Reportage

La campagne de l’UDC, ou comment créer la controverse

Ces dernières semaines, le parti UDC a usé de la provocation pour mener sa campagne en vue des élections fédérales, soulevant ainsi de nombreuses contestations.

Ces dernières semaines, la campagne de l’UDC en vue des élections fédérales a largement occupé le devant de la scène médiatique par son aspect provocateur. En effet, les différentes actions du parti ont été autant de sujets à traiter pour les médias, à commencer par la fameuse affiche au mouton noir, dont il est presque inutile de rappeler ici les réactions qu’elle a suscitées, notamment en Suisse romande. Se souciant peu de la controverse qu’il a soulevée, le parti publie de nouvelles affiches où figure en grand format Christophe Blocher. L’utilisation de l’image d’un conseiller fédéral n’est pas une nouveauté en soi, cependant elle est généralement accompagnée d’un projet défendu par le parti dont l’emblème serait le conseiller représenté. Il ne semble pas que ce soit le cas sur l’affiche de l’UDC où apparaissent ces quelques mots au sens peu évocateur: « Ma maison, notre Suisse », qui suscitent plus d’interrogations que de réponses.

Le parti s’entache d’un nouvel éclat lorsque l’un de ses sites Internet fait l’objet d’une plainte. Celui-ci compare de manière grotesque un paradis constitué d’une radieuse campagne suisse à l’enfer, illustré par la banlieue biennoise où l’on voit se produire des scènes de violence parmi de jeunes « breakers ». La plainte émane de ces  mêmes jeunes, dont l’image a été utilisée sans leur accord. Quand on leur demande la permission de les filmer, on leur annonce que la vidéo sera utilisée comme prévention contre la violence chez les jeunes, qu’elle sera diffusée dans les écoles et que leur visage ne sera pas exposé. Autant de conditions qui ne seront pas respectées. Le vice-président du parti UDC, Yvan Perrin, se défend en répliquant ne pas avoir imaginé une minute que les personnes mandatées pour produire cette vidéo n’aient pas exposé les véritables visées de cet enregistrement. Piètre justification qui ne saurait duper personne.

Plus récemment encore, l’annonce d’une émission hebdomadaire consacrée au conseiller fédéral Christophe Blocher a suscité de nouvelles réactions. Si ceci s’avère être un nouveau coup de pub financé par le parti, celui-ci tombe dans l’illégalité. Cependant, si l’émission est financée par des donateurs privés, comme le prétend la chaîne télévisée concernée, l’UDC reste dans ses droits. La question reste en suspens le temps de mener des investigations.

Il n’est pas coutume, lors d’une campagne en vue d’élections fédérales, de mettre la figure d’un conseiller fédéral sur le devant de la scène. C’est pourtant la stratégie choisie par l’UDC qui use de tous les moyens de communication pour exposer Christophe Blocher: journaux, télévision, radio, Internet, affiches. Serait-ce un moyen de combler le vide de suggestions politiques du parti pour l’avenir ? En effet, force est de constater que le parti repose essentiellement sa campagne sur l’image du conseiller fédéral et sur la provocation, sans pour autant élaborer de véritables projets politiques. Par conséquent, le débat se concentre actuellement bien plus autour de la stratégie provocatrice, et coûteuse, de l’UDC plutôt que politique, ce qui est particulièrement préoccupant au vu des élections qui approchent.

Il est également regrettable que la riposte des autres partis face à cette manière peu conventionnelle et professionnelle d’agir ne soit pas plus virulente. Il faut toutefois relever un front uni mentionné récemment dans la presse de sept politiciens noirs présentant leur programme et désireux de répliquer à la campagne « haineuse » de l’UDC, au nom de la tolérance. Cependant, ceux-ci restent minoritaires et le visage de M. Blocher continue d’apparaître chaque matin dans mon journal pour me parler d’une Suisse meilleure…
S. B.

