Portrait

La voix de l’expérience

En ce début d’année 2011, nous vous présentons Mario Sessa. L’ancien rédacteur en chef de L’Impartial et de L’Express nous parle des moments clés de sa carrière et de sa vision du journalisme. Il conclut avec quelques conseils pour les futurs journalistes.
Préparé à l’enseignement, rien ne laissait croire qu’il explorerait le journalisme. Néanmoins, le jeune diplômé fit quelques remplacements de journalistes à l’Impartial. C’est à ce moment-là que le rédacteur en chef de l’époque le remarqua et lui proposa de postuler à l’une des deux places de stagiaires du journal. C’est ainsi que le jeune Mario Sessa se lança dans une aventure journalistique de 28 ans.
Le journaliste débute à l’Impartial de La Chaux-de-Fonds. Mario Sessa évolue ensuite dans la profession et devient notamment le rédacteur en chef de L’Express et de L’Impartial durant plusieurs années. Le journaliste va finalement finir sa carrière journalistique à L’Hebdo en tant que rédacteur en chef-adjoint.
Lors de notre rencontre, le rédacteur nous explique qu’ayant fait le tour de la profession il préféra arrêter. Dorénavant, l’homme de lettre ne se consacre plus qu’à l’enseignement pour passer le flambeau aux générations suivantes.
Ses meilleurs moments
« Dans les années 80, tout était permis. Les délais étaient considérables : les heures des remises des articles étaient très tard. De plus, l’économie était moins lourde à porter. Quelques années plus tard, cela a changé. », nous informe-t-il.
Mario Sessa nous parle aussi de la période où il était rédacteur en chef : « On se retrouve dans une tour d’ivoire entre l’éditeur qui veut se faire de l’argent et la rédaction que l’on doit défendre. Un rédacteur-en-chef n’écrit plus rien et se retrouve au front lors des troubles, dans une ambivalence entre les deux partis qu’il représente. C’est pour cela que l’on a tout intérêt à bien s’entourer. »
Il revient aussi sur des moments moins joyeux durant les crises économiques de ces dernières années : « Devoir se séparer de quelqu’un pour des raisons économiques est très dur parce que la personne que vous licenciez n’a absolument rien fait. Après cela, on se demande si on a vraiment tout essayé pour garder cette personne. »
Comment voyez-vous le monde du journalisme actuellement ?
M.S.:  Il vient de sortir d’une des plus grandes crises. A mon avis, le papier restera encore. Il faudrait passer de la lecture facile aux lectures sérieuses. Quant aux presses régionales, elles ont plusieurs options possibles soit être la meilleure dans son territoire soit garder des sections généralistes.
Est-ce que les journalistes sont bien acceptés dans le domaine public ?
M.S.: Puisque les journalistes ne dérangent, ils sont bien acceptés. Mais, du fait qu’ils ne dérangent pas, on ne trouve aucune différence dans les journaux ce qui est un mal pour les rédactions qui devraient essayer de se démarquer en osant déranger. La raison de ce mal est le manque de courage des éditeurs parce qu’ils veulent gagner de l’argent et faire dans la différence, oser dire ce qui pourrait déranger crée le risque de ne pas toujours gagner sa vie. Aujourd’hui, les journaux d’envergure renforcent leurs contenus pour se démarquer.
Comment expliqueriez-vous le métier de journaliste ?
« C’est un métier complexe dans lequel on a le droit de tout dire mais, surtout il faut savoir le dire.  C’est un travail où on mélange la technique et l’éthique. Il s’agit aussi de vérifier l’information, de temporiser et de regarder les dépêches d’agence en les vérifiant quand même. Ce n’est pas un métier de paresseux. On se déconnecte très peu du monde du travail et même durant les vacances on reste attentif à l’actualité. »
Est-ce que vous auriez des conseils pour les futurs journalistes ?
« Il faut se former dans tout, avoir une très grande curiosité et douter de tout. C’est justement la curiosité qui va vous obliger à vérifier si ce que vous lisez est vrai. »
Pour l’anecdote, est-ce que vous vous souvenez d’un des premiers articles que vous avez écrit ?
« Oui, lorsque Suchard a délocalisé la fabrique de Sugus et que l’on a découvert qu’elle allait au Portugal. Alors, j’ai écrit un article avec comme titre « Une vérité qui colle aux dents ». »

