Intégration : concept, réalité ou mirage !

Loin des manuels sociologiques et anthropologiques du moment, le citoyen Lambda est pourtant confronté dans la vie courante à ce dénominateur commun qu’est l’intégration. Nous avons recueilli l’opinion d’une brave dame africaine sur son concept d’intégration. Joëlle vit et travaille en Suisse depuis 1994, mariée à un autochtone, ils ont 3 enfants.
Propos recueilli par : Apsatou Diallo

Comment concevez-vous l’intégration dans votre quotidien et à travers votre expérience?
Pour ma part, je conçois l’intégration d’abord comme le respect d’autrui, mais aussi le respect les lois du pays où je me trouve. Mais c’est également, pour la personne venue d’ailleurs, cela suppose qu’elle apprenne la langue du pays dans lequel elle compte vivre. Autrement, la communication devient impossible. Il y’a des gens qui attendent toujours que ce soit l’autochtone qui fassent le premier pas, mais non ! C’est à celui qui a quitté son pays natal de s’efforcer à comprendre et à respecter les uses et coutumes de son nouveau pays. Il faut savoir faire la différence entre l’intégré (personne essayant de vivre en conformité avec les lois de la nation) et l’intégriste c’est-à-dire celui qui pousse toujours le bouchon (vouloir vivre comme dans son pays natal).

Le critère de durée est il à vos yeux un élément fondamental pour se sentir mieux intégré ?
Quand on est noir, cela est difficile quelque soit le nombre d’années passées ici puisqu’on te ramène toujours à ton pays d’origine. Je travaille à l’hôpital. Je rencontre différents types de personnes, aussi bien des personnes ignares que des personnes intelligentes qui ont voyagé et donc qui sont plus ouvertes d’esprit. Cette discrimination sournoise, je la vis tous les jours. Il ya des malades qui me demandent d’appeler une infirmière. Je leur réponds que j’en suis une, mais ils refusent et regardent ailleurs car pour eux, je ne représente pas l’image d’une infirmière.
Cette conception me rappelle l’époque de post esclavagisme ou le noirs étaient considérés uniquement à nettoyer, récurer, effectuer les tâches de bas niveau. S’installe finalement une contradiction fictionnelle entre la profession et l’aspect épidermique de l’être.
Un autre exemple me vient à l’esprit : J’ai une amie cubaine qui a un accent espagnol prononcé et donc, lorsqu’elle s’exprime, on a du mal à saisir de premier abord ce qu’elle dit. Ceci lui complique son effort d’intégration dans la vie professionnelle.
Je trouve que dans mon entourage les efforts sont moindres pour une intégration optimale.   
Il est certain qu’il existe des stéréotypes qui ne disparaissent jamais quelque soit ton niveau d’adaptation et de ta volonté d’intégration.

Donne t-on les mêmes chances à tous, au niveau de la loi et aussi dans la vie professionnelle ?
Contrairement à la France où, lorsqu’on a un nom à consonance exotique, on a des difficultés à se faire embaucher, en Suisse, on peut dire que la situation est différente. J’ai une amie sénégalaise, avocate de formation, qui resta longtemps au deuxième plan pour monter les dossiers. Cependant lorsqu’il s’agit de défendre une personne, on lui adjuge un petit délinquant noir. Visiblement beaucoup de personnes ne semblent pas lui faire confiance pour défendre leur dossier. Elle vit et supporte cette discrimination quotidienne due à sa couleur.

Les enfants facilitent-ils l’intégration d’une famille grâce à la rencontre de parents d’élèves?
Heureusement j’ai des enfants qui travaillent bien à l’école. Toutefois, il fut un moment à Neuchâtel, où certains enfants, dont les parents ne savaient ni lire et écrire, rencontraient des problèmes de lecture et de calcul. Ils étaient d’origine africaine ou venaient des pays de l’Europe de l’Est. J’arrive à encadrer mes enfants, à les suivre dans leurs devoirs. Les enfants immigrés pour garder la face, doivent travailler cent cinquante fois plus que les autres. Ils doivent prouver deux fois plus que les autres ce dont ils sont capables, autrement, ils n’échapperont pas aux préjugés les qualifiant de vauriens et de paresseux. Autant les enfants peuvent faciliter l’intégration en faisant balancer favorablement l’opinion sur leurs parents, en travaillant bien à l’école et en ayant une tenue vestimentaire correcte. Dans le cas contraire c’est toute la famille qui va subir la discrimination et se sentir rejetée.

L’intégration est elle aujourd’hui : un concept créé pour embellir la vie, une réalité, un mirage, une sorte d’illusion d’optique qui dès qu’on cherche à la saisir s’envole subrepticement ?
C’est difficile de se prononcer. Je sais qu’il m’arrive de penser  être intégrée. Je peux donner comme exemple mon aptitude à la cuisine suisse à laquelle je m’adonne lorsqu’on a des invités. La politique suisse ne m’est non plus pas étrangère. Après 15 ans de vie ici, je commence à me familiariser à des choses, et lorsqu’il y a une personne qui me rappelle que je ne suis pas d’ici, alors là je me dis que ma compréhension de l’intégration est un mirage.
A.D.

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