Palestine

Gaza : un an après « Plomb Durci ».

Le 12 septembre 2005, Israël terminait son retrait complet de la bande de Gaza. Deux ans plus tard, le 19 septembre 2007, suite à l’élection démocratique du parti Hamas à la tête du gouvernement palestinien, Israël déclare la bande de Gaza « entité hostile ». Cette déclaration va entraîner de nombreuse opération militaire israélienne, dont la plus violente depuis 1967 : l’opération « Plomb Durci ».

Gaza : 11 kilomètres de frontières avec l’Egypte au sud, 51 kilomètres avec Israël à l’est et 40 kilomètres de côtes sur la méditerranée à l’ouest. Une bande de terre insignifiante si elle n’abritait pas un million et demi de palestiniens, incarnant le dernier bastion d’une Palestine minée par les colonies juives et écrasé par l’armée de Tsahal (ensemble de l’armée israélienne, y compris les redoutables services secrets du mossad, du shabak – anciennement Shin Bet – et du Aman).
Mais le poids pesant le plus lourd sur les épaules des gazaouis est sans nul doute celui du blocus imposé par Israël depuis septembre 2007. Ce blocus, sorte de dôme hermétique invisible, empêche tout mouvement et toute liberté aux habitants de la bande de Gaza. Les soldats de Tsahal contrôlent les frontières terrestres, maritimes et aériennes. Chaque entrée ou sortie du territoire gazaouis est soumise à un contrôle et à de longues heures (ou jours) d’attentes.

La tension monte
Cette situation a entraîné l’augmentation des tentions entre les deux peuples. Ces tensions se traduisent du côté palestinien par l’élection du parti islamique du Hamas et l’augmentation des tirs de roquettes Quassam sur les colonies frontalières (Sderot par exemple). Du côté israélien, on bombarde ou on exécute des civils, on ferme complètement les frontières, rendant ainsi le ravitaillement des gazaouis impossible.
Bien qu’aucun des deux comportements ne soit acceptable, on constate tout de même une différence de moyens en faveur d’Israël. À cette supériorité militaire (s’il en est, Gaza ne possédant pas d’armée régulière), s’ajoute l’excès de zèle israélien, qui ne différencie pas les factions armées du Hamas des civils.

Opération « Plomb Durci »
L’apothéose de ces tensions est atteinte le 27 décembre 2008, quand l’Etat hébreu lance son opération « Plomb Durci ». Le premier jour, les bombardements effectués par l’armée de l’air israélienne font 400 morts palestiniens. Le 3 janvier 2009, 9000 soldats israéliens appuyés par des chars d’assaut entrent dans Gaza. Ce n’est que le 9 janvier que le Conseil de Sécurité de L’ONU vote un appel au cessez-le-feu immédiat. L’offensive, qui aura duré trois semaines, a fait 1330 morts palestiniens, dont 430 enfants, auxquels s’ajoutent les 5450 blessés (selon les services médicaux palestiniens). Environ la moitié de ces morts et blessés sont des civils. Côté israélien, dix militaires et 3 civils ont péri (selon les chiffres officiels).
Un an après ce massacre, l’Etat hébreu n’est toujours pas inquiété par les organisations internationales. Les chefs d’Etat des grandes puissances mondiales continuent d’aller serrer les mains d’Ehud Olmert ou de Benjamin Netanyahu, qui, eux, maintiennent toujours le blocus sur Gaza. Les grands de ce monde vont se recueillir à Sderot, mais évitent Gaza. Pourtant, c’est bien à Gaza que le monde devrait tendre la main.

Commentaire
Pourquoi les grandes puissances mondiales s’évertuent-elles à fermer les yeux sur ce qui se passe à Gaza ? Serait-ce par crainte d’éventuelles représailles du grand frère d’outre-atlantique ? Ou alors par peur de froisser un peuple qui a déjà tant souffert ? Cette question, qui n’aurait normalement pas lieu d’être – car c’est bien la politique d’un Etat qui est mise en cause et non pas le passé de son peuple, on ne nie pas l’holocauste si on critique Israël – est présente dans notre esprit. Mais pourquoi donc ? La réponse est simple et provient de la politique de victimisation menée par le gouvernement israélien. Dans la plupart des cas, le gouvernement israélien légitime ses actes en vertu du passé douloureux dont il y été la victime. Le fait est qu’à l’heure actuelle, la discrimination systématique que subissaient le peuple juif est maintenant subie par les palestiniens. Qui peut décider de priver un peuple de sa liberté et de ses besoins le plus primaires… Personne, et encore moins, à mon sens, un peuple qui a lui-même souffert de ces mêmes privations.
Certes, la comparaison est osée, mais elle est aussi nécessaire. Le gouvernement israélien est accusé de crime contre l’humanité et de crimes de guerre pour l’opération militaire « Plomb Durci ». Peut-être serait-il temps d’agir ? 
Lucien Christen

