La Suisse à l’heure du biométrique

Sonia Bernauer
Le 17 mai, le peuple suisse sera appelé à voter sur la question du passeport biométrique. Quels sont les enjeux, les avantages et les inconvénients ?
Sur la question du passeport biométrique, la Suisse n’est pas sans subir quelques pressions de l’extérieur.  On rappellera l’adoption d’une loi américaine, au lendemain des attentats du 11 septembre, qui contraint les passeports établis à partir d’octobre 2006 à comporter au moins une donnée biométrique, afin de ne pas devoir recourir à un visa pour entrer ou transiter par les Etats-Unis. Par les accords Schengen, la Suisse est également tenue d’émettre, au plus tard le 1er mars 2010, des passeports contenant l’image faciale et les empreintes des deux index de son possesseur enregistrés électroniquement.
Dès lors, la votation du 17 mai s’inscrit dans des enjeux internationaux. Raison, peut-être, pour laquelle le Conseil fédéral aligne les arguments visant à rassurer le peuple. Le passeport biométrique serait un moyen efficace de prévenir les falsifications et d’assurer une meilleure identification des terroristes, grandissant ainsi la technologie sécuritaire. Refuser d’adopter ce type de pièce d’identité équivaudrait à faire courir à la Suisse le risque de devenir la cible de plus nombreuses falsifications et d’abus, l’identité de chacun pouvant encore facilement être usurpée. Et, point sensible, la protection des données serait assurée, l’utilisation des données biométriques n’étant pas autorisée à des fins de surveillance.
Néanmoins, trois chercheurs lausannois (une experte de la police scientifique, une juriste et un ingénieur), mandatés par le Fond national de la recherche scientifique (FNS), ont quelque peu ébranlé cette belle plaidoirie. Dans un article paru dans l’ «uniscope», journal de l’université de Lausanne, ils ont démontré que la science était en retard sur les décisions politiques. Leurs recherches montrent que l’on peut assez facilement produire de fausses empreintes digitales, trompant ainsi tout système anti-fraude. La fabrication de faux s’avère tout aussi réalisable, le matériel étant facilement accessible et les frais relativement bas (moins de 500 francs). Ils soulignent qu’un changement physique (prise de poids, coupe de cheveux différente, etc.) perturbe très vite les appareils, et comment donc prouver son identité si les appareils ne nous reconnaissent pas ? Les chercheurs ajoutent que, techniquement, il est possible d’utiliser les données biométriques à des buts différents que celui du simple contrôle d’identité. A cela s’ajoute le fait que la législation actuelle n’est pas entièrement au goût du jour, puisque la confidentialité des données biométriques n’est pas assurée et qu’un fichage ou un traçage n’est pas exclu.
Par conséquent, la situation est assez problématique. Un «non» le 17 mai reviendrait à mettre en danger les accords Schengen, mais peut-on volontairement accepter que tous nos déplacements, dès les frontières suisses, soient fichés et enregistrés ? N’est-il pas déjà suffisant de pouvoir être pisté au moyen de son propre téléphone mobile et par les nombreuses caméras qui parsèment la place publique ? Ce débat ne manquera pas de susciter encore de longues réflexions amères.

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