L’esprit fertile

Viviana von Allmen
Hier soir, le public se demandait : Est-ce que je connais l’esprit de Robert Walser ?
La représentation de « Le voyageur immobile » nous a montré une toute autre réalité de l’écrivain.
La pièce créée, mise en scène et jouée par Delphine et Matthieu Nolin à été conçue d’après des découpages de différents récits : Dramouler, Les enfants Tanner et La morte du jeune poète. C’est un choix qui, avec esthétisme, permet de découvrir la somme monumentale sur laquelle l’auteur a basé sa vie entière d’écrivain. 
La Soirée Walser a commencé dans la salle sombre du Théâtre municipal de Bienne, une voix en off berçait le spectateur dans les paroles de l’écrivain.
« Un jour je recevrai un coup, l’un de ces coups qui vous anéantissent complètement, et tout, tout sera fini. Tout ce chaos, ce désir, cette ignorance, tout cela, cette reconnaissance et cette ingratitude, ces mensonges et ces illusions sur soi-même, ce croire savoir et ce pourtant je-ne-sais-jamais-rien. ». Robert Walser.
Timidement les lumières sur la scène profilent la silhouette de l’écrivain dans sa chambre. Pris par son imaginaire, il fait surgir peu à peu de son esprit des personnages inquiétants, fantasques et poétiques. Des ambiances sonores traduisant les pensées profondes du poète, des voix qui résonnent, des corps statiques, lents puis qui se mettent en mouvement… La femme vêtue en robe rouge, délirante, peu après prisonnière, se transforme enfin en candide, toute de blanc vêtue. Une métamorphose des mots en images !
Les acteurs de « Le voyageur immobile » -qui revit le passé de l’écrivain au travers de ses liens fragiles entre la folie et la création tout en les décrivant- sont submergés dans leurs rôles, peu faciles et vivent l’action. Cette introspection permet l’insertion de nombreuses dimensions, rêves, réflexions, envies et rapprochements qui se mêlent aux souvenirs des poèmes.
Delphine et Matthieu Nolin nous ont offert tant de grâce et de sensibilité…le temps fut précieux ! Leur gestuelle est prise par l’esprit de leur création sur une œuvre philosophique. Le moment le plus émouvant c’est la tragique mort de l’écrivain (une minute et demi) d’un corps interdit, saisi, inanimé qui est étendu sur les planches et entouré par une musique nostalgique de Sébastien Bach.
C’était un véritable défi que de représenté ce spectacle dans la terre qui a vu naître Robert Walser. Une volonté de lenteur, d’esthétisme et d’excentricité qui se sont réunies selon la logique d’un puzzle extravagant.

Robert Walser écrivain hors pair est né le 15 avril 1878 à Bienne, Suisse. Il a vécu une vie dans l’incompréhension de son époque, reclus 27 ans dans un asile psychiatrique. Il meurt le 24 décembre 1956 à Herisau couché sur la neige.

Photos:ldd

 

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