Actualité

Le Pape et le préservatif :

 

Depuis environ une trentaine d’années, le sida, aussi connu sous le nom de VIH, est reconnu comme un virus. Bien que transmissible par voie sanguine, il se transmet principalement par voie sexuelle. Malheureusement, malgré le soutien massif de la recherche dans le domaine, aucun vaccin permettant de lutter efficacement contre la maladie n’a été découvert. De ce fait, la meilleure façon prouvée de limiter sa transmission est l’utilisation du préservatif.

Mais tout le monde n’est pas du même avis. En effet, lors d’une visite sur le continent africain, le pape Benoît XVI a déclaré : « On ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, ils augmentent le problème « 1*. Ces déclarations ont eu pour effet de susciter de vives réactions de la part de plusieurs dirigeants européens et de l’ONU. De plus, plusieurs ONG telles que Médecins du Monde (MDM) se sont montrées très critiques envers ces propos.

Il faut dire que le continent africain est le plus touché par ce virus meurtrier. Selon l’ONU, l’Afrique subsaharienne concentrait, en 2007, deux tiers des personnes infectées dans le monde, soit 22 millions de personnes 2*. Ainsi, ces déclarations ont eu un écho tout à fait particulier, surtout que le pape exerce une influence spécialement forte dans cette partie du monde.

Malgré tout, on peut souligner qu’en tant que représentant de l’église catholique, le pape n’a fait que de se conformer aux positions officielles véhiculées par cette dernière. Déjà sous le pontificat de Jean-Paul II, l’église prônait la chasteté, la fidélité dans le mariage et l’abstinence. Ainsi, pour le pape, le fait de valider l’utilisation du préservatif reviendrait à valoriser le sexe hors du mariage et à le banaliser.

De plus, avec les nombreuses oppositions qui ont suivies les déclarations du pape, l’utilisation du préservatif a été fortement valorisée. Effectivement, de nombreux organismes ont avancé que le seul moyen de limiter la transmission du virus était l’utilisation du préservatif et la prévention dans le domaine a redoublé. On peut donc dire que c’était un mal pour un bien, puisque les contre-réactions ont, elles aussi, beaucoup été relayées par les médias.

Plus récemment, le pape a admis l’utilisation du préservatif « dans certains cas ». L’exemple qu’il a donné, lors d’entretiens avec un journaliste, est celui d’un « homme prostitué ». Il a expliqué que dans ce cas particulier, l’utilisation du préservatif serait « un premier pas vers une moralisation » 3*. Malgré cela, cette utilisation reste exceptionnelle et ne change en rien la position de l’église sur la question.

Finalement, on se rend compte sans surprise que la vision de l’église reste très traditionnelle et conservatrice sur le sujet. Mais il faut admettre qu’elle est tout à fait désuète et inadaptée à notre société où tout va de plus en plus vite et où, malheureusement, un mariage sur deux se termine par un divorce. Pour finir, on peut supposer que, bien que le pape ait de l’influence et tienne des propos peu acceptables, ses disciples possèdent tout de même assez de discernement pour comprendre et sélectionner les propos à prendre en compte ou non. N’oublions donc pas que dans le mot préservatif, il y a le terme préserver et agissons intelligemment en nous protégeant, si les circonstances l’exigent!
AST
1* Propos reportés sur le site de Libération : http://www.liberation.fr/societe/0101557413-preservatif-ce-que-le-pape-a-vraiment-dit
2* Statistiques citées dans le journal de la TSR, le 17 mars 2009 : http://www.tsr.ch/video/info/journal-19h30/1501965-benoit-xvi-en-tournee-en-afrique-a-critique-les-distributions-de-preservatifs.html#id=1501965
3* Propos reportés sur le site de la TSR : http://www.tsr.ch/info/monde/2709495-benoit-xvi-admet-le-preservatif-dans-certains-cas.html

 

Reportage

LE SIDA C’EST TROP OLD FASHION. MOI, JE PRÉFÈRE SAUVER MA PLANÈTE !

 

Une étude de l’Université de Leeds le prouve : le sida n’a plus la cote, chassé de la scène médiatique par les nouveaux défis environnementaux tels que le changement climatique. Normal,  avec les progrès en matière de sida, les risques potentiels d’un désastre écologique et la crise financière de ces dernières années, il faut bien choisir son cheval de bataille. Ces arguments paraissent sensés, certes, mais en sommes-nous si sûrs ?
Petit décryptage.

L’étude « Trends in Sustainability » s’est intéressée à la couverture médiatique de certains grands thèmes de la durabilité dans plus de 69 millions d’articles, issus de 115 journaux du monde, sur une période de vingt ans. Les résultats, disponibles en ligne, révèlent que dans nos pays développés l’intérêt médiatique pour le sida a chuté de 70% depuis les années 90, passant de 3 à moins de 0,5 article par numéro en moyenne. À l’inverse, les grands thèmes environnementaux ont vu leur cote multipliée par dix, passant de 0,2 à plus de 1,7 article par numéro en 2008. Ainsi, « la question [du changement climatique] a attiré son attention sur la durabilité, mais parallèlement, elle a modifié l’agenda même de la durabilité, aux dépens de l’attention sur les problèmes socio-économiques tels que […] le VIH/sida, la corruption, les droits de l’homme ou la pauvreté », conclut le Dr Ralf Barkemeyer de l’université de Leeds.

