Jean-Martin Peer est sans aucun doute Neuchâtelois dans l’âme. Né à la Chaux-de-fonds et vivant actuellement dans le bas du canton, il a décidé de faire vibrer les rives du lac avec son projet sortant de l’ordinaire : l’Auvernier Jazz Festival! En effet, à quelques semaines d’entamer la troisième édition, le directeur et fondateur de l’AJF revient sur les étapes marquantes de la création de l’événement.
Une naissance qui ne s’est pas faite sous péridurale et une croissance qui demande une attention de tous les instants. Finalement c’est grâce à la ténacité et à la persévérance d’un fondateur touche-à-tout et de toute son équipe que le Festival à vu le jour et continue à se développer petit à petit. Retour sur une idée, un projet… devenu réalité :
– Larticle.ch : Jean Martin Peer d’où vient votre intérêt pour le Jazz? Est-ce que ça vient de vos parents dans votre jeunesse ou plus tard à l’adolescence ?
– Jean-Martin Peer : La musique de manière générale, j’ai baigné dedans depuis tout petit. Je pense que j’ai été influencé par ma maman… j’ai encore le souvenir de trente-trois tours de Dixieland ou d’autres styles en lien avec le jazz. Mon éducation musicale à commencer là et ce n’est pas un fait du hasard, la musique a toujours été proche de moi et a toujours été quelque-chose de très important. Personnellement, j’aime toutes les musiques, je ne me suis jamais limité à un style musical déterminé, ça n’a jamais été que la pop, le reggae, le jazz ou le classique. Toutes ces musiques je les ai toujours écouté avec beaucoup d’intérêt. Je n’aime pas catégoriser les styles musicaux et dans le cadre du festival c’est la même chose. Les grands festivals de jazz en Suisse, notamment Montreux et Cully, ont compris – et c’est un impératif peut-être pour un festival – que ce n’était pas possible de proposer uniquement des groupes ou des artistes qui sont sous la bannière jazz. Pour Auvernier, on a amené depuis le premier jour d’autres styles musicaux, comme la bossa nova, qui est un courant originaire du Brésil et qui a été présent ces deux dernières éditions. Dans la programmation à venir du festival, ce sont des choses que je vais toujours m’autoriser, parce que la musique est importante sous toutes ces formes…
L.ch : D’où est venu l’idée de l’Auvernier Jazz Festival? Était-ce pour pallier à un manque?
J.-M. P. : En 2008-2009 j’ai commencé à me poser des questions sur les choses qui étaient vraiment importantes pour moi et que j’avais envie de réaliser. Début 2009 est un moment clé, puisque c’est à se moment là que j’ai imaginé le festival. Ça venait un peu naturellement parce que j’ai travaillé 6-7 ans à Festi’Neuch, en occupant différentes fonctions, je me suis occupé de conduire les artistes, puis ensuite j’ai gérer l’équipe des conducteurs. Finalement j’ai mis en place le concept de captation des concerts avec les grands écrans, les négociations des droits à l’image…etc. À un moment donné, me trouvant devant la grande scène avec des bouchons dans les oreilles, je me suis dis : « il y a un truc qui joue pas.» pour moi la musique on doit l’écouter, on doit la découvrir, mais on ne doit pas s’en protéger. Et j’ai le sentiment que c’est là que le déclic s’est fait, en disant : pourquoi ne pas offrir de la musique dans un cadre où les gens l’écoute, la découvre? La réflexion a débuté à ce moment là, en me demandant : quoi, comment, où? Les jeunes rives étant bien occupées, j’ai un peu réfléchi aux autres alternatives et le choix s’est finalement porté sur Auvernier. En avançant un peu dans le projet, j’ai rencontré Jacques Matthey, qui a notamment travaillé pour le Montreux Jazz. Puis on a lancé le projet en posant la question aux autorités d’Auvernier, pour savoir si elles étaient d’accord de cautionner le projet. J’avais envie de créer quelque-chose, inventé un endroit où de la musique se ferait dans un cadre particulier. J’insiste sur le fait que le festival n’est pas juste un endroit où des groupes se produisent. Une réflexion a été faite sur l’endroit, la manière dont on accueille les gens, sur des détails… tout cela dans le but de rendre l’endroit agréable et plaisant. Le concept des « After » qui se fait dans les caveaux est né du même principe, on voulait continuer de faire de la musique avec des artistes qui font un boeuf, qui se mélange et joue ensemble.
L.ch : L’envie de faire de la musique dans les caveaux était présente dès le départ ou est-ce que c’est venu plus tard avec le développement du festival?
J.-M P. : On pourrait penser qu’on a simplement copier Cully puisque les choses se passent de la même manière là-bas… mais ce qu’il faut savoir c’est que la première année, en 2009, les autorités nous ont demandé d’arrêter la musique à 21h00, ce qui fait tôt pour un festival open air. Après de bonnes discussions, on a finalement obtenu une autorisation pour 22h00, mais ça restait relativement tôt. Alors on s’est demandé comment faire pour continuer à écouter de la musique. De là est venu l’idée d’aller dans les caveaux pour pouvoir prolonger un peu le festival. Donc le concept est en quelque-sorte né de cette manière.
