soit pas satisfaisante. Bon nombre d’utilisateurs craignent en effet que cette « fusion » entre les deux entreprises ne leur porte préjudice, notamment en ce qui concerne l’utilisation de leurs données privées à des fins publicitaires. Un recours auprès de la Commission fédérale de commerce a d’ailleurs été déposé le 6 mars par le Centre de la démocratie numérique et le Centre pour la protection des informations électroniques. Ces deux institutions considèrent en effet ce rachat comme « une pratique déloyale et trompeuse » qui violera l’accord tacite passé entre les utilisateurs de WhatsApp et leurs dirigeants quant à la non-diffusion de publicités.
Dans un entretien accordé à la RTS, Sami Coll, sociologue spécialiste des nouvelles technologies à l’Université de Genève, rappelle à ce sujet toute l’importance des données personnelles pour Facebook : « Si le groupe de Mark Zuckerberg est prêt à dépenser de telles sommes, c’est qu’il s’attend à ce que ces données soient mises à profit à l’avenir pour augmenter la pertinence de leur publicité ciblée ».
Et du côté de WhatsApp ? Jan Koum, le créateur de l’application rachetée et donc futur milliardaire (s’il ne l’était pas encore), s’est exprimé à plusieurs reprises sur le blog de son entreprise. Celui qui, en 2009, promettait « ne jamais vendre vos informations personnelles à qui que ce soit », a dû faire face à de nombreuses critiques et remontrances. Dans un message posté le 17 mars dernier, Koum se voulait rassurant: « Nous ne connaissons pas votre nom, ni votre adresse e-mail. Nous ne savons pas votre date de naissance. Nous ne savons même pas votre adresse de domicile […] Si ce partenariat avec Facebook nous avait contraint à changer nos valeurs fondamentales, nous ne l’aurions pas conclu ».
L’incertitude et l’attente planent donc bel et bien sur cette affaire. Si aujourd’hui rien n’a changé dans le service de messagerie gratuit, les prochaines mises à jour de l’application devraient nous en dire plus.
FloB