Hans Fallada // Seul dans Berlin //

La résistance travaille pour l’avenir. L’Histoire l’a démontré. Hans Fallada en écrit une partie sombre avec humanité et précision. Pour Seul dans Berlin, il s’est appuyé sur des actes véritables de la gestapo contre un couple de travailleurs résistants berlinois de 1940 à 1942. Il assure en exergue dans la version originale allemande qu’il a imaginé les personnages tout comme la trame même s’il croit à l’existence de ce qu’il a écrit.

« Un roman a ses propres lois et ne peut pas toujours suivre la réalité. », Hans Fallada

La Syrie dans tout ça

Le couple de travailleur de Fallada fait drôlement écho aux remarques entendues ici et là concernant la guerre en Syrie. Certes, la comparaison entre le régime nazi de l’époque et le pouvoir syrien actuel se veut un brin provocateur. Mais il devrait faire réféchir plus d’un. Déjà presque deux ans que les affrontement ensanglantent la Syrie et rien ne semble avancer. Là-bas, le peuple résiste tant qu’il peut tandis que le Suisse lambda exige, ici, de l’autre côté de l’écran, l’emprisonnement de Bachar El-Assad. La situation frôle l’absurde. Il existe de la vérité dans ces paroles prononcées par un spectateur devant le téléjournal romand. Ce citoyen hélvétique aurait-il raison dans sa naïveté ?

Imaginons maintenant un couple de travailleurs honnêtes à Damas après une salve de combats. Ils vivaient chichement jusqu’à là. Et maintenant tout se dégrade autour du ménage commun, à cause d’un homme au pouvoir. Le pain devient rare. Même l’eau est polluée par la poussière des bombardements. Les affrontements font rage sur la pallier de la porte. Le couvre-feu s’impose. Chaque jour le couple souffre de la peur d’être tué. Que peut-il faire ? Peut-il s’opposer au régime ? Il peut choisir de résister. Comment faire entendre sa voix dans un climat où la peur se répend à la vitesse des morts? Hans Fallada en distille une solution. Le couple syrien voit le mal de l’intérieur tout comme le les Quangels dans le livre de l’auteur allemand.  Laissons parler le titre original: Jeder Stibt für sich allein.

Chacun meurt pour lui tout seul

Le titre allemand est éloquant. En temps de guerre chaque habitant doit penser à sa propre survie. Hans Fallada met en scène le couple Quangel à Berlin durant la deuxième guerre mondiale. Tant de livres ont exploré les méandres de cette période mais Seul dans Berlin ose la plongée dans la résistance berlinoise au nazisme.

Beaucoup d’écrivains ont témoigné des horreurs que la guerre a provoqué. Mais peu ont fait le pari de faire plonger le lecteur dans la résistance allemande. Au départ, le couple Quangel reçoit une lettre qui annonce le décès de leur fils sur le champ de bataille. Ils vivent dans un immeuble où cohabitent une juive, une famille nazie dont un fils est membre actif de la gestapo, un professeur discrètement résistant et de simples berlinois voleurs ou effrayés. Le bâtiment dévoile déjà tout le malaise de l’époque. On se cache. On se traque. On résiste. On meurt. On survit.

Mais on se croise surtout dans un climat de peur et de méfiance omniprésent. Otto Quangel décide du jour au lendemain de consacrer le dimanche à l’écriture de cartes de résistance. Il y écrit tout le mal qu’il pense du régime et les dépose discrètement dans Berlin. De quoi rendre fou les enquêteurs de la gestapo et mettre mal à l’aise le passant qui tombe par hasard sur l’une de ces pancartes et se retrouve suspect par le simple acte de lire le message. Ces gestes de résistance emmèneront le couple Quangel dans le monde obscur du nazisme.

Hans Fallada, Rudolf Ditzen de son vrai nom, utilise habilement ses nombreux personnages pour basculer d’une histoire à l’autre tout en dévoilant l’évolution de la narration. Le couple Quangel n’est pas le centre de la trame contrairement à leurs actes de résistance qui déclenchent et révèlent continuellement le visage des personnes gravitant autour de l’immeuble de la rue Jablonski.

La réalité est que le couple Quangel est inspiré des résistants Otto et Elise Hampel excécutés le 8 avril 1943. Mais le roman a ses propres lois comme l’a rappelé l’auteur. Et si l’histoire du couple de travailleurs syriens devait terminer de la même manière ?

A.W. 

Hans Fallada // Seul dans Berlin // Folio // Gallimard // Paris // 2004

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