À la frontière des règles

Un pays réglé, normalisé et sécuritaire. Voilà les premiers mots qui viennent à l’esprit lorsqu’il est question de la Suisse. Est-ce vraiment le cas? Et d’où vient ce respect des règles inculqué dès le plus jeune âge? Photo : web
Les Helvètes accompagnés de leurs préjugés. Chaque pays a les siens et la Suisse est un pays qui intrigue de par sa petite taille, sa situation géographique centralisée mais aussi sa culture méconnue qui amène à des généralités… Souvent très éloignées de la réalité.
Si une seule était à soulever, ce serait certainement celle de la ponctualité légendaire des suisses (et pas seulement des trains!), qui ne relève pas tant de la légende urbaine. La Suisse est à l’heure, c’est un fait : au travail, dans les transports publics, aux réunions, aux repas, aux couchers. En somme, une vie bien réglée, cadencée comme du papier à musique; révélatrice de la vie helvétique en général ou simple prémisse du “travail bien fait qui débute par la ponctualité”?

Respect et règles. Deux mots aux sonorités similaires et souvent indissociables. Chaque société est régie par des règles, qu’elles soient juridiques et relèvent de la loi ou morales et relèvent de la bonne conscience et des valeurs.
Règles institutionnalisées que chaque individu se doit de respecter et vie communautaire qui pousse à la cohésion sociale.
Dans ce décor très sociologique, la Suisse se montre particulièrement représentative d’un modèle universel. A la lumière de pays voisins bien plus portés sur la contestation, la révolte et l’indignation, la Suisse est une acrylique remarquable de diversité cantonale aux valeurs nationales très fortes, voire omniprésentes.
Le SwissCultureGuide en peint quelques traits : “La suissitude représente aussi le savoir-faire suisse, la ponctualité suisse, la productivité locale, la fierté nationale, les valeurs fondamentales, la motivation, la fiabilité, la fidélité.” La “suissitude”, ce fameux mélange de caractéristiques appréciables (surtout dans le domaine du travail) et de croyances populaires et rurales profondément ancrées : “manger de la fondue, parler lentement, porter un t-shirt rouge à croix blanche, avoir une belle montre au poignet, un fusil à la maison et un couteau suisse dans sa poche prêt à affronter les Alpes suisses.” Stéréotypée la Suisse? Absolument pas.

Ces valeurs connues par chacun portent à la réflexion. Une étudiante de Genève, en sciences de l’éducation, pointe du doigt la rigueur de l’apprentissage des règles : “Dans les classes, le respect des règles et des valeurs est inculqué très tôt, tout comme dans les familles d’ailleurs. Je pense que ce qui rentre en compte c’est aussi l’étiquette que le citoyen suisse veut se donner, c’est à dire dégager l’image d’une famille civilisée, polie et respectueuse.”
Cercle vertueux ou crainte des sanctions et des répercussions si effraction des règles il y a? Un habitant de Bienne, chargé de projets immobiliers, s’est penché sur la question : “Pour moi il est clair que les sanctions font partie de l’explication du respect de la loi en Suisse. Si on prend l’exemple des limitations de vitesse, il y a des radars partout et tout le monde sait que les amendes sont chères.”
Sur le site du “Geneva Welcome Center” il existe même une page consacrée aux us et coutumes suisses : la propreté, le respect des lieux publics, les pourboires ou encore la ponctualité sont mentionnés. Il est alors possible de faire un parallèle non négligeable entre les valeurs plutôt éthiques et celles relevant de la loi; en effet, si les premières sont déjà assimilées dès la plus tendre enfance, il sera bien plus simple de se plier aux lois et aux institutions plus tard.

Qu’en est-il en dehors des frontières?
Le cas de la France est intéressant, souvent cité comme “le pays de contestation par excellence”, au sein duquel la volonté de dénonciation et d’émancipation est forte. Une fois de plus, description (certes exagérée) aux limites de la réalité.
Quelques ébauches d’explications peuvent être émises. Tout d’abord, le rapport aux règles n’y est pas le même. À titre d’exemple, le service militaire n’est plus obligatoire depuis 1997 alors qu’il l’est toujours en Suisse.
A noter également, le contexte politique, sujet épineux et très sensible actuellement, qui pousse les français à contester les décisions, qu’elles soient présidentielles ou plus régionales. Les citoyens français usent (et abusent parfois) de leur droit à la grève, à la manifestation et au rassemblement. Identité nationale poussée à l’extrême du stéréotype, à contrario de la Suisse qui ne manifeste guère et à bien plus petite échelle.
Une étudiante française à l’Université de Nice s’exprime à ce propos : “On nous apprend à défendre nos idées, nos opinions et ce que l’on pense vraiment. Si je ne suis pas d’accord avec quelque chose, je le dis, et ça relève du droit à l’expression. Alors qu’importe la loi, c’est mon droit et je l’utilise comme je l’entends.”

Des règles instaurées pour être enfreintes. Des règles morales qui ont la collectivité comme organisme de contrôle et d’autres, juridiques, qui ont les tribunaux pour juger de leurs transgressions ou non. Le paysage est hétéroclite d’un pays à un autre, vaste périmètre de questionnements, d’identité nationale et d’avis divergeant.
Des règles en pagaille, parfois incomprises, parfois contestées, souvent acceptées. Dans l’ère de la dictature des règles ou celle du dénis et de la confrontation? Bien plus complexe qu’une simple frontière entre deux pays voisins.

NoAn. 

Sources :
http://www.cagi.ch/fr/vie-pratique/geneve-pratique/us-et-coutumes-suisses.php
https://sites.google.com/site/swisscultureguide/

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