Dans la mesure où les femmes avaient le monopole des produits cosmétiques, l’homme a su retourner la situation à son avantage au plus grand plaisir de ces dames. Les rayons ne regorgent plus exclusivement de soins réservés à la gente féminine ; autour des rouges à lèvres et crèmes diverses, se faufilent toutes sortes de créations nouvelles pour les peaux viriles. Des magasines de santé, de bien-être et de soins du corps tel que Men’s Health, ont introduit le milieu des kiosks. Le marketing de ce nouveau marché bat son plein : l’homme moderne se doit lui aussi de prendre soin de son corps et on lui donne tous les éléments pour y parvenir, mais à quel prix ?
En 1994, les spectateurs suisses ont pu assister à la première édition de Mister Suisse. De jeunes mâles aux corps bronzés, huilés et épilés, qui défilent pour s’adjuger une couronne de beauté, uniquement destinée aux demoiselles par le passé. Loin du culturisme des années 70-80, on n’exhibe plus des muscles saillants, mais plutôt un sourire orné d’une dentition parfaite, une fière allure et un corps soigné. Cette manifestation a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années : plus médiatisée et avec un nombre de candidats croissant, elle ne rougit plus face à l’élection des Miss.
Autre phénomène, les hommes envahissent le monde de la publicité : des bellâtres nous persuadent qu’un après-rasage avec une nouvelle formule nous rendra irrésistible ou encore des spots où sont exposés de mirifiques créatures maquillées, le torse nu, pour vendre un parfum par exemple. Le côté hybride de ces dernières perturbe quelque peu l’idée que l’on se faisait de la virilité au 20ème siècle. Mais les temps changent et les modes évoluent. À l’époque de la Renaissance, les hommes de la Cour du Roi se poudraient d’un fond de teint blanc, se coloraient les lèvres de rouge, et portaient des perruques sans pour autant que l’on parle de travestissement.
L’homme nouveau aime se faire dorloter et il a peur de vieillir. Selon une employée de Hallo Coiffure à Neuchâtel, de plus en plus de messieurs font recours à des implants capillaires pour cacher la chute inévitable de leurs crinières et ils en viennent eux aussi à acheter des crèmes pour les cheveux. Elle remarque que de plus en plus de jeunes hommes se laissent colorer des mèches, alors que les plus âgés évitent les teintures ; la chevelure grise, que l’acteur Georges Clooney a rendu populaire, a créé un effet de mode.
Les leaders dans le domaine de la cosmétique ont très vite compris que le concept pour homme fleurissait. Cette nouvelle clientèle constitue une vraie aubaine pour les instituts de beauté. À Genève, un salon dédié aux messieurs a ouvert ses portes récemment. Des marques spécialement conçues pour eux ont surgi sur le marché. À savoir que ces produits coûtent autant que ceux pour les dames.
À l’institut Yves Rocher à Neuchâtel, une esthéticienne constate avec sourire que les hommes se sentent un peu gênés quand il s’agit de leur première épilation, « les parties du corps que l’on traite le plus fréquemment sont le torse, le dos et les sourcils, un peu plus rarement les jambes et les aisselles, et le maillot, demeure un tabou». Elle ajoute qu’ils viennent pour se faire plaisir, de leur propre gré. Mais le plus souvent, ce sont les épouses qui s’occupent de l’achat des crèmes et des autres produits. La gamme de ClarinsMen par exemple, propose une palette très large allant de l’exfoliant à l’autobronzant, en passant par un gel anti-brillance. Une vingtaine de crèmes sont destinées spécialement aux hommes.
En ce qui concerne les massages, une fois de plus, les professionnels observent le désir qu’exprime l’homme à se faire chouchouter, car les fréquentations sont en nette augmentation. Le stress et les pressions quotidiennes expliquent sans doute ces besoins.
Les soins corporels et les séances de bien-être valent très cher. L’homme poilu, avec une barbe qui pique légèrement et une peau rêche, appartient bel et bien au passé ; mais tout changement d’image à un certain coût. Les plus conservateurs d’entre nous regretterons probablement la vieille époque, d’autres ne trouveront aucune objection à ce que l’homme fasse plus attention à lui et tout particulièrement à sa peau. À l’avenir, les salles de bains seront probablement un nouvel objet de dispute pour les couples avant d’aller travailler.
J.W.