Tout d’abord, commençons par observer les similarités entre le sport et le jeu. Premièrement, on peut voir que dans les deux cas on accepte un certain nombre de règles. Cette première remarque peut paraitre pour le moins simpliste mais elle a son importance dans la mesure où le sport comme le jeu ne peuvent exister qu’en présence de certaines contraintes. Deuxièmement, le sportif comme le joueur n’a qu’un but : Gagner ! Et finalement, le sport et le jeu se rejoignent dans la mesure où l’on cherche son plaisir dans les deux cas. Se sont là, les trois points principaux ou jeu et sport se ressemblent fortement.
Parallèlement à la première similarité, il est intéressant de faire un rapprochement entre la chance, qui caractérise le jeu et l’injustice propre au sport. En effet, on entend très souvent des supporters ou des athlètes se plaindre de l’injustice qu’engendre le sport. Les supporters de football se plaignent de l’arbitrage, les fans club de Didier Cuche des conditions météorologiques qui défavorise leur athlète au moment de s’élancer. Et les supporters de Thomas Luthi, s’indigne lorsque leur protégé doit s’arrêter à cause d’un problème mécanique. Autant de raison qui font que les sportifs et les supporters en reviennent si souvent au thème de l’injustice. On voit très bien le parallèle qui se dresse avec le jeu. Lors d’un jeu de carte, on ne parle pas d’injustice lorsque l’on a une mauvaise main. On parle de malchance. Les deux termes sont très proches, la différence entre injustice et malchance nous amène toutefois à observer une différence entre le sport et le jeu. L’injustice est une notion qui ramène à la réalité tandis que la malchance, la fatalité en fait, est une notions extérieur à nous. Que nous ne contrôlons pas. Pour illustrer cet exemple il faut s’imaginer un enfant jouant au cowboy avec son pistolet à eau. Lorsque l’enfant joue il y a un décalage entre le jeu et la réalité. L’enfant s’imagine cowboy, il s’imagine dans un décor de western avec son chevale. Il en va de même pour le Monopoli, ou autre jeu de stratégies. Ce décalage entre réalité et fiction est la condition même du jeu. Tandis que le sport lui se caractérise par sa dimension réelle. C’est sans doute pour cela qu’on ne dit pas « jouer au sport » mais bien « faire du sport ».
Nous avions affirmé ci-dessus, que gagner était l’un des points communs que partagent le sport et le jeu. Mais il me faut rebondir sur ce point pour différencier le sport du jeu, car là est notre but. Je pense personnellement qu’il y a en sport quelque chose de plus que gagner. Je ne parle pas ici de la victoire sur les autres, qui procure sans doute la même euphorie dans le joueur et le sportif. Je parle, de la victoire sur sois même. Le sport est non seulement un jeu avec les autres mais plus encore un jeu avec sois même. Sinon, comment expliquer les alpinistes qui partent en solitaire conquérir des sommets, sans une concurrence directe avec d’autres ? En sport on joue à se faire mal, on joue à se faire peur. C’est sans doute de cela dont parlent les sportifs lorsqu’ils évoquent le dépassement de soi, ou encore la victoire sur soi même.
En ce qui concerne le plaisir, les sportifs comme les joueurs en recherchent. En revanche, l’apport de plaisir, ou plutôt la recherche de plaisir est selon moi fondamentalement différents entre joueurs et sportifs. Car c’est en sport (en laissant de coté les jeux déviant) qu’intervient une nouvelle notion ; le plaisir par la souffrance physique. A ce propos, j’ai eu l’occasion de grimper cet été au sommet du Galibier (2646m), pour suivre l’arrive du tour de France. C’est soudainement en évoquant la souffrance physique que l’image du Thomas Voeckler, le héro tricolore du mois de Juillet, m’apparait. Je me souviens de son visage. A la fois marqué par la détermination et masqué par la douleur. Je revois sa bouche grimacer au milieu des applaudissements et des hurlements, et ses veines palpiter sur son corps ruisselant. Cette parenthèse nous permet d’introduire de nouvelles questions. Au fond, pourquoi tant de souffrance par le sport ? Comment, ce qui à la base est un jeu, dérive au point de devenir une réelle torture ? Y a-t-il encore une forme de jeu dans ces sports où la souffrance est une condition ?
Pour conclure et répondre à mes interrogations, voici ce qu’on peut dire du sport. Je pense personnellement que le sport va plus loin que le jeu. On pourrait dire d’ailleurs que c’est lorsqu’il va au-delà du simple jeu qu’il prend toute sa signification. Quand le sport nourrit l’esprit plutôt qu’il n’affine la silhouette, quand le sport rassemble, quand le sport brise toute les frontières entre les quels la société nous enferme… Quand enfin, comme le dit Girardoux, le sport devient « l’art par lequel l’homme se libère de lui-même ». L’art ? Oui l’art. Art puisqu’inutile au fond mais essentielle en fait.
RoSa