Films

Film fantastique, sauna et puériculture

Le programme Cold Sweat mettait à l’honneur le cinéma fantastique scandinave. Il n’est donc pas inattendu de le voir traiter de la culture traditionnelle nordique. Certaines approches demeurent cependant surprenantes. Avant la projection de son œuvre Sauna, Antti-Jussi Annila nous parle plus en détails de la culture finnoise qui y est liée. Son but est traditionnellement de purifier tant le corps que l’esprit, si bien qu’on y lave les nouveaux-nés et même les corps à ensevelir. On apprend aussi que la majorité de la population finlandaise possède le sien et concède une grande importance à ce lieu destiné au repos et à la ressource de soi. Dans son film, cependant, AJ Annila accorde en sus au sauna la capacité de laver la conscience et, disons-le aussi, donner le désir de saigner tout un village. A l’inverse de son image actuelle, le sauna y apparaît comme un austère bunker d’un béton glaçant qui jure avec le marécage au centre duquel il se trouve. Effrayant, sans même mentionner ce qu’on découvre à l’intérieur. C’est dans ce décor lugubre du 16e siècle, en pleine forêt, que l’on voit des représentants suédois et russes tracer la frontière jusqu’à ce qu’ils tombent sur un village dont personne ne voudra finalement. D’autres personnalités du cinéma nordique ont assisté au festival. Certains sont venus présenter leur film et ont participé à une conférence publique très intéressante et ouverte. Malgré son absence, Anders Morgenthaler ne nous a pas laissés indifférents par son film Ekko, qui a été le coup de cœur de larticle.ch. Le deuxième long métrage du réalisateur danois prend place en bord de mer, dans une maison isolée au milieu d’une presqu’île de verdure. Un père divorcé kidnappe son fils et l’y emmène, pour le plus grand plaisir du petit Louie qui croit à d’ordinaires vacances. Les fantômes de l’enfance du paternel fugitif hantent l’endroit et le poussent à la limite de la schizophrénie. Les derniers moments passés entre père et fils en sont d’autant plus haletants. Il faut avoir un cœur de pierre pour ne pas fondre d’émotion devant la performance du très jeune acteur qui imprègne ce thriller de sa spontanéité. En conséquence, le spectateur se trouve piégé entre angoisse et désir d’évasion. De manière similaire, Let The Right One In, meilleur film européen l’année dernière, exposait la relation entre un jeune de 12 ans et une fillette vampire. L’aspect morbide s’effaçait aisément devant une romance attendrissante, encore une fois grâce à un admirable jeu des acteurs. Et si la présence d’enfants dans un thriller lui garantissait de saisir son audience? Car parallèlement aux tendres émotions viennent les plus fortes, dont l’horreur fait partie et qui sont parfois amenées par ces garnements. A citer pour illustration, un film présenté en compétition internationale au titre révélateur, The Children ou comment un weekend en famille tourne à la boucherie lorsque les chérubins décident de se débarrasser de leurs parents. Le résultat est convaincant. En effet, le public se laisse plus facilement effrayer lorsque le meurtrier porte jupette et mèches blondes et est haut comme trois pommes. Lors de la projection, l’audience se déchirait en applaudissements à chaque fois qu’un enfant était éliminé, dans des circonstances décidément gores bien sûr. Etait-ce pour flatter l’audace du directeur ou par soulagement, difficile de trancher. La seule certitude est que la formule infantile porte ses fruits, pour autant qu’elle soit bien ajustée. Quelques succès populaires tels que The Ring ou The Grudge ne peuvent que confirmer. Reste à mettre la main sur un bambin prometteur, car ne naît pas acteur qui le veut bien.
T.Z.

Evénements

NIFFF 09, la diversité à l’honneur

Comme en témoigne son nouveau record d’audience, 22’000 spectateurs sur les cinq jours, l’édition 2009 du NIFFF a tenu toutes ses promesses. Jury et audience, chacun en a eu pour son compte.

Le Neuchâtel International Fantastic Film Festival s’est terminé ce dimanche 5 juillet. On y a vu défiler de prestigieux invités, qu’ils soient juré, producteur, réalisateur et acteur de certains films, mais surtout de superbes réalisations cinématographiques de ce genre qui gagne toujours à être connu. C’est grâce un scénario habilement fragmenté, une créativité admirable et aussi par son caractère financièrement désintéressé que Fish Story (photo), du japonais Yoshihiro Nakamura, a su séduire le jury et ainsi remporté le prix “Narcisse” du meilleur film. Or ce film a également plu au public, particulièrement chez les jeunes puisqu’il s’est vu remettre le prix de la jeunesse Denis-de-Rougemont. Il faut avouer que le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai: Fish Story n’est autre que son 10e long métrage. Le meilleur film commence en 2012, cinq heures avant la destruction de la Terre par une comète. Alors que tout le monde s’est retranché sous terre ou en altitude, trois personnes se retrouvent chez un disquaire à discuter l’éventualité du sauvetage de l’humanité. Et si oui, par qui? Peut-être par un morceau de punk, “Fish Story”, ou plus exactement par sa conception et les différents destins qui y sont liés. Commencent ensuite plusieurs changements de période pour suivre une aventure intrigantes qui prend tout son sens à la fin du film. Ainsi, cette réalisation éclectique et son humour asiatique toujours bienvenu font du film le plus long de la compétition un moment agréable, duquel on sort avec une mélodie de punk inoubliable dans la tête. Le jury a également décerné sa Mention Spécial à Infestation, de l’américain Kyle Rankin, qui a marqué par son humour et sa réalisation dans le plus grand respect des codes du genre fantastique. Parmi les autres œuvres en concours, il convient de mentionner les plus intéressantes. Personne n’aura ignoré la présence du très contesté Antichrist de Lars von Trier, qui avait notamment suscité la polémique à Cannes et n’avait apparemment pas séduit tout le monde. Il s’agit en effet d’une réflexion troublante sur la nature humaine et les fondements du bien et du mal. Cependant, en faisant abstraction d’inutiles scènes de pure obscénité, on assiste à un drame conjugal presque ordinaire. Tout le moins si on garde en tête qu’on assiste au festival du Fantastique. Dans une lancée toute différente, Left Bank place son atmosphère et sa mythologie fabuleuse dans la banlieue de la ville natale (Anvers) du réalisateur, Pieter van Hees. Ceci lui valu le très convoité Méliès d’argent, le prix du meilleur long métrage européen, ainsi que le prix du magazine Mad Movies pour le film le plus “mad”. Sans doute moins “mad” mais définitivement originale, la réalisation serbo-monténégrine Tears for Sales sort du lot grâce à sa créativité. Dans une Serbie d’après guerre où les hommes se font extrêmement rares, on y suit les aventures de deux sœurs envoyées à la recherche de virilité pour leur village. Le public est alors embarqué dans une histoire enchanteresse et hilarante qui vante tant la beauté que la ruse des femmes. Lors de la cérémonie de remise des prix et de clôture, le festival s’est achevé avec quelques mots de la part du président du jury, le réalisateur Boon Joon-ho. Celui-ci s’est apparemment plu à Neuchâtel et, à en croire leurs dires, ce fut le cas de la plupart des invités. Après avoir fait part de ses regrets pour tous les spectateurs qui n’ont pu avoir de billet pour les nombreux films qui affichaient complet, le président du festival Pierre-Yves Jeanneret a conclu en promettant de faire mieux et surtout plus grand pour la 10e édition qui se tiendra l’année prochaine.
T.Z.