Interview

Lynn Béguelin, une styliste de chez nous

Lynn Béguelin, c’est le visage caché derrière Modulesk Couture. Elle nous reçoit dans son atelier de Monthey, un lieu chaleureux où des merveilles se cachent dans tous les recoins. Des t-shirts de sa nouvelle collection à la crème de vinaigre artisanale en passant par la calculatrice façon plaque de chocolat et un amas bijoux : il y a de quoi satisfaire chacun dans cette caverne d’Alibaba.
Interview d’une styliste remplie d’humour.
Pouvez-vous commencer par nous parler brièvement de votre parcours, plus précisément de vos études ?
Après l’école obligatoire, j’ai commencé l’Ecole du Degré Diplôme en Valais, aujourd’hui appelée Ecole de Culture Générale. Au bout de la troisième année, je me suis rendue compte que le papier fourni par l’école me permettait uniquement d’intégrer une autre et non de travailler. C’est pour ça que j’ai décidé d’arrêter et que j’ai commencé une formation d’employée de commerce. Après l’obtention de mon CFC, ma roue de secours, j’ai entrepris ma formation de styliste, modéliste, couturière à l’école Laura L de Lausanne.
A quand remonte votre envie de travailler dans la mode ?
A l’âge d’environ 13-14 ans, quand on entre dans la période d’adolescence et qu’on se rend compte qu’on n’est pas tellement comme les autres (rires). Je voyais toutes les filles qui s’habillaient tout joli, qui allaient chez H&M, qui trouvaient plein de trucs chouettes à mettre et moi qui étais un peu trop ronde pour rentrer dans ces trucs-là…Mais tu voudrais quand même leur ressembler et tu dis qu’il y a une injustice dans le monde (rires) alors t’essaies de trouver la solution. Du coup, je me suis dit que ce serait une bonne chose de faire ça pour moi et pour toutes les filles dans ma situation. C’est plus un développement personnel, je le fais pour moi avant de le faire pour les autres et surtout pas pour le luxe et le « m’as-tu vu ». Je le fais vraiment pour faire ce que j’aime, c’est authentique, ce n’est pas comme le métier le veut : les paillettes et tout le synthétique qu’il y a là autour.
A votre avis, est-ce que Suisse et mode font bon ménage ?
A fond ! Il y a beaucoup à faire en Suisse. Si tu vas à Paris, à Londres, tu te rends compte que le marché est déjà saturé et que les gens se marchent les uns sur les autres sans réussir à bien se démarquer. Il y a plein de jeunes créateurs qui essaient de percer en Suisse. Laboratoire, Van Bery SwissLaundry et tous les autres, qui ont aussi commencé ici, croient en leur pays et essaient de rester là et de développer quelque chose. Et ça marche ! C’est pour ça que je pense que j’ai ma place ici.
En 2009, vous avez créé la marque Modulesk Couture. Quelles étaient  les étapes pour en arriver là ?
Il faut, beaucoup de persévérance, de courage, de vitamines (rires) et d’amis qui sont, si possible, dans le domaine artistique aussi, que ce soit la photographie, le maquillage, le graphisme, la coiffure. Il faut aussi, bien évidemment, avoir un travail à côté pour commencer parce que c’est beaucoup d’investissement personnel et financier. Financier parce qu’au début il faut faire un logo, des cartes de visites, se faire un stock, acheter les tissus, du matériel comme une machine à coudre, une presse, un fer à repasser. Personnel parce que t’as un autre travail à côté et qu’il ne faut pas compter les heures que tu passes à créer les vêtements. Il faut vraiment être passionné, c’est plus que du 100%. Après il faut faire des défilés, faire parler de soi, ne pas se décourager parce que la notoriété ne vient pas tout de suite.
Evidement, on peut faire à moin de tout ça, si on est issu d’une famille extrêmement riche.
Quelles sont vos inspirations ?
Il est toujours difficile de répondre à ce genre de question ! En fait, c’est un détournement de concret, c’est un peu  bizarre non ? (rires) J’aime bien parler des choses de tous les jours : de la famille, des amis mais quand je dis parler, je veux dire parler à travers les vêtements.
