Rencontre avec Blaise Hofmann

Lundi 23 février se tenait au théâtre des Trois P’tits Tours de Morges le vernissage du dernier livre de Blaise Hofmann, jeune auteur romand. Une occasion de se faire dédicacer ce troisième ouvrage de sa main et d’écouter quelques lignes de sa prose lues par la comédienne Ludivine Triponez.

Comme toujours, son regard pétille et son sourire est franc. Blaise est attablé derrière les piles de ses livres et salue les gens. Il leur demande leurs prénoms et s’applique à attribuer à chacun une petite phrase. Blaise nous présente ainsi ce soir son dernier-né, L’Assoiffée. Loin d’être sa première publication, il s’agit de son premier roman. Ecrivain, voyageur et futur enseignant de gymnase, son premier témoignage nous a fait partager quelques routes de son périple au travers des pays de l’Est, de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Billet Aller Simple était une poésie de l’homme et des autres. Par la suite, Estive nous a fait découvrir des aspects du quotidien d’un berger de nos régions, toujours accompagné de sa vision philosophique du monde.

Il nous livre avec cette Assoiffée une forme de fuite intérieure, vers l’avant et vers soi. Nous vivons le quotidien de Berthe, à qui Blaise a inoculé ce virus de l’évasion. De Moudon à la Bretagne, Berthe nous rends attentifs aux autres, à soi, à ce qui importe. Lors d’une rencontre précédente avec l’auteur, l’occasion s’est présentée d’en savoir un peu plus à ce sujet.

Question classique et qu’on a du beaucoup vous poser, mais pourquoi cette écriture au féminin ?
La réponse que je devrais faire est que l’humanité est ainsi faite, moitié homme moitié femme, il y avait donc une chance sur deux. Au-delà de ça, il y a un côté ludique à se mettre à la place de l’autre, comme lorsque l’on appréhende une autre culture. Il y a également une distance qui se crée par rapport au contenu que l’on écrit. Utiliser un personnage féminin permet vraiment de distancer ces thèmes qui me sont intimes.

Des thèmes comme le voyage ?
Pas tout à fait, c’est plutôt la thématique de ceux qu’on appelle SDF, vagabonds. Je souhaitais l’aborder en l’expérimentant, mais rapidement j’ai vu l’irrespect que cela représentait vis-à-vis de ces braves gens. J’ai alors fait beaucoup de lectures sur le sujet. Cela m’a donné du matériel, autour duquel s’est créé un personnage, masculin au départ, qui est devenu féminin, donc notre Assoiffée. Ca ne parle pas vraiment des SDF, car ils ne sont jamais nommés ; je les appelle les gueux, et il y a une raison bien précise à cela. Dans l’histoire, il y a toujours eu des SDF. Il est intéressant de se rendre compte qu’au XVIe siècle, il y avait déjà la même proportion de sans-abris qu’aujourd’hui. Donc c’est un peu comme s’il y avait une nécessité, pour que la société fonctionne, qu’il y ait ces personnes pour stimuler les travailleurs et qu’ils voient ce qu’ils encourent s’ils ne travaillent pas. J’ai volontairement utilisé le terme anachronique de gueux, un peu irrespectueux et d’un autre côté amenant à une autre conscience.
J’ai donc choisi ce sujet parce que c’est quelque chose de choquant. En voyage, voir des mendiants choque moins, car le niveau de vie est différent. A Paris, les voir près de ces immenses vitrines présentant des objets de marque est perturbant. Cela aide de partir du concret, d’un thème qui est vraiment très sensible ; ça évite de jouer avec les mots, de tomber dans l’écriture pour l’écriture.

Vous m’avez dit que L’Assoiffée est un livre sur la vie en 2008, mais aimeriez-vous qu’il ait un côté atemporel ?
Oui, j’espère. Mais que ce soit spatial ou temporel, il y a un flou. Il y a quelques indices qui montrent qu’on est dans les années 2000, qui situent les lieux ou l’actualité médiatique. Après tout, c’est un roman qui se veut moderne.

Et comment êtes-vous passé du récit de voyage à l’histoire ‘inventée’ ?
Je voulais tendre à la fiction, mais me disais alors qu’il serait présomptueux d’inventer tout un univers et des personnages qui soient crédibles. Il y a une certaine faciliter à faire dans le récit de voyage ou de moutonnier : les carnets de notes posent une chronologie, créent une base solide sur laquelle on peut travailler. Dans le cas présent, c’est par la force des choses que j’ai glissé du récit au roman. Roman qui n’en est pas vraiment un, car je me suis trouvé dans tous les lieux dont parle le livre.

Comment qualifieriez-vous votre style ?
C’est intéressant, parce que pour le premier bouquin, Billet Aller Simple, au début de mon voyage, je n’écrivais que des poèmes. Puis suite à des lectures en Mongolie, je me suis souvenu de tous les échecs en poésie lorsqu’on essaie de la transmettre. Car ce qui m’habite, c’est le travail de la forme : pour moi, il n’y a que la poésie. Seulement le but est de la partager. C’est donc un compromis d’écrire de la prose, des nouvelles, des longues histoires compréhensibles. Pour faire passer le message, on est obligé de faire des compromis par rapport à l’idéal.
J’essaie de conserver cet héritage de la poésie, donc ce travail de la forme, et ce côté brut où j’aime bien les copier/coller de la réalité, les slogans publicitaires, les affiches dans la rue, les discours. Je les insère dans la prose, crée des contrastes. A partir de ce brassage, je tente de littéralement perdre le lecteur, pour lui donner la possibilité de reconstruire l’histoire. L’idée est de ne pas faire de la littérature où le lecteur est passif, consomme, mais que cela soit aussi à lui de faire un effort pour que l’on se retrouve.
L.C.

Pour plus d’informations sur Blaise Hofmann, ses publication et son actualité :
www.blaisehofmann.com

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