Entre deux sound-checks, Luis Clavis, percussionniste et chanteur de Misteur Valaire, a accepté de nous donner un peu de temps pour nous en dire plus sur le groupe.
L’article.ch : D’où vient le nom du groupe, Misteur Valaire ?
Luis Clavis: A l’école, on avait un ami mexicain qui s’appelait Carlos Ramirez, un pianiste classique virtuose. Il voulait qu’on l’appelle Carl Valaire. On lui a dit « Carlos, qu’est ce que tu fais de ta vieille famille mexicaine, de tes grandes tantes, de tes friolaises et de tes piñatas ? » et on lui a volé son nom. Je pense qu’on lui a un peu sauvé la vie en même temps !
L.ch : Comment est né le groupe ?
L.C. : On a tous grandi ensemble à Sherbrooke. On a les cinq commencé à faire de la musique vers l’âge de 6 ans. On se fréquentait parce qu’on habitait le même quartier les 5 et on faisait tous des études musicales. A Sherbrooke il y a beaucoup d’écoles qui prennent les jeunes très tôt pour les former à la musique et ce jusqu’à l’université. On parle d’ailleurs des fois de Sherbrooklyn. C’est vraiment à l’école secondaire, quand on avait 13 ans que les choses ont démarré. Les quatre gars se sont retrouvés dans la même école, en concentration Jazz. Ils ont découvert le jazz ensemble et formé des petits groupes. Moi j’allais dans une autre école, je jouais plus du rock mais j’allais les rejoindre après les cours pour jammer avec eux. C’est à cette époque que Misteur Valaire s’est formé.
L.ch : Comment est-ce que vous composez, en équipe ou individuellement ?
L.C. : C’est vraiment un mélange des deux. On a tendance à travailler des trucs chacun de notre côté, et quand on revient pour la composition à band [ndlr : dans le groupe] on a chacun nos petites idées qu’on propose aux autres et qu’on essaie. Quand les autres gars trouvent que c’est cool ils rajoutent des trucs par dessus et ça nous donne d’autres idées de sections qu’on compose en band. Il n’y a pas de leader qui dit : « Je veux ça et toi j’aimerais que tu joues ça. » C’est vraiment à cinq qu’on trouve des idées, on regarde que tout le monde aime, de façon assez démocratique.
L.ch : Sur scène vous avez une énergie folle, est-ce que ça vous arrive de ne pas être motivé avant un spectacle ?
L.C. : Y a des spectacles plus dur, c’est sûr que ça dépend beaucoup du contexte de show. Certains sont dans des conditions difficiles ; c’est une dure journée, on a dormi deux heures, on a l’impression qu’on va jouer devant personne et on se demande pourquoi on va faire ce show-là… Mais à chaque fois on trouve une énergie. S’il y a que quelques personnes ou que ça se passe très mal on trouve d’autres façons d’aller chercher de l’énergie, on fait le show plus rock par exemple. Des fois on aime faire réagir les gens, des fois on joue plus pour se défouler. Ca n’arrive jamais qu’on soit sur le stage [ndlr : la scène] et qu’on fasse : oh j’ai plus le goût de le faire. Une fois les chansons lancées, y a jamais de problèmes.
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L.ch : Votre dernier album sonne plus pop, est-ce la direction que vous voulez suivre pour le futur ?
L.C. : Le côté pop est surtout dû, je crois, au fait qu’on ait eu des collaborations vocales. C’est intéressant justement de faire des collaborations qui attirent les gens vers le coté instrumental aussi, donc qui permettent d’entrer notre musique qui peut être plus difficile, c’est une porte d’accès vers le coté plus cérébral qu’on peut avoir parfois. Donc trouver un équilibre entre les deux est un peu le but de la chose.
L.ch : Votre modèle économique est plutôt hors du commun, votre style de musique indéfinissable, est-ce un but en soi de vous différencier des autres ?
L.C. : Le but est de trouver la formule qui nous ressemble le plus. On est dans une période où on doit être créatif dans la mise en marché parce les CDs ne se vendent plus. Il y a quelques entreprises qui ont décidé de se battre contre le piratage et la façon actuelle de consommer la musique. Nous, on a décidé de se servir d’internet et des nouvelles technologies pour se rapprocher des gens qui consomment notre musique et pour les encourager à en parler aux autres et à les encourager à venir aux spectacles. Vu qu’il n’y a pas, en ce moment, de définition de comment faire pour bien distribuer la musique, on essaie de faire de la façon qui nous convient le mieux et de la façon qui convient aux gens qui consomment notre musique.
L.ch : Quels sont les bénéfices que vous retirez de cette façon de faire ?
L.C. : Ca nous sert beaucoup parce qu’on peut facilement identifier dans quel coin du monde les gens téléchargent notre musique. Dès qu’ils ont l’album, on peut les contacter en un clic. Ca nous permet aussi de voyager beaucoup parce qu’on sait où nos albums ont été téléchargés et on peut aller là-bas pour faire des spectacles. Au lieu de se battre contre le consommateur, on s’adapte à lui.
L.ch : Est-ce différent de jouer en Europe et au Canada ? L’accueil est-il le même ?
L.C. : La principale différence est la population, il y a beaucoup plus de monde en Europe que dans des coins comme le Québec ou même le Canada. On a de très grands espaces mais pas de grandes populations. Les tournées sont beaucoup plus petites chez nous, on joue dans des plus petites salles, devant moins de monde. Les réactions par contre sont un peu similaires. Mais y a des endroits, en Allemagne ou en France par exemple où on voit des différences de comportement. En France, les gens ont besoin de s’exprimer, ça arrive souvent que des gens montent sur le stage et nous font des chorégraphies à eux seuls.
L.ch : Pourquoi vous être dirigé vers l’Europe sans s’être d’abord fait connaître chez les voisins américains ?
L.C. : C’est un marché où tu peux pas y aller à moitié, et c’est assez compliqué donc pour l’instant ça n’a pas encore valu la peine d’aller faire des grosses tournées là-bas. On aime mieux travailler sur l’Europe car c’est un marché qui est plus accessible pour nous, curieusement, pour l’instant. Et faut se concentrer sur un endroit à la fois, sinon on serait encore des années en tournée avant de sortir un album !
L.ch : Le futur vous le voyez comment ?
L.C. : Pour l’instant on souhaite continuer comme ça. J’ai toujours dit : « Tant que ça marche, on en profite et après ça, on verra ce qu’on fait ». C’est rassurant parce qu’on a notre entreprise (Mr. Label) et qu’on la voit évoluer à une vitesse qui est plutôt stable, pas de pic de succès spontané qui peut retomber directement par la suite. Et ça nous permet d’investir ; on a créé notre petit studio, on commence à faire de la musique pour le cinéma, pour la télé. Après, c’est pas parce que le live marche moins qu’on va commencer à vieillir. On aura des ressources pour faire d’autres trucs.
Propos recueillis par Sandra Hildebrandt
Album téléchargeable sur : www.mv.mu