La valeur de la communication dans l’interaction entre médecin et patient

Quelle place occupe la communication en matière de guérison dans l’action médicale ? Quelles sont les valeurs de la communication dans la relation entre un médecin et son patient ? Ce mois-ci, L’Article a décidé de mettre le doigt sur l’une des composantes de la Communication : la communication sanitaire.

D’abord, il convient d’exposer ici la définition de ce que l’on peut considérer comme le concept central de cet article : la communication. Le terme doit être expliqué dans l’acception précise de la communication dans le domaine médical, c’est-à-dire : la communication sanitaire. On trouve deux sortes de définition du terme: d’une part, l’acception affirmant que la communication en santé inclut l’étude et l’emploi de pratiques communicatives pour informer et influencer des décisions qui améliorent la santé. D’autre part, l’acception liée à l’alphabétisation en santé des individus, qui explique que les protagonistes d’une interaction dans le domaine de la communication sanitaire ont la capacité à obtenir, interpréter et comprendre certaines données (informations) et à les utiliser de façon à améliorer la santé. Cette seconde définition envisage donc la communication comme un réel processus. Mais avant d’aller plus loin dans l’analyse de ces définitions, il convient de préciser certains autres éléments. Il est donc important de savoir quel  type communicatif est sujet à l’analyse dans ce travail, tout en sachent déjà que l’on se situe dans le domaine de la santé et de l’interaction entre médecin et patient. En fait, on parle ici de communication de type interpersonnelle: une interaction entre deux sujets. Peut-être est-il  bon de rappeler que la communication peut se ranger dans d’autres types; à savoir: intra-personnelle, de masse et de groupe. Précisons encore que l’analyse formelle du sujet nous pousse à se représenter la valeur de la communication. Cette valeur doit donc, selon moi, être comprise dans une connotation positive: une valeur forte et essentielle.

