La famille de Cadolzburg, rendue célèbre grâce à la méthode d’allemand Worwärtz, est actuellement au centre de la pièce de théâtre « Guten Tag, ich heisse Hans », qui détruit avec un plaisir non dissimulé le mythe de cette famille apparemment parfaite.
Les écoliers, les vaudois et les genevois en particulier, qui ont appris l’allemand entre la fin des années 70 et le début des années 90, connaissent certainement Hans Schaudi, son père Heinrich, sa mère Liesl, sa cousine Lieselotte et, bien sûr, son chien Lumpi. Les histoires de la famille Schaudi étaient en effet au cœur de la méthode pour apprendre l’allemand Worwärtz. Les Schaudi étaient les héros de petites scénettes – les Vorstellung – qui illustraient des moments ordinaires de la vie courante avec un souci du cliché permanent. Ainsi, Hans était un petit blondinet de 13 ans, au sourire éternel et à la bonne humeur inébranlable. Heinrich, son Vater, était le directeur de la caisse d’épargne de Cadolzburg, et était représenté assis dans un fauteuil, fumant une pipe et lisant un journal. Liesl, la Muter, était quant à elle représentée avec un foulard sur la tête et une brosse à récurer (eh oui…), sa seule fonction étant de faire le ménage et de préparer des schnitzel. Quant à Lieselotte, une jeune brunette bien sage mais quelque peu écervelée, elle était assez maladroite pour se casser la jambe en cueillant des champignons (rassurez-vous, elle a été sur pied très rapidement pour aller danser au bal costumé avec un inoubliable déguisement de léopard. Prima !). La famille Schaudi est donc une famille irréprochable, en apparence.
Les apparences, justement, Camille Rebetez, l’auteur de « Guten Tag, ich heisse Hans », va s’amuser à les briser. Dans son spectacle, la famille Schaudi a été choisie pour représenter l’Allemagne au travers des Vorstellung. Mais dans la réalité, Hans n’est pas le gentil blondinet qui obéit bien à ses parents. Non, c’est un adolescent au bord de la crise qui n’a plus envie de faire ce que lui dit son Vati. Alors lorsqu’il annonce qu’il ne veut plus jouer avec Klaus (son copain de toujours, le fils du droguiste), mais préfère faire du foot avec Zlotan, un garçon immigré et pauvre (donc forcément communiste pour Heinrich), la vie des Schaudi, si parfaite, va s’effondrer. A partir de ce petit incident en effet, toutes les valeurs prônées dans les Vorstellung s’ébranlent. Heinrich devient paranoïaque, Liesl en a marre de frotter, Hans veut faire des Vorstellung avec son copain Zlotan et tous les pauvres afin de refléter la réalité telle qu’elle est, et Lieselotte, qui ne sait pas trop ce qui se passe, avoue que sa prof de gym aime bien prendre des douches avec elle.
Au final, si l’on éprouve un grand plaisir à retrouver des personnages qui ont accompagné notre scolarité – pour le meilleur et pour le pire –, voir la famille Schaudi se décomposer en même temps que ses croyances laisse une impression mitigée. La faute peut-être à une envie d’aller trop loin dans le côté trash. Regarder Liselotte décrire ses douches avec sa prof de gym devant un Heinrich en rut pendant cinq bonnes minutes, c’était peut-être un peu trop.
Reste les dix premières minutes de la pièce, où les Schaudi rejouent la toute première Vorstellung, celle où Hanz nous présente sa famille. Voir en vrai ce qui n’était jusqu’alors que des images sur papier, qui plus est interprété par des acteurs convaincants, c’est à mourir de rire !
Didier Nieto