L.ch : Associé à l’Auvernier Jazz Festival, il y a aussi l’Auvernier Jazz Contest donc peut-on avoir quelque détail sur le principe de ce concours? Est-ce que ça a été créé depuis le début du festival?
J.-M. P. : Alors ça n’existe pas depuis le début, puisque la première édition du festival a été créée en deux mois et demi. C’est-à-dire qu’entre le moment où la demande a été faite aux autorités et la première édition, on a pris deux mois et demi pour tout mettre sur pied. Donc en 2009 on a clairement pas eu le temps. C’était déjà quelque-part un petit miracle d’amener des artistes depuis l’étranger, de monter une scène, d’avoir des restaurateurs… etc.
Après le premier festival on s’est dit : puisque c’est une des possibilités qu’on a, pourquoi ne pas créer en parallèle un concours qui, chaque année, offrirai un prix donnant la possibilité à un groupe de se produire dans le cadre du festival. On l’a donc mis en place à partir de 2010. L’intérêt va grandissant, même si le festival doit encore se faire connaître. Mais si on regarde la lauréate de cette année, Fanny Anderegg, je suis assez certain que le concours a vraiment une raison d’être dans le cadre du festival. Donc depuis l’année dernière Antoine Morata, qui est le vice-président de notre association, s’occupe de ce concept. Il est lui même musicien et je suis très heureux d’avoir une personne qui gère ce concours de manière à pouvoir lui donner une identité propre et une couleur particulière, afin qu’il puisse grandir de manière autonome par rapport au festival.
L.ch : Le festival existe depuis 2009, quelles sont les plus grandes évolutions au fil des éditions, avez-vous gagnez de l’expérience, attendez-vous plus de monde cette année?
J.-M. P. : Oui c’est sûr, c’est un passage obligé! Il y a beaucoup d’apprentissage dans tout ce que l’on fait. Créer un festival c’est quelque-chose d’assez énorme, ce n’est pas juste 2 semaines de préparation… Si le festival se déroule le dernier week-end d’août, le 28 août étant le dernier jour, le 29 août on commence à travailler pour l’édition suivante. On ne pourrait pas exister sans le soutien de nos partenaires que nous sollicitons souvent dès septembre ou octobre. Maintenant bien sûr qu’on a appris énormément de choses, il y a des choses qu’on a déjà adapté par rapport à la première année. Je pense qu’on gère le festival de manière plus professionnelle avec notamment un gestionnaire de projet. Après que ce soit dans la programmation, la visibilité, la communication, il y a beaucoup de choses que nous avons apprises, même si on doit encore se développer.
L.ch : Quelles sont vos ambitions pour la suite, est-ce que le festival cherche à s’agrandir, est-ce que vous avez envie de toucher un public plus large?
J.-M. P. : Si notre festival ne répond pas à une envie du public, il va mourir, c’est une règle de base. Donc on doit susciter l’envie, on doit aiguiser l’appétit. Alors de nouveau, pour chaque programmation, on tente de proposer des artistes, des groupes, qui soit des découvertes, des valeurs sûres, quelque-chose de cohérent qui fasse envie. L’avenir c’est un travail de tous les instants, pour consolider l’existence du festival qui a vécu deux années difficiles. Il y a eu un gros investissement consenti depuis le premier jour pour établir l’identité de ce festival. Ainsi, on a eu deux années difficiles qui sont, à mon sens, un investissement nécessaire pour l’avenir. Malgré ça, les choses se passent de manière formidable, puisqu’on a construit en deux ans un festival qui a une raison d’être, des partenaires qui nous soutiennent… pour dire que les gens qui sont venu à la première édition ne savaient rien de ce qu’ils allaient découvrir. On avait à ce moment là aucune image. L’année dernière c’était plus ou moins la même chose puisque aujourd’hui encore, dans le canton, un nombre important de personne ne savent pas qu’on existe. Et ça ça prendra un peu de temps. Les objectifs sont de garder le festival sur des rails de manière à le pérenniser, c’est ça le plus important. Je pense qu’on a en tout cas une bonne base. Finalement, la présence à nos côté de tant de monde nous montre que notre festival propose quelque-chose de souhaité dans la région, qui vit énormément de la culture. On offre un événement aux couleurs particulières puisqu’il n’y a pas vraiment d’équivalent. Donc grandir oui bien sûr, mais grandir sagement, régulièrement. Auvernier peut accueillir beaucoup de monde, le festival peut devenir très grand, maintenant ce n’est pas forcément notre volonté. Grandir raisonnablement toutes les années ça c’est sûr, mais là on a encore du potentiel. Le but c’est que le gens comprennent que le jazz n’est pas une musique pour l’élite. Moi-même qui m’occupe, avec une autre personne, de la programmation, j’ai aussi mes limites. Dès que ça devient trop déstructuré ça devient difficile à comprendre. Donc le but est de proposer quelque-chose de compréhensible et facile d’accès.
Propos recueillis par Alexandre Steudler