Livres

Jamal Dati

Dans l’ombre de Rachida
Editions Calmann-Lévy, 2009

C’était en juillet 2007. La France prenait connaissance de l’existence de Jamal Dati, le frère trafiquant de drogue de Rachida. Il est condamné, bien qu’il ait décroché. S’en suivra un combat, contre lui-même, dans l’enfer qu’il a vécu en prison. Aujourd’hui il s’en est sorti, il travaille et est père de famille. Cependant les évènements passés semblent avoir gâché la relation déjà délicate qu’il entretenait avec sa grande sœur. Au moment où Jamal décide de sortir un livre, beaucoup ont tenté de le faire taire, Rachida l’a même renié, ne cherchant jamais à comprend son mal-être. De ses erreurs, « le frère de » a tiré des enseignements.
Il livre un témoignage de la vie en prison, raconte le quotidien d’un trafiquant de drogue, et les difficultés qu’il a connu avec sa famille. Preuve est faite que Jamal Dati revient de loin, c’est aujourd’hui un autre homme, il veut qu’on le respecte enfin, car il a changé.

Cette oeuvre, écrite sur le modèle d’un entretien avec le journaliste Xavier Bénéroso, est un témoignage touchant d’un homme au parcours atypique et compliqué. Un vocabulaire cru est employé, et une réelle proximité est établie avec le lecteur.
En apparence, ce livre peut sembler être un règlement de compte entre Jamal et Rachida. Néanmoins, il est nécessaire de souligner que l’auteur a tenu à clarifier les choses « j’aime ma sœur » répète-t-il à maintes reprises au cours du récit. Il insiste sur le fait qu’il a choisi d’écrire un livre pour lui tout d’abord, pour extérioriser sa douleur, et obtenir le peu de reconnaissance qu’il demande.
Ce récit offre une réflexion à propos du monde politique français, et particulièrement à propos du personnage de Rachida Dati, si soucieuse de ne pas déplaire au grand public. Si soucieuse de préserver son image en tentant de masquer par tous les moyens l’existence de ce frère, de ce mouton noir. Chronique d’un univers où le revers de la médaille est douloureux à découvrir.
L’environnement carcéral est remis en question, les révélations sont choquantes. Il est bouleversant de penser qu’en France voisine une prison peut être un carrefour pour la drogue, ainsi qu’un berceau mêlant violence et insécurité, où les surveillants sont corrompus.
Sous un certain angle, cette œuvre peut prendre des apparences d’œuvre du « petit Paris », monde de stars capricieuses. Ce dernier préjugé n’a pas lieu d’être. « Dans l’ombre de Rachida » est à ne pas confondre avec ces autobiographies narcissiques de célébrités en manque d’affection. Jamal Dati a écrit ce livre avec ses tripes, avec ses mots. Et il insiste sur le fait que la dimension financière ne l’intéresse pas, que l’argent n’est pas lié à sa démarche.
Pour Jamal Dati, ce livre consistait peut-être l’une des dernières solutions pour avoir l’attention de sa sœur Rachida, elle qui ne lui parle plus. Ce livre, source de tensions dans la famille Dati, source de conflit et d’incompréhension. Source de pression à l’encontre de Jamal pour qu’il ne le publie pas. Source d’émotions, d’apprenti auteur. Et sans doute, ressource, pour le lecteur.
Si cette œuvre n’est pas d’une qualité littéraire et poétique à en faire frémir Molière, le témoignage vaut le détour, le personnage aussi. On ne lit pas « Dans l’ombre de Rachida » pour ses figures de style métaphoriques, mais plutôt pour son récit plein de sincérité.
Jérôme Cochand