Les Grecs l’admiraient déjà durant l’Antiquité : sculpteurs et peintres façonnaient les matières plastiques pour reproduire la beauté des corps de leurs athlètes. Pour acquérir une telle musculature, ces jeunes dieux du Stade consacraient des années à l’entraînement. À défaut d’avoir le temps de pouvoir l’entretenir jour et nuit, l’Homme moderne a trouvé une manière de maximiser l’effort, en visant à améliorer son hygiène de vie et à atteindre une sorte de perfection esthétique.
Ainsi, le nombre d’individus qui fréquentent les centres de Fitness est en constante augmentation ces dernières années, créant un véritable phénomène de société.
Les adeptes de cette pratique proviennent de tous les milieux et fréquentent ces établissements pour diverses raisons. D’une part, on observe les athlètes, sportifs à proprement parler, qui s’entraînent pour leur activité sportive respective. Ou encore les convalescents, qui sont contraints à se muscler pour une raison médicale, sorte de réhabilitation fonctionnelle. D’autres viennent pour se maintenir en forme et pour sculpter leur plastique. D’après C. Jaccoud, sociologue du sport à Neuchâtel, on peut entre autres expliquer l’engouement pour cette activité par un phénomène de désaffection institutionnelle ; les gens s’adonnent de moins en moins aux sports institutionnalisés où le cadre est réglé. Les individus s’approprient le savoir-faire, comme dans beaucoup d’autres domaines, pour éviter les contraintes qui en découlent et tendent vers l’individualité.
Cette nouvelle tendance s’est très rapidement étendue dans notre région. Neuchâtel compte plus d’une douzaine de clubs de Fitness ; la fréquentation des salles étant en constante hausse ces dernières années selon les tenanciers. Ce phénomène se généralise un peu partout en Suisse ; « la population s’inquiète de plus en plus pour son hygiène de vie, elle travaille aussi son apparence » avoue C. Jaccoud.
Ceci est probablement aussi une réponse à la sédentarisation de l’Homme, qui manque cruellement de mouvement et d’activité physique ; selon les chiffres de l’ASEMO (Association Suisse pour l’étude du métabolisme et de l’obésité), plus du quart de la population helvétique adulte souffrirait de surcharge pondérale.
Ce culte voué au corps se manifeste surtout chez les jeunes entre 25 et 35 ans et a connu son boom à la fin du 20ème siècle. Les centres de Fitness offrent une large palette d’activités variées pour satisfaire les envies de tout en chacun, certains proposent même des crèches pour garder les enfants.
Une carte de membre (un abonnement mensuel coûte entre 50 et 90 francs), une paire de baskets et un accoutrement adéquat suffisent pour entrer dans cet univers. Les engins les plus prisés sont, selon F. Lorimier, entraîneur de sport performance à Boudevilliers, « celles qui forgent le haut du corps, c’est-à-dire les abdominaux et les pectoraux pour les messieurs et celles qui musclent le bas du corps et particulièrement les jambes pour les dames ». Ces dernières s’inscrivent principalement aux cours collectifs proposés par les centres, tels que l’Aérobic, le Step ou encore le Pump.
F. Lorimier, dénombre une majorité de femmes dans son Fitness, à raison de 60%. Quant à la fréquentation, il remarque que certains clients viennent jusqu’à 5 fois par semaine, pendant une heure environ, « mais les gens sont souvent motivés au départ et privilégient une à deux séances hebdomadaires par la suite ».
On pratique à son propre niveau et à son rythme. Cependant, le manque d’encadrement peut conduire à d’importantes erreurs : beaucoup de gens ne se laissent pas assister par les professionnels, et décident eux-mêmes des exercices, des charges et du nombre de répétitions à faire.
Dr. Grossen, spécialiste en médecine du sport à Colombier, se montre favorable au renforcement musculaire en salle, « si l’on respecte un programme harmonieux et équilibré ! Il y a par contre un risque de surcharge qui peut entraîner des lésions en cas de séance de musculation inappropriée », mais il insiste sur le fait que ce dernier est encore plus élevé chez les personnes qui ne pratiquent pas du tout de sport.
L’image du sport est parfois ternie par le dopage : « les substances illicites, comme les anabolisants par exemple, créent de graves troubles de la santé » souligne Dr. Grossen.
Au fil des ans, les gens se sont toutefois responsabilisés face à cette prise de produits dopants et les consommateurs sont devenus extrêmement rares.
Au cœur même de la salle, lorsque l’on observe les protagonistes de plus près, on remarque quelques regards d’admiration ou de jalousie qui se perdent à gauche et à droite ; on envie les formes ou l’état de santé d’autrui, on juge et on se compare aux autres. Certains se dépensent tout en grinçant des dents, ne pensant qu’à l’effort et à leur performance, ils cherchent à se dépasser. Ainsi, on retrouve des valeurs ancrées dans notre société moderne.
J. Weber