Viviana von Allmen
Dans notre société médiatique certaines idées reçues acquièrent vite le statut de vérités révélées. C’est ainsi que depuis plusieurs mois, on peut lire et entendre partout que la musique en ligne, via les fichiers au format MP3, serait en train de tuer l’industrie phonographique et de condamner le CD à brève échéance. Pour affirmer ceci il faudrait analyser la mutation économique que représente l’essor de la consommation de musique en ligne via internent et nuancer le scénario apocalyptique un peu simpliste. En premier lieu, et cela n’étonnera personne, que le téléchargement de musique sur le net est un phénomène bien réel et que 22 % des internautes déclarent avoir au moins une fois télécharger un fichier musical.
Quid du gravage des morceaux téléchargés qui terrorise les maisons de disques ? On a constaté que 35 % de la musique téléchargée provient de sites non marchands et que 50 % provient de sites marchands qui vendent cette musique en toute légalité. Enfin, les internautes qui téléchargent de la musique achètent autant de disques qu’avant, certains en achètent davantage ! Par ailleurs l’un des effets du développement rapide de la musique en ligne a été de faire baisser de manière très sensible le prix des CD neufs et de favoriser également l’essor d’un marché florissant du CD d’occasion. De quoi il devient beaucoup moins intéressant, sauf par pure passion, de prendre le temps de télécharger des fichiers MP3 puis de graver soi-même ses CD. En plus, un internaute qui découvre, grâce au net, un artiste, commence par télécharger gratuitement plusieurs de ses morceaux, mais peut ensuite être amené à acheter dans le circuit classique des CD de cet artiste, achat qu’il n’aurait jamais effectué sans la découverte initiale de cet artiste grâce au net. Enfin, tous ceux qui fréquentent régulièrement les magasins de disques savent bien que le disque, à l’instar du livre, n’est pas un produit comme les autres, et qu’il existe un plaisir irremplaçable à explorer les rayons d’un bon disquaire comme ceux d’une bonne bibliothèque. Au lieu de vouloir opposer systématiquement, et souvent artificiellement, anciens et nouveaux médias, essayons plutôt de mettre en lumière leur complémentarité et leur capacités synergiques souvent réelles.