La manifestation des émotions révèle une certaine dichotomie et le sport n’échappe pas à ce constat.
Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises émotions, à proprement parler. Même la colère, lorsqu’elle est correctement contrôlée, peut être bénéfique. Ce sont les manifestations de ces émotions qui, dans leur contexte, paraissent acceptables ou non. On ne laisse pas exploser sa joie de la même manière lorsqu’on remporte une partie de snooker ou un match de football.
Comme vous le savez certainement, le sport permet de ressentir toutes les émotions existantes. En effet, ne dit-on pas qu’une vie se passe en un match de foot ?
De la joie à la déception, de l’enthousiasme et l’espoir aux regrets et à l’affliction.
Roland Barthes l’avait compris, lorsqu’il faisait du récit du tour de France une véritable épopée extraordinaire. Ces foules s’amassant le long des routes escarpées afin de voir leur champion passer, espérant peut-être les toucher. Que d’engouement, de ferveur, et que de pleurs lorsque son favoris craque ! Malheureusement aujourd’hui les rebondissements du Tour sont plus liés aux nombreuses affaires de dopage qu’à la course elle-même.
Les terrains de foot eux-mêmes ne sont-ils pas de grandes arènes dans lesquelles se battent des gladiateurs au péril de leur vie ? La comparaison semble peut-être exagérée, mais n’est-ce pas de cette manière que le public et les commentateurs le vivent ? A l’image de Bernard Jonzier qui ne peut dissimuler ces émotions, alors que « Tom Tom » ne vient que de dépasser le dixième coureur !
Mais ces émotions parfois mal gérées peuvent laisser place à des débordements.
Comme Jean-Marie Brohm le surnomme, l’ « opium du peuple » engendre une foule d’émotions parfois difficiles à contenir. Tous ces gens dont la vie dépend de l’issue du match du samedi soir ne vivent que par et pour le sport. Cela allant parfois jusqu’à de violents affrontements entre hordes de supporters en ébullition.
Que se passe-t-il du côté des sportifs ? Dans une société où l’on nous propose de plus en plus de coachs et d’aides pour maîtriser nos émotions, pour gérer ce stress dont on nous parle si souvent, les sportifs de haut niveau ne sont pas à l’abri d’un coup de sang ou d’un surplus d’émotions. J’en veux pour exemple le célèbre « coup de boule » de Zidane en finale de la Coupe du Monde. Ne sachant plus comment gérer toutes ses émotions (dernier match international, pression de la victoire, provocations, …) il a craqué. Tout simplement craqué. Il n’a pas su gérer et contenir ce qu’il ressentait.
Autre exemple, Anna Ivanovic qui, face à Justine Henin, perd tous ses moyens en finale à Roland-Garros. Complètement dépassée par l’événement, elle laissera filer la rencontre en un peu plus d’une heure (6-1 6-2).
Le sport, qu’il soit vécu de l’intérieur ou de l’extérieur, procure de nombreuses émotions pas toujours évidentes à contrôler. Ces émotions font-elles pour autant partie intégrante de la vie ? Faut-il les maîtriser ou au contraire les laisser s’exprimer en faisant du sport un exutoire ?
Sébastien Goetschmann