1:12 – Pour des salaires équitables

Le 24 novembre prochain le peuple se prononcera au sujet de l’initiative 1:12 qui vise à interdire une différence salariale trop élevée au sein d’une même entreprise. Eclairage sur une initiative qui n’a pas fini de faire parler.

Photo : JSS

arton4422-961f1En vingt ans, les salaires élevés ont augmenté de plus de 33% et les bas salaires de 9% alors que les salaires moyens ont progressé de 7% selon le rapport de 2012 de l’Union syndicale suisse (USS). L’initiative 1:12 lancée par la Jeunesse Socialiste Suisse (JSS) sera soumise à votation le 24 novembre prochain. Elle souhaite mettre un frein aux abus salariaux en interdisant que le salaire le plus élevé versé par une entreprise suisse soit plus que douze fois supérieur au salaire le plus bas. Le salaire considéré prend en compte l’ensemble des rémunérations, soit le salaire normal, le 13ème salaire, les bonus, les voitures de fonction et autres avantages en nature pouvant être offerts par l’employeur. Ceci afin qu’un manager ne gagne pas plus en un mois que ce qu’un autre employé gagnerait en un an.

Depuis le lancement de cette initiative, les débats se font de plus en plus fréquents. Si certains individus pensent qu’il est important de légiférer sur les abus salariaux, comme l’a déjà voulu l’initiative Minder, acceptée par le peuple en mars dernier, d’autres y voient un frein à l’économie suisse. Et puis, il y a les sceptiques, ou ceux qui ont déjà trouvé des moyens de contourner cette loi, en divisant l’entreprise en petites sociétés par niveau salarial des employés par exemple. A cela Charlotte Gabrielle, vice-présidente de la JSS rétorque : «Ce ne sera pas possible car la modification de la constitution vise l’entreprise en tant qu’entité économique et non pas en tant qu’entité juridique ». Mais les entreprises n’auront-elles pas d’ici là trouvé d’autres moyens de contourner cette loi ?

 Le Conseil Fédéral conteste l’initiative car il y voit un manque à gagner, notamment par le fait que moins d’impôts pourraient alors être perçus, ainsi qu’un affaiblissement de l’économie suisse. Il convient de préciser que les différences salariales extrêmes ne touchent que peu de PME suisses. La plupart d’entre elles respectent tout naturellement le ratio 1:12. C’est pour agir sur les multinationales, basées en Suisse, qu’une telle initiative prend son sens. Le risque est alors la délocalisation de ces multinationales, économiquement profitables au pays dans lequel elles son établies, vers l’étranger.

En plus du manque à gagner pour le pays et l’économie locale, il y a aussi des désavantages pour les particuliers. Un expert fiscal diplômé lausannois avance d’autres arguments. « Il est important de tenir compte de la fiscalité qui impose déjà beaucoup plus les hauts salaires que les bas salaires puisque les taux sont progressifs. En tenant compte de cela, le salaire net après impôts n’est plus douze fois plus élevé mais en réalité huit fois plus élevé, explique-t-il. S’il se trouve que le chef d’entreprise est aussi propriétaire de l’entreprise, il doit encore payer un impôt sur la fortune, faisant ainsi diminuer davantage ce ratio. Si ce qui reste enfin dans la poche d’un entrepreneur n’est plus que 5 ou 6 fois plus élevé que le salaire net le plus bas, cela ne récompense, selon moi, pas assez l’engagement, les risques et responsabilités pris par certains chefs d’entreprises. »

D’un autre côté, les inégalités salariales impressionnantes actuellement existantes ne sont plus ni normales, ni socialement viables. Christian Levrat, président du Parti Socialiste, cité par la Tribune de Genève, parle de l’initiative 1:12 comme d’« une utopie nécessaire, d’un débat indispensable sur la justice sociale et la répartition des richesses. » Si parmi les partisans de l’initiative, les avis sont encore partagés quant à la réelle possibilité de réduction des inégalités sociétaires par une telle modification de la constitution, ils s’accordent sur le fait qu’un changement sociétaire est nécessaire. C’est avec les utopies qu’on avance. C’est un premier pas, une étape vers une société plus égalitaire. Il n’est en effet jamais profitable à une société de risquer une crise sociale.

Beaucoup de citoyens souhaitent plus d’équité mais les ratios proposés ne semblent pas satisfaisants. Le débat n’est peut-être finalement plus sur la nécessité de fixer un plafond salarial mais quel montant fixer pour un tel projet ou au moins déjà susciter des réflexions sur le type de société dans laquelle on souhaite vivre.

S.H.

Photo : Unia

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