Dans la communication sanitaire, quels sont les principes de l’interaction pour que la communication ait le meilleur effet (autrement dit: la plus grande valeur)? Les principes de l’interaction dans le domaine de la santé, reposent selon moi sur une forte confiance respective entre le médecin et son patient. En d’autre terme et logiquement, la relation doit être de bonne qualité. Des mésententes et des méfiances peuvent engendrer une communication sans grand intérêt pour la guérison. La confiance et l’écoute sont donc primordiales et doivent absolument être réciproque, dans le domaine de la santé. La naissance de ces deux principes est engendrée par la communication. C’est donc le phénomène de communication qui doit en premier lieu être soigné (entretenu, préservé), avant même l’attente de soins de la part du patient. Il s’agit là d’une collaboration au premier stade de la guérison.
Détaillons maintenant la manière dont le médecin doit agir. Avant tout, un médecin doit faire bon accueil aux questions. Elles l’aideront à faire un premier diagnostic correct. Après avoir écouté et mis en confiance le patient, le médecin doit donner des informations compréhensibles. La confiance additionnée à une bonne compréhension sont des éléments clef de la guérison. Un médecin, dans la totalité de ses propos, doit trouver un juste milieu: il doit être prévenant, mais aussi rassurant. Le docteur, dans sa manière de communiquer, influence la psychologie de son patient; plus l’influence est positive, plus l’accès à la guérison sera aisé. Notons encore que de bonnes compétences médicales sont requises, mais si l’on parle de cela, on s’éloigne de l’aspect communicatif.
Voyons maintenant la manière dont le patient doit agir. Le patient doit se préparer, lui aussi doit communiquer efficacement avec le médecin. Il doit faire en sorte de communiquer au mieux ses attentes. Lorsque le pacte de confiance est installé, le patient devrait ne pas cacher certains éléments qui pourraient être nécessaire à sa guérison. Le travail de guérison ne dépend donc pas seulement du médecin.
Par ces quelques explications on se rend  bien compte que l’interaction entre médecin et patient malade repose plus ou moins sur un pied d’égalité; tant en matière de processus dans la guérison que d’implication personnelle. Nous allons maintenant voir si l’on peut retrouver de grands principes de la communication interpersonnelle en santé; comme la notion de confiance et d’écoute, dans une situation réelle. Pour cela j’ai décidé de m’entretenir avec une ancienne anorexique. Son prénom, c’est Isabelle. Elle vient de fêter ses 46 ans. Elle a vécu l’anorexie pendant plusieurs années, à partir de ses 30 ans. Elle invoque aujourd’hui la tentative de suicide échoué de son père, comme déclencheur de sa maladie. Aujourd’hui, elle pèse 45 kg pour 160 cm. Il y a quelques années, elle en pesait 34. Elle dit que c’est son médecin généraliste qui l’a aidé à se soigner. Un psychiatre n’a pas pu l’aider.
J’ai souhaité l’entretenir à ce sujet pour qu’elle m’explique les rapports qu’elle entretenait avec son médecin, en matière d’interaction (de communication). Ainsi, elle a approuvé dès le début de notre entretien le mot confiance. En effet, lorsqu’un climat de confiance s’était installé entre son médecin et elle, elle a pu se dévoiler, expliquer le fond de ses problèmes. Le fait d’être écouté et comprise l’a beaucoup aidé. Il ne s’agissait pas juste pour elle de vider son sac, mais de constater que le médecin pouvait assimiler ses propos et les reformuler à sa manière pour montrer qu’il avait bien saisit de quoi elle lui parlait. Il s’agit là d’un processus connu en matière d’écoute que l’on nomme souvent: validation-reformulation.
Elle  m’a dit qu’il y a bien d’autres éléments encore plus forts dans la communication entre elle et son docteur, qui lui ont permis de guérir. Elle invoque surtout le non-jugement de la part du médecin. En effet, le fait de ne se sentir point juger, a été libérateur selon elle. La communication a donc aussi passée par le regard; un regard neutre, un regard sans jugement. De surcroît, Isabelle parle encore de la disponibilité d’un docteur comme une clef majeure de la guérison. En effet, il était important pour elle de pouvoir parler tous les soirs à son médecin et d’être pesée régulièrement. Il était primordial que quelqu’un sache tout; la communication en matière de santé à donc une valeur de partage. Par ailleurs, et c’est ce qui selon moi est le plus intéressant dans son cas, elle pense que la communication sanitaire doit un tant soit peu faire place à l’émotif et se détacher parfois de son aspect formel et professionnel. Cela car le côté humain dans le rapport médical a pu l’aider à guérir; elle a compris dans les interactions avec son médecin, que ce dernier était touché par sa maladie et que l’aide à sa guérison n’a pas seulement été fournie en vertu de la promesse d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’exercice de la médecine, mais surtout par l’envie d’apporter de l’aide à une femme, dans une situation particulière et touchante.
Voyons maintenant comment Isabelle se comportait avant l’installation du climat de confiance entre elle et son médecin. Elle explique qu’au début, avant les consultations, elle buvait un litre d’eau pour prendre un kilogramme sur la balance. En effet, tant que tout n’avait pas clairement été exposé au médecin, elle avait encore des raisons de cacher ses envies de  ne plus manger. Tant que le médecin ne savait pas tout, tant qu’elle ne partageait pas son histoire  dans sa totalité, elle n’avait pas de raison d’être anorexique; alors elle trichait en buvant de l’eau pour s’alourdir, pour montrer faussement que les choses s’amélioraient. Une sorte d’auto-persuasion qui n’a pas pu durer longtemps. Par ses agissements, elle n’a pas pu tromper son médecin et c’est la clairvoyance de ce dernier qui l’a rassurée et qui l’a mise finalement en confiance. Pour finir cet exemplification de la communication interpersonnelle en matière de santé; il est encore important de noter qu’Isabelle ne dit pas « Mon médecin m’a guérit », mais elle dit « Il m’a aidé à guérir ». Elle souligne donc l’importance d’œuvrer à plusieurs (elle-même, son médecin, mais aussi son mari) et montre ainsi que le patient lui-même est l’acteur principal de sa guérison.
A présent, reprenons le mot valeur dans l’énoncé du sujet. La manière dont le sujet (le titre de l’article) est énoncé montre que la communication à une certaine valeur en matière d’interaction dans le domaine de la santé. Mais y a-t-il certaines choses qui empêche la communication d’être valorisée, en matière de médical? La médecine peut-elle entraver la communication? Oui. Le secret médial est une entrave à la communication. La violation d’un secret médical est réprimée par le code de santé publique et le code pénal. Le médecin est donc toujours considéré comme le seul et unique dépositaire des propos qui lui sont tenus par un patient. Les dérogations et les levées de secrets médicaux sont difficilement obtenables. Mais s’agit-il d’une réelle entrave à la communication sanitaire interpersonnelle? Non, puisque les deux protagonistes centraux: médecin-patient, restent informés. Mais dans la mesure où le proche d’un patient aurait dans son intérêt de connaître l’état de santé de ce dernier, on peut considérer cela comme une entrave à la communication. Mais l’on devrait cette fois-ci considérer que l’on est dans une situation de communication de groupe et plus dans une communication de type interpersonnel. On parle de communication de groupe lorsqu’il y a au moins trois acteurs à la communication. Des personnes communiquant sur les mêmes sujets forment un groupe. Dans l’exemple d’Isabelle, son mari était régulièrement informé par le médecin de l’état de santé physique et morale de sa femme. Elle ne l’a appris qu’après avoir été guérie. Le docteur avait jugé bon de débattre de certains points avec le conjoint, notamment sur une possible hospitalisation d’Isabelle si elle arrivait à un certain poids vraiment trop inférieur à la norme. Notons encore que la communication peut être biaisée et perdre toute sa valeur dans le cas d’un mauvais rapport entre médecin et patient. En effet, si les principes de valeur vus auparavant ne sont pas respectés, la communication pourrait gangréner l’action médicale et produire un effet contraire à celui désiré.
Pour synthétiser, il faut rappeler que la valeur de la communication sanitaire interpersonnelle dépend de principes communicatifs. Il s’agit de sortes de lois tacites à respecter dans l’interaction médecin-patient. De plus, il est à retenir que chacun des acteurs de la communication sanitaire doit s’impliquer pour produire un résultat. La guérison est le fruit de la médecine, mais elle dépend tant des soins médicaux, que d’une communication de qualité. Et c’est ici que se pose une dernière question: est-ce que la communication dans le domaine médical doit être considérer comme partie intégrante de la médecine? Pour avoir abondé, tout au long de cet article, dans le sens de la thèse soutenant que la communication n’est en aucun cas superflue en matière soins médicaux, nous aurions tendance, et à raison, à répondre positivement. En effet, la communication nécessite réellement des études à la hauteur des études exigées dans l’apprentissage de la médecine. Pour terminer, on pourrait donc dire que mieux communiquer permet de mieux guérir.
Tristan Barrabas

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