Arts plastiques

Les 300 ans de « la » Meissen

Dans les ateliers de la Manufacture de porcelaine de Meissen avant nommée « Manufacture de porcelaine du Roi de Pologne et Prince-électeur de Saxe », une centaine d’artisans se consacrent à la fabrication et la décoration de pièces de porcelaine, pour l’amour de l’art et du travail très bien fait, dans le droit-fil d’une tradition jadis prise par le roi.

Pendant des siècles, la porcelaine fut un monopole chinois. Mais il y a 300 ans, un alchimiste allemand inventait la porcelaine européenne.
L’alchimiste Johann-Friedrich Böttger (1682-1719), qui prétendait fabriquer de l’or à partir de métaux communs, fut mis aux arrêts par le prince électeur de Saxe, August II, qui rêvait sans doute de voir sa fortune croître sans effort.
Cependant, l’artiste ne tarda pas à concentrer son attention sur des hauts faits beaucoup plus prometteurs. Il commença à expérimenter avec du kaolin, de l’albâtre cuit et du quartz.

En Saxe les archives de la manufacture de Meissen conservent les premiers moments d’une grande découverte. «Blanche et diaphane», constate sobrement une notice de laboratoire datée du 15 janvier 1708; elle évoque ensuite la composition de la première pâte blanche. 
Le 6 juin débuta au château Albrechtsburg, à Meissen, la production de la première porcelaine européenne, son procédé de fabrication étant gardé sous le plus grand secret.
La Manufacture d’État de porcelaine de Meissen existe toujours et elle continue d’être estimée dans le monde entier pour la grande qualité de ses produits. Les « épées croisées » adoptées quelques années après la création de la manufacture sont l’une des marques les plus anciennes du monde encore utilisées aujourd’hui.

Au cœur des ateliers
Une fois passée la grille et contourné l’imposant bâtiment qui enferme l’une de plus belles collections de céramiques d’Europe, on a la nette impression de pénétrer dans un autre monde hors du temps. C’est le silence qui frappe d’abord. Le décor vient ensuite. Il flotte dans l’air un parfum de mystère, d’application de propreté pourrait-on dire. Dans les ateliers, l’impression demeure. Les salles sont vastes. La lumière du jour pénètre largement par de grandes fenêtres.
Les hommes et femmes que travaillent ici parlent peu. C’est à peine s’ils vous voient entrer. Tout occupés qu’ils sont, qui à façonner un vase, qui à tourner un bol, qui à émailler une coupe. Qui à mouler une pièce, qui encore à peindre une assiette.
Mais si vous les interrogez sur leur métier, ils prendront chacun le temps de vous dire, les yeux brillants, la passion qui les habite. Sans une pointe d’orgueil mais avec un brin de fierté : celle d’être les héritiers d’une tradition et d’un savoir-faire exceptionnels.

Production et formation
La manufacture comptabilise actuellement 25 ateliers répartis sur 5 hectares et 130 artisans partagés entre deux services: fabrication et décoration. Elle consacre aujourd’hui près de la moitié de sa production à la création contemporaine. Un tiers de la production est attribué aux grands corps de l’Etat. Le reste est commercialisé dans ses locaux. Mais soucieuse de transmettre ses savoir-faire hérités, Meissen possède aussi son propre centre de formation. Les élèves, âgés de 16 à 25 ans et sélectionnés sur tests viennent y suivre une formation de trois ans, théorique et pratique, afin de se préparer aux concours de techniciens d’art.
Fleuron d’une activité de luxe, La Manufacture Meissen occupe aujourd’hui une place à part dans le paysage industriel allemand, voir mondial. Entreprise d’excellence et de passions, toujours soucieuse de marier passé et présent, elle porte en elle un ensemble de valeurs précieuses dont notre société, qui confond trop souvent vitesse et précipitation, ferrait bien de s’inspirer.
V.vA

Evénements

La littérature à l’honneur

Mardi 21 octobre s’est déroulée une conférence donnée par George Steiner. Celle-ci était  la première d’un cycle de conférences organisé par la «Maison des littératures».