Certains experts justifient cette baisse d’intérêt par « les progrès en matière de prévention et de traitement des sidéens, qui permettent aujourd’hui une certaine maitrise de la maladie ».

Il est en effet exact que dans de nombreux pays occidentaux, la pandémie est aujourd’hui stabilisée, voire en régression. Mais qu’en est-il des pays en développement ? Que fait-on des sept pays dont le nombre de nouvelles infections a augmenté de plus de 25% depuis 2001 ? Et l’Afrique subsaharienne, dont le nombre de victimes s’élève encore à 1,3 million en 2009 ? Leur problème, pourrait-on dire. Seulement, nous oublions que 88% des fonds dédiés à la lutte contre le sida dans les pays à bas et moyens revenus proviennent des aides internationales. Or, ces dernières ne cessent de baisser. En 2009, malgré la récolte de 15,9 milliards $ US, l’ONUSIDA estime qu’il aurait fallu 10 millions de plus pour seulement maintenir les résultats antérieurs… Et le Fonds mondial qui prévoit de réduire ses contributions de 15 à 20% en 2011.
En outre, on ne peut décemment clamer maitriser une maladie lorsqu’aucun vaccin n’existe. Sans compter qu’à l’heure actuelle, pour deux personnes bénéficiant d’un traitement à vie, on compte encore cinq nouveaux cas d’infection. Malheureusement, la recherche est laborieuse et exige certaines ressources dépassant les capacités des pays les plus touchés par la pandémie. Et chez nous, la baisse d’intérêt pour le sida fait que les chercheurs ont de plus en plus de peine à mobiliser les fonds nécessaires, finissant par abandonner le VIH au profit de problématiques plus en vogue ou de domaines plus lucratifs.

Un second argument très en vogue veut que « les problèmes environnementaux doivent être une priorité, car la pandémie du sida semble ridicule face aux conséquences potentielles d’un désastre écologique ».

Bien, mais que fait-on des impacts écologiques du sida ? Nous avons trop vite tendance à oublier le lien qui unit ces deux domaines. Comme le rappelle la chercheuse Marisa Casale, ce « qui distingue la pandémie de VIH/sida des autres est qu’elle touche majoritairement des adultes jeunes ». Dans les pays les plus atteints, cela signifie que tout un pan de la population se voit dans l’incapacité de contribuer à sa survie ainsi qu’au développement du pays. En Afrique, pour lutter contre cette paupérisation, de plus en plus de ménages se tournent vers les ressources naturelles comme filet de sécurité, s’adonnant aux activités comme la pêche, le braconnage ou la récolte de plantes de manière excessive et inappropriée. Les coûts supplémentaires engendrés par la maladie obligent également certaines entreprises à négliger toute considération environnementale. Plus grave encore, les jeunes adultes meurent souvent avant d’avoir pu transmettre leur savoir-faire et leurs connaissances, entrainant un gaspillage des ressources tout en menaçant la reproduction de la société. Du côté de la gestion des morts, l’enterrement d’un être cher signifie soit un cercueil, soit la perpétuation de rituels qui consistent, dans beaucoup de régions d’Afrique, à maintenir un feu allumé durant cinq jours, incitant à la déforestation. Enfin, les nombreux orphelins laissés derrière n’ont que peu d’accès à l’instruction, ce qui amplifie la violence, les conduites antiécologiques ainsi que les risques d’infections. Bref, nul besoin de continuer pour prouver qu’on ne peut penser le développement durable indépendamment des problèmes sanitaires et socio-économiques, qui font eux aussi peser une lourde menace sur l’avenir de notre écosystème.

Il reste enfin l’argument de la crise.

Il est vrai que les coupes financières dans les politiques publiques ces dernières années ne sont pas négligeables. Soulignons seulement que le Japon et l’Italie, en autres, fournissent une aide bien inférieure à ce que leurs ressources permettraient, et cela même si l’on considère les chiffres émanant de la période la plus noire de la crise.

Tant d’informations… mais lesquelles retenir ? La première serait peut-être que les médias ne sont pas si innocents. Comme le résume très bien Maxwell McCombs, fondateur de la théorie de l’agenda setting, « Les médias ne nous disent pas ce qu’il faut penser, mais à quoi il faut penser ». La deuxième, tout aussi importante, est que la lutte contre le sida, comme tous les défis auxquels nous faisons actuellement face, demande des efforts soutenus et des planifications à long terme. Alors arrêtons-nous une minute, et posons-nous la question : où allons-nous ?
L. Linder
Pour consulter en ligne les résultats de l’étude Trends in Sustainability, voir :
http://www.trendsinsustainability.com/