Livres

Jamal Dati

Dans l’ombre de Rachida
Editions Calmann-Lévy, 2009

C’était en juillet 2007. La France prenait connaissance de l’existence de Jamal Dati, le frère trafiquant de drogue de Rachida. Il est condamné, bien qu’il ait décroché. S’en suivra un combat, contre lui-même, dans l’enfer qu’il a vécu en prison. Aujourd’hui il s’en est sorti, il travaille et est père de famille. Cependant les évènements passés semblent avoir gâché la relation déjà délicate qu’il entretenait avec sa grande sœur. Au moment où Jamal décide de sortir un livre, beaucoup ont tenté de le faire taire, Rachida l’a même renié, ne cherchant jamais à comprend son mal-être. De ses erreurs, « le frère de » a tiré des enseignements.
Il livre un témoignage de la vie en prison, raconte le quotidien d’un trafiquant de drogue, et les difficultés qu’il a connu avec sa famille. Preuve est faite que Jamal Dati revient de loin, c’est aujourd’hui un autre homme, il veut qu’on le respecte enfin, car il a changé.

Cette oeuvre, écrite sur le modèle d’un entretien avec le journaliste Xavier Bénéroso, est un témoignage touchant d’un homme au parcours atypique et compliqué. Un vocabulaire cru est employé, et une réelle proximité est établie avec le lecteur.
En apparence, ce livre peut sembler être un règlement de compte entre Jamal et Rachida. Néanmoins, il est nécessaire de souligner que l’auteur a tenu à clarifier les choses « j’aime ma sœur » répète-t-il à maintes reprises au cours du récit. Il insiste sur le fait qu’il a choisi d’écrire un livre pour lui tout d’abord, pour extérioriser sa douleur, et obtenir le peu de reconnaissance qu’il demande.
Ce récit offre une réflexion à propos du monde politique français, et particulièrement à propos du personnage de Rachida Dati, si soucieuse de ne pas déplaire au grand public. Si soucieuse de préserver son image en tentant de masquer par tous les moyens l’existence de ce frère, de ce mouton noir. Chronique d’un univers où le revers de la médaille est douloureux à découvrir.
L’environnement carcéral est remis en question, les révélations sont choquantes. Il est bouleversant de penser qu’en France voisine une prison peut être un carrefour pour la drogue, ainsi qu’un berceau mêlant violence et insécurité, où les surveillants sont corrompus.
Sous un certain angle, cette œuvre peut prendre des apparences d’œuvre du « petit Paris », monde de stars capricieuses. Ce dernier préjugé n’a pas lieu d’être. « Dans l’ombre de Rachida » est à ne pas confondre avec ces autobiographies narcissiques de célébrités en manque d’affection. Jamal Dati a écrit ce livre avec ses tripes, avec ses mots. Et il insiste sur le fait que la dimension financière ne l’intéresse pas, que l’argent n’est pas lié à sa démarche.
Pour Jamal Dati, ce livre consistait peut-être l’une des dernières solutions pour avoir l’attention de sa sœur Rachida, elle qui ne lui parle plus. Ce livre, source de tensions dans la famille Dati, source de conflit et d’incompréhension. Source de pression à l’encontre de Jamal pour qu’il ne le publie pas. Source d’émotions, d’apprenti auteur. Et sans doute, ressource, pour le lecteur.
Si cette œuvre n’est pas d’une qualité littéraire et poétique à en faire frémir Molière, le témoignage vaut le détour, le personnage aussi. On ne lit pas « Dans l’ombre de Rachida » pour ses figures de style métaphoriques, mais plutôt pour son récit plein de sincérité.
Jérôme Cochand

Portrait

Un Zorro qui efface ses traces

Un I-Phone pour secrétariat, un agenda pour la sécurité : Edwy Plenel est très méfiant vis-à-vis du pouvoir français. Le journaliste s’est souvent attaqué aux écarts du gouvernement, au point d’avoir été surveillé par l’Elysée. Depuis, le président de Mediapart ne veut laisser aucune trace derrière lui.
Sonia BERNAUER, Audrey FARINE, Akuvi Klenam HONKOU

Prudent, Edwy Plenel, 57 ans, l’est énormément. Le président de Mediapart se méfie de toute intervention de l’Etat dans sa vie : «moins nous lui permettons d’en savoir, mieux nous nous porterons», dit-il. Bien qu’il possède un I-phone qu’il utilise comme secrétariat, le journaliste français a toujours eu un agenda papier afin de tracer au fur-et-à-mesure ses rendez-vous. Il craint d’être espionné par l’Etat, qui a, selon lui, une «curiosité insatiable». Sa méfiance s’est renforcée suite à l’affaire des écoutes illégales du Palais présidentiel, dont il a été victime dans les années 1980. Il a notamment été surveillé en raison de ses investigations sur la cellule dite antiterroriste de l’Elysée.

Par ailleurs, l’ancien rédacteur en chef du Monde n’a pas confiance en les appareils électroniques :
«ils ont une mémoire cachée, comme l’ont montré des enquêtes judiciaires, et se souviennent même de ce que vous croyez avoir effacé». D’où la stratégie de son agenda. En outre, Edwy Plenel affirme écrire et rayer plus vite sur le papier. «Mon écriture est aussi illisible que celle d’un médecin», ajoute-t-il.

Paranoïaque? Edwy Plenel a ses raisons de l’être. Malgré tout, il reste une personne très ouverte et communicative, toujours prêt à transmettre ses connaissances. Le Tout-Paris possède son numéro de téléphone portable et lui compte plus de 5000 amis sur Facebook, alors que 2000 autres sont en attente. Le journaliste répond volontiers aux sollicitations. Il estime devoir parler au public pour assurer le succès de Mediapart.

Un homme sur tous les fronts

Toute la question de cette méfiance face à l’Etat s‘est révélée en interrogeant Edwy Plenel sur la manière dont il gère son emploi du temps. Il mène, en effet, quatre vies à la fois : président de Mediapart, collaborateur à France Info et France culture, enseignant et écrivain. Petit tour d’horizon de ses activités.

Mediapart : président du site internet depuis sa création en 2008, Edwy Plenel assume trois fonctions au sein de l’entreprise : patron, porte-parole et journaliste. Son activité de porte-parole lui prend le plus de temps.

Radio : l’ancien rédacteur en chef du Monde s’exprime également à travers les ondes. Un débat hebdomadaire face au journaliste Alain Genestar sur France Inter et une chronique personnelle chaque semaine sur France Culture.

Enseignement: partager son idéal démocratique

Du journalisme : une autre de ses passions. Edwy Plenel transmet son savoir à des étudiants en journalisme à l’Université de Montpelier et à l’AJM à Neuchâtel.

Ecriture : journaliste mais aussi écrivain, Edwy Plenel écrit lorsqu’il trouve le temps. Il a publié
dernièrement un texte hommage à François Maspero et une introduction au spectacle de la comédienne Anouck Grimbert.