A l’occasion de la quinzième journée du championnat d’Espagne, Le FC Barcelone, l’un des clubs européens les plus titrés, reçoit le FC Séville dans son antre du Camp Nou. Fidèle à sa très longue tradition, le Barça prodigue un jeu offensif et attrayant, dans un stade où règne un surprenant silence.
Didier Nieto
Si pour certains d’entre nous Barcelone évoque avant tout une ville touristique où il est agréable de passer un week-end, pour d’autres la capitale catalane est avant toute la cité de l’un des clubs de football les plus mythiques d’Europe : le FC Barcelone.
Riche d’un palmarès à rendre jaloux bon nombre de ses adversaires (17 titres de champion d’Espagne, 24 Coupes d’Espagne, vainqueur de la Ligue des Champions en 1992,…), le Barça est en outre actuellement reconnu comme l’équipe du continent qui produit le plus beau jeu. Fondé en 1899, le FC Barcelone s’est d’ailleurs toujours défendu de pratiquer un jeu offensif et spectaculaire, à l’image des immenses joueurs qu’il a comptés dans ses rangs : Maradonna, Johan Cruyff ou Rivaldo pour ne citer qu’eux.
Au-delà de la dimension sportive, le FC Barcelone est également le premier représentant de l’identité catalane. En effet, la Catalogne est, avec le Pays basque, la région la plus fortement soumise à des dissensions politiques et économiques concernant l’autonomie par rapport à Madrid. Les rencontres opposant le Barça à son éternel rival le Real Madrid deviennent ainsi de véritables vitrines des tensions qui existent entre la capitale économique et la capitale administrative. Les éventuels trois points que rapporte une victoire contre le Real dopent donc plus l’orgueil catalan que ne le fera jamais le discours d’un politicien.
La rencontre du dimanche 11 décembre ne devrait toutefois pas déchaîner les mêmes passions. Dans un climat polaire, le FC Barcelone reçoit le FC Séville, pour un match comptant pour la quinzième journée du championnat. Leader incontesté de la compétition depuis plusieurs semaines, le Barça n’a apparemment pas grand-chose à craindre de son adversaire du jour, alors huitième au classement. Une partie qui semble donc idéale pour admirer le jeu offensif et attrayant des Catalans et voir ailleurs qu’à la télé les prouesses d’un certain Ronaldinho.
Récemment sacré Ballon d’Or (trophée annuel récompensant le meilleur joueur évoluant en Europe), le Brésilien a donné une nouvelle impulsion au FC Barcelone, où il est arrivé en 2003. Mais ce qu’il y a de plus admirable encore chez lui que ses passements de jambes déconcertants ou ses fulgurantes accélérations, c’est qu’il fait ce que beaucoup d’autres joueurs et dirigeants semblent avoir oublié de faire : il prend le football pour ce qu’il est à la base, un jeu.
De cette rencontre du dimanche 11 décembre, Ronaldinho gardera sans doute un souvenir particulier. C’est en effet à cette occasion qu’il a présenté son prestigieux Ballon d’Or à ses supporters. Moment plein d’émotion puisque c’est la maman du joueur qui est venue sur le terrain pour lui remettre le précieux objet. Objet qu’il n’a d’ailleurs pas oublié de partager avec ses coéquipiers. Eh oui, le football est un sport collectif !
Après cette courte cérémonie, place au match ! Le coup de sifflet retentit et plonge aussitôt le stade dans un… silence de cathédrale ! Pas de cris, pas de chants. Le Camp Nou, correctement rempli pourtant (62’000 sièges occupés sur les 90’000 que comprend l’enceinte), semble éteint. Renseignements pris auprès de quelques habitués, cette situation est tout à fait normale à Barcelone (bien qu’en l’occurrence, le froid joue un rôle supplémentaire dans l’attitude générale). Les gens viennent au stade pour voir le match et non pour se défouler. La seule rencontre qui déchaîne véritablement les supporters est celle, bien sûr, qui oppose le Barça au Real.
Le calme des gradins, ponctué de temps à autres par quelques timides encouragements et par quelques sifflets (ayant pour cible l’arbitre évidemment), ne semble cependant pas freiner les élans des acteurs de la pelouse. Sur son côté gauche, Ronaldinho régale ses admirateurs (et ses coéquipiers par la même occasion) de quelques gestes techniques de haut vol. Mais après un premier quart d’heure de bon niveau, le froid, après s’en être pris aux spectateurs, semble gagner les joueurs. Et le match de tomber dans une certaine léthargie. 0-0 à la mi-temps. Les deux équipes rejoignent les vestiaires sous le regard compréhensif des spectateurs.
Au retour de la pause, Frank Rijkaard, l’entraîneur du Barça, semble avoir remotivé ses troupes. Les Blaugrana monopolisent le ballon et organisent un état de siège devant la cage du portier sévillan. Souvent payante, cette stratégie peut également s’avérer risquée. En attaquant de la sorte, on offre des espaces en défense à l’adversaire. Et lorsque celui-ci possède des joueurs rapides, le contre est parfois fatal. 67ème minute : Barcelone 0, Séville 1. Mais comme on le dit souvent, c’est dans l’adversité que l’on reconnaît les grandes équipes. Comme quoi, il suffisait que le FC Séville marque pour réveiller les joueurs catalans. Samuel Eto’o égalisera quelques minutes plus tard. 1-1. Et vous l’aurez deviné, c’est Ronaldinho qui aura l’honneur de marquer le but de la victoire. Tout un symbole. Heureux comme un gamin, le Brésilien fêtera son but comme s’il s’agissait du premier.
Au coup de sifflet final, l’hymne du Barça retentit dans tout le stade et réchauffe quelque peu le cœur des supporters. Selon quelques habitués, cette partie ne restera pas dans les annales. La température polaire semble avoir eu raison et de la ferveur des spectateurs, et de la motivation des joueurs. Reste la victoire diront certains. Mais pour les supporters du Barça, la victoire n’est belle que si elle acquise avec la manière. Et c’est autour cette philosophie justement, de plus en plus rare dans le football, qui prône le beau jeu avant le résultat, que s’est bâti le mythe du FC Barcelone.
D.N.