Alors que l’album « A tout moment» avait permis à Eiffel de se faire connaître grâce au single du même nom, le groupe bordelais ressort un cinquième opus intitulé « Foule monstre. ».
« Place de mon coeur gueule une envie de fronde, place de mon coeur manifeste l’infra-monde ». Dès les premières paroles, le ton est donné. Par-dessus une guitare saturée et un fond rythmique entraînant, Romain Humeau nous fait voyager dans son univers grâce à ses paroles d’une grande richesse. Il aime la langue française et prend un malin plaisir à jouer avec celle-ci. On est bien loin de ce que le rock français nous avait habitué à entendre ces dernières années. Le son, tout comme la poésie que l’on retrouve dans chacun des morceaux évoquent une ressemblance avec le mythique groupe Noir Désir, qui s’attelait tout autant à se démarquer par un son propre et une prose plus que poétique. Il n’est donc pas étonnant de retrouver Bertrand Cantat, déjà présent sur le précédent album, sur l’un des titres : « Lust for Power ». Eiffel porte cependant une grande importance à se différencier de Noir Désir. Comme Romain Humeau, un brin provocateur, le dit dans une interview : « c’est comme si le Français moyen avait son béret, sa baguette et son Noir Désir et qu’il ne connaissait que ça, avec Indochine et Téléphone ».
Dans chacun des treize morceaux de l’album, Eiffel nous entraîne dans son univers et nous parle d’inégalités sociales, de la mort, de la solitude… Autant de thèmes difficiles à aborder sans tomber dans le pathos. Et pourtant, par une prose parfaitement maîtrisée, Romain Humeau a réussi à surmonter cette difficultée avec brio. Le groupe a réussi à marier « la réalité crue avec un certain imaginaire ». Ayant la ferme volonté d’évoluer musicalement, Eiffel a pris une nouvelle direction avec ce nouvel opus. Dans l’air du temps, ils réussissent parfaitement à concilier rock et sonorités électro.
Certes, Eiffel ce n’est pas évident dès la première écoute. Les sons saturés sont parfois un peu trop nombreux à se côtoyer, les métaphores et pastiches sont si présents qu’on a souvent de la peine à comprendre le sens des paroles… Alors effectivement, au premier abord on peut avoir l’impression que la musique est trop brute ou pas assez aboutie, que les paroles sont dénuées de sens. Mais une fois qu’on trouve la clé de compréhension, on ne sait plus où donner de la tête. On y trouve une grande richesse des mots, des notes, des arrangements. Le groupe concilie grosses guitares, sonorités électro et morceaux acoustiques avec une facilité impressionnante.
Ce nouvel album est donc un sans faute pour ce groupe bordelais. Alors qu’il aurait pu retomber dans l’oubli après un début de gloire avec « À tout moment », Romain Humeau et ses acolytes ont réussi à trouver l’évolution et l’équilibre nécessaires pour avancer. Avec cet album, probablement leur meilleur, Eiffel a définitivement réussi à se faire une place dans le rock français actuel.
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A.D.A