Analyse

Quand la corruption envahi le sport

L’année dernière éclatait le scandale des matchs truqués en football. Un vaste réseau était démantelé, de la Suisse à la Chine, nombreux sont les pays ayant été touchés par ce phénomène. Le monde du sport a alors semblé découvrir un nouveau fléau, après le dopage ou le hooliganisme. Néanmoins la corruption sportive ne date pas d’hier. Le football, comme de nombreux autres sports, a déjà été confronté à des associations mafieuses truquant les rencontres.
Professeur associé au Centre international d’étude du sport (CIES), Christophe Jaccoud a accepté de faire part de son point de vue sur ce thème sensible et actuel qu’est la corruption dans le monde du football, et du sport en général.

Il est fréquent de dire que le sport est le miroir de notre société. Les gens se droguent ? Les sportifs se dopent. Nous vivons dans un monde de violence ? Cela se reflète donc dans les évènements sportifs. Les parallèles sont nombreux, mais la théorie est quelque peu simpliste. Selon Christophe Jaccoud, le sport n’est pas uniquement le miroir de la société : « L’image du miroir n’explique pas tout. Les enjeux financiers relatifs au football en l’occurence sont colossaux. Le sport a fabriqué ses propres règles, ses propres comportements. » En effet, le sport est un monde à part. Depuis qu’il est devenu un spectacle de masse, nombreuses sont les affaires de corruption, de dopage ou de violence qui ont touché ce milieu. « Les scandales ont toujours accompagné l’industrie du sport de haut niveau. En 1880 déjà il existait des affaires de corruption. En 1919 aux Etats-Unis a eu lieu une immense affaire autour de l’équipe de football américain des Chicago White Sox. Il a été révélé que cette formation était infiltrée par une mafia qui lui ordonnait de perdre ses matchs de play-off » Une figure célèbre de la boxe a également « bénéficié » de la corruption qui ronge son sport : « Deux tiers des combats gagnés par Mohammed Ali, dont le célèbre duel face à Sonny Liston, auraient été arrangés. Les challengers étaient payés pour se coucher » Ou quand l’image d’un démiurge est quelque peu écornée.

Dès lors, on se pose la question de savoir quelles solutions apporter pour que ce phénomène ne se répète pas. De nombreux sportifs touchent des sommes importantes au mépris de l’ethique, profitant de leur notoriété pour palper quelques millions sous la table. Christophe Jaccoud soulève un point important dans ces transactions frauduleuse: « Le sportif n’est que très rarement puni dans ces affaires. Des sanctions exemplaires refroidiraient les ardeurs de certains joueurs, qui réfléchiraient alors à deux fois avant d’accepter certaines sommes douteuses » tout en ajoutant « mais je ne pense pas que cela va changer. »

L’élément qui a (re)déclenché ce débat sur l’ethique dans le sport est l’affaire récente des paris truqués en football. Des mafias, chinoises notamment, orchestraient certains résultats en soudoyant plusieurs joueurs d’une même équipe. « L’idéal pour enrayer ce processus, serait de réussir à déterminer quel type de joueur est susceptible d’être approché par une mafia. Car les cibles sont précises, et les fuites bien rares. » estime Christophe Jaccoud. Malheureusement ce prototype n’a pas encore été établi par les enquêteurs.
L’inquiétude de certains puristes réside dans cette reconversion des mafias. « Une recomposition des formes de criminalité a eu lieu » explique notre sociologue du sport. Ces réseaux mal intentionnés semblent en effet avoir trouvé un nouveau terrain de chasse.

Pour conclure, Christophe Jaccoud nous rassure quelque peu en assénant un cinglant « Je ne pense pas que cela soit grave. Le sport a toujours vécu avec ces affaires douteuses et ces multiples scandales. » Il n’en demeure pas moins que la corruption choque le public. Un public souvent persuadé que monde sportif rime avec conte de fée.
JCO

Eclairage

Un moustique vaccinateur : entre mythe et réalité

Mars 2010. Des scientifiques de l’Université médicale de Jichi (région de Tokyo) ont modifié  génétiquement le moustique responsable de la leishmaniose, avec comme conséquence qu’une souris piquée par ce moustique développe un anticorps qui l’immunise contre la maladie.

Surprenant. Qui aurait cru entendre cela un jour : un moustique vaccinateur. « Théoriquement, il est possible de modifier génétiquement un moustique pour qu’il produise une protéine antigénique de leishmanie », me confirme le Mr. Brossard, professeur et directeur de recherche du laboratoire d’immunologie parasitaire à l’Université de Neuchâtel. Concrètement : le moustique, à travers sa salive au moment de la piqûre, transmet cette protéine antigénique qui provoque la production de l’anticorps chez la souris. Pour rappel, la leishmaniose est une maladie engendrant de fortes fièvres potentiellement graves et mortelles. Il se trouve que le moustique vecteur de cette maladie est aussi vecteur du paludisme. Dès lors, on comprend un des enjeux de cette expérience, qui serait de l’étendre au paludisme.

De la théorie à la pratique
Les problèmes liés aux aspects pratiques de la mise en place de ce nouveau genre de vaccination n’ont pas été livrés au large public. C’est pourquoi, je me suis tournée vers le professeur Brossard, qui a soulevé certains de ces aspects. «Personnellement, je suis assez sceptique avec une telle approche, bien que scientifiquement intéressante », me confie le professeur. « Outre les problèmes éthiques, je vois plusieurs grosses inconnues :

1. Quel(s) gène(s) (protéines) parasitaires faut-il cibler? La production d’anticorps d’une seule spécificité est sans doute insuffisante pour produire une protection.

2. La dose à injecter (nombre de piqûres) pour produire une protection serait non contrôlée, comment la différencier avec l’établissement d’une prémunition?

3. Les vecteurs hématophages injectent avec leur salive des facteurs protéiniques anti-inflammatoires et immunomodulateurs, quels seraient leurs effets sur la protection? Dans les vaccinations habituelles, on mélange à l’antigène un adjuvant qui augmente au contraire la réponse immunitaire », me répond-t-il.
En résumé : notre moustique qui a vacciné avec succès une souris, n’est pas encore prêt à franchir les fenêtres des labos.

Deux problèmes éthiques majeurs
1. Peut-on lâcher dans la nature des moustiques transgéniques dont on n‘aurait plus le contrôle ? 2. Peut-on immuniser des populations sans leur accord ? Quand bien même ce moustique transgénique serait une solution formidable d’un point de vue vaccination (gratuit et facile d’application), il faut s’imaginer aussi une révolution au niveau de l’éthique médicale. A l’heure actuelle ni l’OMS ni les différents pays concernés par le problème ne seraient d’accord pour autoriser ce genre de pratique. 
Enfin, le moustique serait dérangeant pour les firmes pharmaceutiques, qui n’y gagneraient rien dans l’histoire. Laisseraient-elles passer une telle révolution scientifique ? 
K.A