Défilé printemps-été 2025 : les lumières sont tamisées, la musique est assourdissante. Des silhouettes filiformes juchées sur des talons aiguilles arpentent la scène avec un mouvement de balancier harmonieux. Telle une nuée de petits soldats, ces mannequins du futur n’ont plus rien d’humain : des robots aux mensurations parfaites ont remplacé les modèles en chair et en os. Sur le dos, ces nouveaux mannequins portent des modèles qui se veulent innovateurs et futuristes. Seul hic, la mode n’a pas bougé depuis une trentaine d’années.
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Et oui ! Vous croyez être une fashionista d’avant-garde, alors que vous copiez purement et simplement le style de vos parents et de vos grands-parents. Pour cela, une petite explication s’impose avec un retour en arrière et un rappel des dernières heures glorieuses de la mode.
Dans les années soixante, les jupes se sont subitement raccourcies et les femmes ont désormais eu le droit de montrer leurs jolies gambettes en toute légalité. Puis sont venues les années septante avec un vent de Woodstock et les hippies chic ont sorti les «pattes d’ef », les longues jupes aux imprimés fleuris et les bandeaux tressés dans les cheveux. Une décennie plus tard, la mode « peace & love » est remplacée par le grunge, le destroy et le cuir clouté portés par les punks.
Depuis les années nonante, la mode semble en panne d’inspiration. Elle remixe à l’infini les imprimés (liberty, tartan ou vichy), remet au goût du jour les chaussures de nos parents (richelieus, Dr. Martens, Converse et ballerines) et annuellement prône les vertus des basiques. En effet, le caban ou la gabardine datant de la Première Guerre mondiale, la petite robe noire trois trous, chef-d’œuvre de Coco Chanel, et les jeans déclinés sous toutes les formes et toutes les couleurs, directement sortis de la ruée vers l’or, reviennent en force.
L’illusion du nouveau
Vous l’avez bien compris, la mode ne crée plus. Elle fait semblant et, dans ce jeu, elle excelle désormais. C’est le but qu’elle se fixe deux fois par année, au printemps et en automne, aux défilés de la Fashion Week : ressortir du vieux, le modifier légèrement et le faire passer pour du neuf. Cela marche plutôt bien, surtout auprès des jeunes qui croient détenir la tendance du moment. Il n’est pas rare en effet qu’un adolescent montre tout fier sa trouvaille (un pull jacquard, par exemple) à ses parents et, en retour, entende cette phrase : « Ce pull ne date pas d’hier ! Vous, les jeunes, vous croyez avoir tout inventé mais, déjà à notre époque, on en portait des pareils ! ». Quelle monstrueuse claque alors pour l’adolescent qui croit avoir fait un saut dans le monde très sélect de la mode !
Ainsi la mode n’invente plus rien. L’époque des innovateurs et des innovations est quant à elle bel et bien révolue ! Il est bien loin le temps où Coco Chanel délivrait le corps de la femme de tous ses carcans (corsets, gaines et autres). Au XXIe siècle, la mode remet au goût du jour, rénove, affine, déstructure, joue avec les nuances et les matières, mais, en définitive, les habits que nous portons aujourd’hui, ou que nous porterons demain, sont issus du passé. La mode semble éphémère, mais en réalité elle est durable, puisqu’elle attend son heure pour connaître une seconde jeunesse.
Le retour des Pierrafeu
A force de fouiller et de remonter dans le temps à la recherche de nouvelles parures et de nouveaux atours pour égayer notre quotidien, nous finirons bien par redécouvrir la mode sommaire et non moins préhistorique de nos ancêtres, et adieu matières synthétiques et polluantes ! Nous les remplacerons par des matières chaudes et vivantes, en un mot de magnifiques fourrures appartenant dans une autre vie à nos amis les animaux… Alors un seul mot d’ordre pour les fashionistas qui oseraient remonter jusqu’à ces périodes glaciaires et malfamées : attention à la Peta[1] qui risque de montrer les crocs !
CL.
[1] Peta : « People for the Ethical Treatment of Animals » est une association défendant les droits des animaux.