L’auditoire de la Faculté des Lettres à Neuchâtel était presque comble mardi 21 octobre à l’occasion de la conférence donnée par George Steiner. Ce célèbre écrivain et philosophe s’exprimait sur le thème «A quoi bon la littérature ?».  Au fil de son allocution, George Steiner a présenté les différentes critiques qui touchent la littérature avant de montrer tout ce que celle-ci apporte à notre société. Il a également fait part de ses inquiétudes quant à l’avenir de la littérature avant toutefois de conclure sur une étincelle précieuse d’espoir.
George Steiner a tout d’abord rappelé à quel point il était difficile de définir la littérature. Il a ajouté que celle-ci n’occupait qu’une courte période de notre histoire, qui repose en grande partie sur l’oralité. Il a mentionné la métaphore comme «la plus grande découverte de l’être humain». George Steiner s’est ensuite arrêté un instant sur la notion de «fiction», celle-ci étant au cœur du littéraire. Il parle des œuvres comme étant la création d’un monde, mais aussi d’un personnage qui finit par échapper à son auteur. Et de mentionner à ce sujet la correspondance de Tolstoï dans laquelle celui-ci se plaint qu’Anna Karenine lui échappe ou encore Flaubert : «Je meurs comme un dieu et cette putain de Bovary doit vivre toujours». Ainsi la fiction apparaît comme une puissance de la vie.
George Steiner a mentionné ensuite Platon qui considère le poète comme un faussaire, un menteur. L’écrivain rappelle ensuite que ce platonicisme se retrouve encore dans les régimes totalitaires où l’on brûle des livres sous prétexte de conserver la santé morale des citoyens.
Le point de vue de Freud a lui aussi été cité. Selon lui, toute fiction est purement enfantine, une simple manière de s’échapper de la réalité. Elle représente le stade adolescent, car l’adulte doit se tourner vers les sciences exactes et humaines qui peuvent seules mener l’homme à la vérité. Ce dernier point  nous amène à une autre critique émise contre la littérature : les sciences exactes vont de l’avant. Chaque semaine quelque chose de nouveau est découvert, tandis que la littérature se tourne vers le passé. Et George Steiner de demander : «Pensons-nous qu’il y aura un autre Shakespeare, un autre Dante, un autre Goethe ?».
George Steiner nous a fait part de ses réflexions sur la littérature actuelle. Selon lui, la littérature du 21ème siècle se doit de sortir de l’éphémère. Il rapporte les méthodes de l’Angleterre qui raye du marché un roman qui n’a pas suscité de critique positive dans les seize jours après sa sortie. Il regrette également que les grands classiques soient si peu connus. «76 % des lycéens italiens ne savent pas à quel siècle placer Dante», se désole-t-il. Il a rappelé à quel point la fiction, la poésie permettaient d’éclairer l’existence. «Si la littérature venait à disparaître, un silence étourdissant s’installerait dans notre civilisation». Selon lui, la littérature est le moyen absolu de dire «si» («si j’étais avec Rimbaud !»), de dire «non» à la réalité. Il mentionne l’infini miracle du «savoir par cœur», seule chose que l’on ne peut pas nous ôter. Il cite encore Pindare, qui avait déclaré : «Peut-être mon poème va survivre à la langue dans lequel je le chante». Et tout en louant cet orgueil sublime, il conclut et dit : « Je mise sur Pindare et j’apprends par cœur ».
Cette conférence était la première d’un cycle organisé par la «Maison des littératures». Celle-ci s’est construite autour du Master en littératures que l’Université de Neuchâtel propose depuis 2007. La «Maison des littératures» (MALIT) réunis cinq instituts de littérature (française, italienne, allemande, espagnole et anglaise). Elle propose des cycles de conférences et de films, des colloques, des salons littéraires et diverses manifestations publiques.
Sonia Bernauer
Pour plus d’informations : www.unine.ch/litteratures