Arsenic et vieilles dentelles : « un verre de vin ? »

Deux petites vieilles, des froufrous, des dentelles, un peu d’arsenic et le tour est joué ! La pièce à succès des années 40 de Joseph Kesselring est remise au goût du jour grâce à la troupe « Les Amis du Boulevard Romand ». Amateurs et amatrices d’humour noir, d’ambiance morbide…le cercueil vous est grand ouvert.

« Les Amis du Boulevard Romand » ont présenté au théâtre du Passage à Neuchâtel « Arsenic et vieilles dentelles » à la sauce helvético-Locloise. Etonnant pour une pièce de Joseph Kesselring tout comme la mise en scène délirante de Jean-Charles Simon qui ne laisse aucun répit au spectateur. Rires et frissons garantis !

Adaptée au cinéma par Frank Capra en 1944, cette parodie des films d’épouvante des années 40 est tout bonnement hilarante. Vincent Kohler est Lydia et Pierre Aucaigne Marthe, deux vieilles sœurs qui louent une de leurs chambres à de vieux hommes de passage. Ces derniers n’ont plus aucune attache familiale. C’est pourquoi elles ont pour honorable but de les « soulager » dans leur existence. Peut-être même un peu trop.

Leur premier visiteur décède sous leurs yeux d’un infarctus, c’est LA petite inspiration qu’il leur fallait. S’enchaînent alors les petits meurtres au doux mélange de vin et d’arsenic jusqu’au jour où leur neveu, Gabriele, découvre deux cadavres, l’un dans la banquette, l’autre dans le frigo : « Thierry n’a pas eu le temps de les descendre à la cave ! ».

Thierry est le second de leurs neveux, un gentil garçon qui n’a plus toute sa tête. Il vit, au sens propre, toutes ses lectures : de Napoléon à Hitler, sans oublier Mussolini et Göring, en passant par Bush et Barack Obama, il est tous ces personnages historiques à la fois. Un défilé surprenant, désopilant qu’interprète à merveille Thierry Meury. L’hilarité et le macabre ne seraient pas au rendez-vous sans le troisième et criminel neveu, Laurent, et son acolyte le Dr. Einstein.

Citoyennes modèles aux yeux de leurs voisins, les deux sœurs Aeschlimman cachent bien leur jeu…mais plus pour longtemps.

Cette pièce fait rire mais réfléchir aussi. Une des problématiques abordées est la criminalité. La question que se pose le metteur en scène et comédien Jean-Charles Simon est la suivante : « existe-t-il un gène de la criminalité ? ». D’après lui, l’œuvre de Joseph Kesselring confirme ce questionnement. En effet, toute la famille Aeschlimman, des grandes tantes au troisième de leurs neveux, ont des pulsions quelque peu meurtrières, dira-t-on. Plus particulièrement Laurent, criminel traqué par la police, qui change de visage comme de chemise.

Autre point d’interrogation : est-ce un acte louable d’ôter la vie à de vieux hommes « misérables » ? Ou un homicide pur et dur ? La réadaptation de la pièce a lieu au Locle, pas très loin d’un EMS : coïncidence ? Non. Là aussi, c’est un des nombreux problèmes sociaux qui est soulevé. L’aide au suicide, cette prise en charge de la mort, est-elle réellement un acte de solidarité ? Ambiguë n’est-ce pas, tout comme ce petit cercueil entrouvert dominant le décor…une subtile touche de macabre parmi ces biscuits et froufrous, un peu comme l’arsenic au milieu du vin.

Quelques images de la pièce ici : http://www.theatredupassage.ch/spectacle-123-514

C.

Photo : Cindy Fournier

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