Édito

Oh! Le fric ne génère pas du fric?

Viviana von Allmen
La débâcle des marchés financiers ne laissait planer aucun doute. Les scénarios virtuels et les projections des spécialistes n’ont pas de solutions miracles.
L’économie va mal et l’on demande à la collectivité de financer les erreurs des grands managers ou banquiers joueurs, déconnectés de la réalité.
Il n’est pas nécessaire d’être féru de théorie macroéconomique pour comprendre qu’il s’agit d’une forme de partage global (le petit peuple) dans l’assainissement d’un processus de production de richesses (qui stagne ou régresse) condamné à la dérive.
Le marché des capitaux a gagné une puissance énorme ces dernières décennies. Ce qui nous a fait perdre le concept de la valeur d’un franc.
Les grands économistes ont développé un jeu d’argent artificiel, -maximation des gains- sans tenir compte que la contre partie étaient des biens très réels.
D’après quelle loi l’argent génère de l’argent ?
Cette théorie aussi improbable qu’aberrante a été mise en marche par des hommes d’affaires cupides et plutôt tordus.
La tendance à vivre à crédit répandue chez les gens modestes, surtout aux USA, (« Consommez aujourd’hui, payez demain »), a été honteusement exploitée par des firmes immobilières et des organismes de crédit nord américains irresponsables. Ceux-ci ont emballé les gros risques de défaillance des emprunteurs dans des «produits financiers» spéculatifs ingénieusement élaborés. Ils les ont ensuite, avec l’aide d’agences de notations qui tiraient profit de l’affaire, vendus dans le monde entier à des investisseurs dupés -dont de grandes banques qui en ont acheté pour des milliards et des milliards-.
La légèreté, indigne de professionnels, avec laquelle ils ont accepté de prendre d’aussi énormes risques ne peut guère s’expliquer que par l’avidité de banquiers d’investissement et de managers fonctionnant au bonus, couplée à l’échec des procédures de contrôle.
Alors un jour ou l’autre le fruit pourri se dévoile.
On se croyait protégé en Suisse…
Pays des banques par excellence, où  personne n’oserait nous enfoncer pour ne pas mettre en péril son fric.
Eh ben… NON.
Il importe de se préparer à la conséquence inéluctable de la crise financière: la crise de l’économie réelle. Là aussi, on a que trop privilégié le choix de se taire ou de minimiser son impact. Et à l’avenir il faudrait donc, y ajouter chez nous aussi, une conscience éthique qui se traduise en actes dans tous les domaines de la vie. Car si on songe vivre dans le pays de cocagne, la réalité nous frappera et il faudra encore des gouttes de sueur pour retrouver la valeur d’un franc.

Ski

«A la fin, chacun doit se battre pour lui-même»

Hugues Ansermoz, chef alpin dames à Swiss Ski, se confie sur son parcours de vie, son travail et ses objectifs après une saison 2007-2008 remplie de satisfactions.
Propos recueilli par: Raphaël Iberg

Raphaël Iberg: Vous êtes chef de l’équipe suisse féminine de ski alpin depuis 2006. Quel a été votre parcours avant d’en arriver là ?
Hugues Ansermoz: Après avoir fini une carrière de skieur, je suis parti travailler pour la marque Rossignol aux Etats-Unis de 1985 à 1991. J’ai aussi travaillé comme préparateur pour l’équipe américaine masculine. Je suis revenu en Suisse en 1991 et j’ai entraîné l’équipe romande de 1991 à 1997. En 1997, les Canadiens m’ont contacté. J’ai passé neuf ans là-bas. J’ai travaillé comme entraîneur avec l’équipe junior canadienne et, de 2004 à 2006, comme chef alpin dames. En 2006, les Suisses m’ont contacté car ils cherchaient un nouveau chef alpin et ils voulaient un Suisse. C’est bien tombé pour moi. C’était une occasion que je ne pouvais pas manquer.

Faut-il des qualités particulières pour être un bon chef ?
Oui, un peu comme partout. Je suis un chef qui cherche beaucoup la discussion, la négociation. Je ne suis pas un dictateur. J’aime bien déléguer. Si j’ai confiance en les gens, je suis à fond derrière eux et je les supporte. Bien sûr, il faut trouver le moyen de se faire respecter. Par son travail, par sa manière d’être, par la façon dont on voit les choses, on gagne le respect des gens qui travaillent pour soi ou plutôt avec soi dans mon cas.

Faut-il avoir des aptitudes naturelles à diriger ou cela peut-il s’apprendre ?
D’un côté ce sont des aptitudes naturelles. Mais dans ma carrière d’entraîneur j’ai quand même
changé beaucoup de choses dans ma façon de voir. Il faut essayer de prendre du recul, de ne pas tout de suite exploser. Je pense que c’est important en tant que chef de ne pas dire des choses qu’on va regretter après. En tant qu’entraîneur, on peut exploser, en tant que chef, il faut faire plus attention à ce qu’on dit. Quand j’étais entraîneur, j’explosais très vite et maintenant j’ai un peu changé. Mais je pense que le fond est resté le même.

Quelle est votre relation avec les skieuses ?
Je les connais bien, ce sont des amies. Quand j’étais entraîneur, j’étais vraiment très proche des
athlètes. Maintenant, en tant que chef, je ne peux pas trop m’engager pour les athlètes. Mais c’est important pour moi qu’elles aient suffisamment confiance pour me parler car il faut que je sache comment cela se passe dans les groupes. Si les filles ont des problèmes et qu’elles n’osent pas parler à leur entraîneur, il ne faut pas qu’elles aient peur de venir me parler. Donc c’est important d’avoir une bonne relation.

Avez-vous des méthodes particulières pour motiver les skieuses avant un grand rendez-vous ?
Non, c’est très individuel. Maintenant, j’essaie de mettre en place un plan spécial Vancouver 2010. On peut faire deux choses pour les grands événements: on peut dire qu’on prend cela comme une autre course, qu’on ne va rien faire de spécial ou alors, au contraire, on peut essayer de faire monter l’adrénaline pour que les filles soient prêtes à tout pour ce grand événement. J’ai un peu la mentalité canadienne. Chez eux, les grands événements sont beaucoup plus importants. Un skieur n’est pas connu par ses résultats en Coupe du monde. Par contre les Jeux olympiques sont très suivis. Une médaille, c’est une reconnaissance éternelle au Canada. En Suisse, on peut être une star par ses résultats de Coupe du monde. Donc on se dit qu’on peut prendre cela comme une autre course. Mais c’est tout de même différent. On ne peut pas avoir une grande carrière sans un résultat olympique.
Donc j’essaie de les préparer. C’est sûr qu’on aimerait faire quelque chose de plus, mais il y a le danger de changer quelque chose qui marche bien dans la préparation des courses. Le ski nous met dans une situation très spéciale. On le vit en équipe, mais c’est un sport individuel. Pour nous c’est très difficile car à la fin, chacun doit se battre pour lui-même. Au moment où elles sont sur la piste, les quatre filles qui sont là sont quatre concurrentes. C’est très difficile pour nous de gérer cela. Quand les premières courses arrivent, c’est très difficile de garder cette bonne ambiance d’équipe.

Comment voyez-vous votre avenir ?
C’est difficile à dire. Nous avons eu deux années assez bonnes, mais la pression est très dure, je la ressens beaucoup. C’est un travail très stressant. Et là nous avons eu deux bonnes années, donc je n’ose pas imaginer une année où nous n’aurions pas de résultats. Mon but est Vancouver 2010, et après on verra. Je n’imagine pas rester à cette place très longtemps après car cela prend vraiment beaucoup d’énergie.
R.I.