Evénement

Quand le temps rattrape un homme de science

Le 12 septembre le Foyer des jeunes de Saint-Imier a organisé une conférence sur le sujet, « L’adolescent et le monde du travail : exclusion, intégration ou compétition ? »

Viviana von Allmen
La salle des spectacles à Saint-Imier était pleine à craquer, des jeunes et moins jeunes, mais pour la plus part des fans d’Albert Jacquard. Le célèbre scientifique consacre toujours une grande partie de sa vie à l’aide d’autrui.
Sur une scène austère, ce petit homme de 80 ans commence à expliquer l’origine de la vie. Son récit fait remonter le temps à des millions d’années et il enchaîne avec la découverte de l’ADN pour emmener les auditeurs sur le terrain de la procréation. Nul besoin de prouver que son allocution s’appuie sur des bases scientifiques, il poursuit avec une introduction pittoresque des théories helléniques sur la définition de l’homme, un seul et indivisible.
Vulgarisateur par excellence, le scientifique fascine les spectateurs en racontant une histoire qui montre que la création de l’être humain est un pur hasard. Il faut comprendre que la génétique décide arbitrairement selon les informations contenues dans les cellules. « Dès la naissance et jusqu’à l’âge de 20 ans l’individu fait 200.000 connexions neurologiques par seconde pour devenir intelligent, c’est magnifique! Mais plus important que d’être intelligent, ce sont les échanges que l’on peut avoir avec nos pairs», exprime le philosophe.
Son but c’est de renverser la cruelle réalité de notre société qui, selon Jacquard, s’enfonce en un rythme vertigineux dans l’individualisme et la solitude. Il vaudrait créer une société de l’émulation pour contrecarrer celle de la compétition.  Puis il critique fortement les « Commissions » chargées de juger qui ne sont pas justes et de moins en moins démocratiques car elles ne donnent pas de privilège à qui de droit.
Dans son projet de changement de société, Albert Jacquard, donne un exemple sur le monde du sport, notamment sur les podiums aux jeux olympiques qui infligent une déception à ceux qui n’en font pas partie.
«Mieux vaut une réussite solidaire qu’un exploit solitaire», conclut l’homme de science. En cela il rejoint le Baron de Coubertin et sa célèbre phrase : «L’essentiel est de participer.»

L’homme est-il à la recherche du désir de l’autre ? Interpelle un homme du public.
« Devenir un être humain est aller contre la nature et désirer ce que l’autre possède, est involutive » s’exclame Jacquard.

Y aurait-il un changement à l’encontre du sentiment de la compétition ? demande une dame.
« On peut le faire par secteur comme par exemple dans le système de la santé mondiale. » il poursuit son argumentation « L’homme devrait suivre l’exemple de la nature car là il n’y a pas de compétition ».
Silence de plomb dans la salle, pour certains la soirée tombe dans le désarroi.

Qu’est-ce que vous attendez du futur ? Question d’une jeune
« L’être humain est obsédé par l’avenir, c’est quelque chose qui coûte très cher. Mais je veux exprimer un espoir : qu’il y ait de la lucidité scientifique. »

Pourquoi peut-on remplacer la compétition en vue de progresser ?
« Par le travail en commun » conclu Albert Jacquard.

Les paroles d’Albert Jacquard sont toujours attendues avec beaucoup d’émotion, mais à la fin de cette conférence une grande partie du public est resté insatisfaite. Des commentaires comme : on n’est pas venu pour entendre le grand père de la paix, il est temps qu’il comprenne qu’il serait propice d’arrêter ou c’est dommage qu’il n’ait pas répondu au 50% des questions.
Les piliers de l’allocution d’Albert Jacquard étaient : la rencontre avec l’autre et l’abolition de la compétition dans notre société. L’intitulé de la conférence n’aurait-il pas été un malheureux malentendu entre le scientifique et les organisateurs ?
V.vA.