Quand le temps rattrape un homme de science

Le 12 septembre le Foyer des jeunes de Saint-Imier a organisé une conférence sur le sujet, « L’adolescent et le monde du travail : exclusion, intégration ou compétition ? »

Viviana von Allmen
La salle des spectacles à Saint-Imier était pleine à craquer, des jeunes et moins jeunes, mais pour la plus part des fans d’Albert Jacquard. Le célèbre scientifique consacre toujours une grande partie de sa vie à l’aide d’autrui.
Sur une scène austère, ce petit homme de 80 ans commence à expliquer l’origine de la vie. Son récit fait remonter le temps à des millions d’années et il enchaîne avec la découverte de l’ADN pour emmener les auditeurs sur le terrain de la procréation. Nul besoin de prouver que son allocution s’appuie sur des bases scientifiques, il poursuit avec une introduction pittoresque des théories helléniques sur la définition de l’homme, un seul et indivisible.
Vulgarisateur par excellence, le scientifique fascine les spectateurs en racontant une histoire qui montre que la création de l’être humain est un pur hasard. Il faut comprendre que la génétique décide arbitrairement selon les informations contenues dans les cellules. « Dès la naissance et jusqu’à l’âge de 20 ans l’individu fait 200.000 connexions neurologiques par seconde pour devenir intelligent, c’est magnifique! Mais plus important que d’être intelligent, ce sont les échanges que l’on peut avoir avec nos pairs», exprime le philosophe.
Son but c’est de renverser la cruelle réalité de notre société qui, selon Jacquard, s’enfonce en un rythme vertigineux dans l’individualisme et la solitude. Il vaudrait créer une société de l’émulation pour contrecarrer celle de la compétition.  Puis il critique fortement les « Commissions » chargées de juger qui ne sont pas justes et de moins en moins démocratiques car elles ne donnent pas de privilège à qui de droit.
Dans son projet de changement de société, Albert Jacquard, donne un exemple sur le monde du sport, notamment sur les podiums aux jeux olympiques qui infligent une déception à ceux qui n’en font pas partie.
«Mieux vaut une réussite solidaire qu’un exploit solitaire», conclut l’homme de science. En cela il rejoint le Baron de Coubertin et sa célèbre phrase : «L’essentiel est de participer.»

L’homme est-il à la recherche du désir de l’autre ? Interpelle un homme du public.
« Devenir un être humain est aller contre la nature et désirer ce que l’autre possède, est involutive » s’exclame Jacquard.

Y aurait-il un changement à l’encontre du sentiment de la compétition ? demande une dame.
« On peut le faire par secteur comme par exemple dans le système de la santé mondiale. » il poursuit son argumentation « L’homme devrait suivre l’exemple de la nature car là il n’y a pas de compétition ».
Silence de plomb dans la salle, pour certains la soirée tombe dans le désarroi.

Qu’est-ce que vous attendez du futur ? Question d’une jeune
« L’être humain est obsédé par l’avenir, c’est quelque chose qui coûte très cher. Mais je veux exprimer un espoir : qu’il y ait de la lucidité scientifique. »

Pourquoi peut-on remplacer la compétition en vue de progresser ?
« Par le travail en commun » conclu Albert Jacquard.

Les paroles d’Albert Jacquard sont toujours attendues avec beaucoup d’émotion, mais à la fin de cette conférence une grande partie du public est resté insatisfaite. Des commentaires comme : on n’est pas venu pour entendre le grand père de la paix, il est temps qu’il comprenne qu’il serait propice d’arrêter ou c’est dommage qu’il n’ait pas répondu au 50% des questions.
Les piliers de l’allocution d’Albert Jacquard étaient : la rencontre avec l’autre et l’abolition de la compétition dans notre société. L’intitulé de la conférence n’aurait-il pas été un malheureux malentendu entre le scientifique et les organisateurs ?
V.vA.

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