Larticle.ch part à la rencontre de ses anciens rédacteurs afin de savoir ce qu’ils sont devenus. Parce qu’ils ont contribué à faire vivre le mensuel grâce à leurs articles et leurs idées, nous voulions vous présenter leurs portraits en quelques lignes. La deuxième plume à se dévoiler est Deborah Sohlbank. Aujourd’hui elle travaille à la RTS, côté radio, et fait des reportages pour l’émission culturelle « La Puce à l’Oreille ».
Tes études ?
J’ai étudié l’ethnologie, le français et le journalisme entre 2004 et 2007. Après mon Bachelor, je souhaitais faire quelques stages dans les médias. Et j’ai plusieurs expériences que je qualifierais de « ludiques »… « Génération 07 » à la RSR qui avait engagé des jeunes pour couvrir l’élection fédérale de 2007 de façon décalée. Un stage de JRI (journaliste reporter images), pendant six mois à Canal Apha, la TV neuchâteloise. Enfin j’ai sillonné l’Europe pendant six semaines en tant que blogtrotter pour l’Hebdo. A mon retour, Canal Alpha m’a proposé un stage RP.
Découverte et motivations pour écrire à Laritcle.ch?
Viviana [la rédactrice en chef] était venue en 2004 présenter cette nouvelle plateforme dans les cours de journalisme. J’avais trouvé ça intéressant, j’aimais écrire. Je ne suis devenue rédactrice qu’en 2007.
En 2007, dans un Édito portant sur la violence, tu as écrit :
Quelle est ta vision des médias et leur rapport à la violence? Et le rôle de journaliste dans tout ça?
L’ethnologie m’a appris à porter un regard critique sur le système médiatique. Mon travail de fin d’études portait d’ailleurs sur une polémique qui avait secoué la Suisse romande. Je m’étais rendue compte à quel point ce système est complexe et peut devenir vicieux.
Du coup, lorsque j’ai commencé dans le journalisme, je me sentais en contradiction avec ces positions adoptées pendant mes études. Je n’assumais pas tellement d’être entrée dans cette drôle de communauté…Bien sûr le métier nous oblige à aller directement à l’info. On n’échappe pas aux raccourcis… On fonctionne avec beaucoup de mots clefs. Je trouve ça toujours très frustrant.
Mais en vivant les choses de l’intérieur, j’ai aussi découvert qu’il existe une déontologie que les journalistes doivent respecter. Ils se posent constamment la question de la légitimité de X ou Y sujet, avant de publier ou de diffuser.
Je trouve qu’il faut être tout le temps très prudent, notamment avec certains sujets qu’on pourrait qualifier de « sensibles », comme la problématique des musulmans.
La dichotomie qui existe toujours me rend folle : le « méchant », dans le contexte des différentes violences. Et le «musulman traditionnel », qu’on évoque à chaque Ramadan. Je regrette qu’on ne les voie que dans ces contextes et pas dans des sujets de tous les jours.
Autre exemple : lorsque je travaillais à Canal Alpha, j’ai fait un sujet sur une femme vigneronne. Je devais lui poser des questions comme : « alors vous faites du vin plus doux? » « Pas trop difficile pour une femme dans ce monde d’hommes? » ça m’avait énervée, je trouvais ça réducteur. Finalement j’aurais juste aimé qu’elle me parle de son métier. Ce n’est vraiment pas comme ça que les médias contribuent à décoller les étiquettes
Tes expériences dans les médias en dehors de Larticle.ch?
Pendant mes études, je n’ai pas eu d’autres expériences dans les médias.
Ton parcours professionnel après tout ça?
Lorsque j’ai terminé mon stage RP à Canal Alpha en septembre 2010, je n’avais plus du tout envie de travailler en actu.
Je suis donc partie presque sur un coup de tête avec une amie/collègue pendant deux mois aux Etats-Unis. On s’est lancées dans un documentaire sur les villages du Midwest fondés par des Suisses. On a acheté du matériel et découvert des villages comme New Glarus, dans le Wisconsin, ou Berne dans l’Idianna. A côté, on tenait blog et on a publié plusieurs articles dans des quotidiens romands.
A mon retour, après quelques petits jobs, j’ai commencé à travailler sur mandats pour « La Puce à l’oreille », diffusée sur la TSR. On est à deux sur des reportages. Comme je suis JRI, je travaille parfois comme caméra-woman, d’autres comme journaliste.
Ensuite pour ne pas être seulement en free-lance, j’ai postulé lorsque la RTS cherchait des journalistes pour les Nouvelles. Depuis fin 2011, je jongle avec deux aspects très différents du journalisme. Et je crois que j’ai trouvé la formule qui me convient pour avoir du plaisir dans ce métier.
Un conseil aux apprenti-journalistes?
Un journaliste à la retraite m’a donné un conseil à l’époque, que je trouve toujours super valable… « N’entre pas dans ce métier par la grande porte, va-y par la petite. C’est dans les médias locaux que tu apprends tout ». C’est vrai que c’est une école excellente, parce qu’elle est difficile. Je crois qu’on fait tous ce métier, parce qu’une part de nous rêve de devenir Tintin et de parcourir le monde… Mais en fait, couvrir une région par ces grands et micro événements, c’est passionnant. Dans un média local, on a moins de moyens, il faut donc être plus créatif. Pendant mes années à Canal Alpha, j’en ai parfois bavé, mais j’ai aussi adoré. Tu fais du tout-terrain : un jour t’es en éco, un autre sur un sujet culture, une autre fois en reportage dans un petit avion… C’est génial ! Et en fait, peut-être que Tintin n’est pas si loin dans ces moments !
Pour finir, quel est pour toi le symbole de changement le plus fort de ces 20 dernières années :
J’adore discuter avec des journalistes qui ont travaillé avant internet… Je me demande comment ils faisaient… ça me fascine ! Aujourd’hui, on est clairement dépendants. D’ailleurs l’exercice de sevrage est intéressant : vivre sans internet… Je le fais parfois en vacances : zéro internet pendant une semaine. Après les petits tremblements du début, ça fait vraiment du bien. Mais bien sûr que la première chose que je fais à mon retour, c’est de lire mes mails !
Propos recueillis par Alexandre Steudler