Ma première collection, je l’ai faite en pensant à ma grand-mère, aux choses que je ressentais quand j’étais petite par rapport à elle. J’ai fait une robe avec des motifs de glaces, par exemple, parce que, quand j’étais chez elle, j’en mangeais beaucoup. Je prends des choses concrètes que je détourne à ma manière par rapport à ce que je ressens. C’est quelque chose de très personnel. Une de mes collections a pour thème l’école. Je me suis souvenue, par exemple, de mes périodes de math, de toutes les formes géométriques que j’avais vues et que je n’aimais pas trop ça. Alors, j’ai fait une coupe plus sévère, un peu autoritaire sur les vêtements. J’essaie de transmettre les choses que je ressens dans les vêtements pour ne pas perdre tous mes souvenirs. En fait, c’est comme une thérapie, je n’ai pas besoin de payer un psy ! (rires) Le fait de créer te fait ressortir plein de choses
Quelle est la tenue la plus excentrique que vous ayez créé jusqu’à présent ? A quelle occasion ? Excentrique ?
Je pense que c’est la robe des marshmallow pour la collection Cocolettement Vôtre ! C’est un ensemble de pièces composé d’une jupe courte et volumineuse avec des superpositions de tulles oranges et bleues qui font penser à un gros marshmallow, d’un chemisier à col claudine muni d’un capuchon en crinoline qui rappelle la capote à soufflets d’une vieille poussette. Une fois remonté, le capuchon donne l’impression d’un cadre qui fait comme si la personne se trouve sur une photo de famille. Il y a aussi une ceinture transparente avec un zip et des bonbons à l’intérieur qui va avec la robe.
La plus excentrique que vous ayez porté ?
Est-ce que carnaval ça compte ? (rires) Je me suis fait une tenue entière avec des bisounours. J’avais un polo noir, une jupe à la taille avec des superpositions de tulles de couleurs pastel et des petites peluches bisounours dessus.
Et la plus excentrique que vous aimeriez porter ?
J’aimerai beaucoup porter la robe à bulles de Lady Gaga, c’est un rêve ! (rires)
Votre atelier et la boutique Baboune, où vous vendez vos pièces, se trouvent à Monthey. Comment définiriez-vous l’ambiance qui y règne ?
Je pense que c’est un espace un peu intemporel. Quand tu entres dans la boutique, tu arrives dans un espace un peu cosy, kitsch, coloré avec en même temps une ambiance baroque et décalé du coup. Ensuite, il y a un petit salon, qui fait un peu plus penser à l’ambiance qu’on pourrait retrouver chez une grand-mère. Pour finir, il y a mon atelier où règne plus une ambiance de travail, de recherche, d’expérience, un peu comme dans un labo. C’est là que je cherche de nouvelles idées, c’est pour ça qu’il y a des choses plein les murs. Mais s’il faut parler de déco, je qualifierai l’endroit d’acidulé !
Sur quoi est-ce que vous travaillez en ce moment ?
Sur ma collection printemps-été 2011. Je fais aussi beaucoup de retouches, de costumes pour carnaval et j’ai des demandes pour des robes sur mesure.
Pouvez-vous nous parler de votre prochaine collection ?
C’est sur la superette. Je vais faire une première partie de prêt-à-porter, autant pour les filles de tailles standards que pour les rondes. La deuxième partie sera plus originale avec des modèles basés sur le thème de la récupération, plus pour le côté spectacle du défilé. J’aime bien pouvoir garder cet esprit d’expérience, je vais faire une robe entièrement avec des pots de yogourts vides.
Et pour finir sur un conseil de styliste : selon vous quel est le vêtement et quel est l’accessoire que toute femme devrait avoir dans son armoire ?
La petite robe noire, forcément, et la ceinture à nœud. Toutes les filles devraient avoir une ceinture avec un nœud ! (rires) Tu peux la mettre sur un t-shirt XXL, sur un short taille haute avec un marcel et sur la petite robe noire ! Donc oui, la ceinture à nœud, en plus des chaussures et le sac à main comme accessoires, c’est élémentaire mon cher Watson.
M.R.
« Et pour les plus curieux d’entre vous : http://www.modulesk.ch/ »