Eclairage

Le phénomène Ricardo Lumengo :

Premier parlementaire noir en Suisse et fraude aux élections cantonales. Revenons sur le départ prometteur et la descente vertigineuse d’un homme pas si commun.

Ricardo Lumengo est né le 22 février 1962 à Lussenga en Angola. Il dépose une demande d’asile en Suisse en 1982. En effet, à cette époque déjà, il a un goût prononcé pour la politique et subit des persécutions pour ses idées. Quelques années plus tard, il obtient son premier permis de séjour. Dès lors, il travaille pour pouvoir ensuite financer ses études de droit qu’il suivra à l’Université de Fribourg. Après avoir obtenu sa licence, il commence par travailler en tant que conseiller juridique dans un centre municipal de conseil aux étrangers. En 1997, il se naturalise Suisse et s’approche de la politique helvétique. Actuellement, il travaille dans le centre de rencontre multiculturelle  »Multimondo » à Bienne.

Politiquement parlant, Ricardo Lumengo s’approche déjà du Parti Socialiste en 1996. En 2004, grâce à sa naturalisation et à son attachement pour la politique, il obtient un siège au Conseil de la Ville de Bienne. Puis, il gagne un siège au Grand Conseil en 2006. Durant l’été 2007, il est assailli d’attaques discriminatoires de la part du Parti de la liberté, ce qui va engendrer un élan de solidarité et qui va, par la suite, lui donner encore plus de notoriété. Il ne gardera son siège au Grand Conseil qu’un an avant d’être propulsé au Conseil National et de devenir ainsi le premier parlementaire noir en Suisse. Cet exploit est alors médiatisé à travers de nombreux pays et fait taire ainsi l’UDC avec son affiche de « mouton noir ».

Plus récemment, il est réapparu dans les journaux mais dans une affaire bien moins honorable : les fraudes électorales. En effet, en février dernier, il a été accusé d’avoir modifié ou rempli des bulletins de votes. Suite à l’apparition de ce scandale, le Parti Socialiste l’accuse directement des mauvais résultats lors des élections bernoises s’étant déroulées le 28 mars. En novembre dernier, on a appris la décision du Tribunal d’arrondissement de Bienne : il est condamné pour fraude électorale lors des élections cantonales de 2006 mais obtient un non-lieu pour les élections nationales de 2007. Après la demande du PS, il quitte le parti et cherche maintenant sa « nouvelle famille d’accueil ». Pour le moment, il y a eu un premier rapprochement avec La Gauche, mais qui n’a finalement pas abouti. Puis, c’est le PEV (Parti Evangélique) qui fait preuve d’un certain intérêt pour l’Angolais. Remarquons que les Verts sont toujours en réflexion sur une possibilité de l’accueillir dans leur parti. Néanmoins pour le moment, une chose est claire : Ricardo Lumengo est seul durant les sessions parlementaires et ses anciens confrères du Parti Socialiste ne veulent plus rien avoir à faire avec lui.

Revenons finalement sur la polémique des bulletins de vote « truqués ». Pour sa défense, le parlementaire affirme avoir rempli des bulletins de vote en écrivant les noms de ceux qui étaient dictés par les personnes qui n’avaient jamais voté auparavant, autant le sien que celui de ses concurrents. À partir de cette information, on a le choix entre deux théories. La première, qui place Ricardo Lumengo dans le rôle de l’innocent attaqué pour sa naïveté car il ne pouvait remplir les bulletins pour les autres (accessoirement, il aurait dû le savoir après ses études de droit). Et la deuxième, qui le ferait passé pour un tricheur de bas étage (revendiqué certainement plus chez les membres de l’UDC qui doivent bien rire du mouton noir du Conseil Fédéral)
M.A.

Analyse

Faut-il construire de nouvelles centrales nucléaires en Suisse?

Le 15 novembre, l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) a donné son feu vert sur le choix des sites où se construiraient les trois projets de centrale nucléaire, la question du nucléaire reste entière. Notre paysage médiatique souffle un vent de sympathie sur les moyens écologiques, durables, renouvelables pour nous approvisionner en électricité. Pourtant, la « doxa verte » ne doit pas nous faire oublier la réalité des chiffres.

Alors que le peuple suisse s’est exprimé pour un moratoire gelant la construction de nouvelles centrales nucléaires pour dix ans en 1990, l’avenir énergétique suisse peut paraître trouble. La question doit donc se poser : devons-nous construire une nouvelle centrale nucléaire en Suisse ? Que faire de nos centrales vieillissantes? Nous détaillerons ici comment est structurée la production d’électricité de la Confédération. Nous nous attarderons sur le cas du nucléaire et des opportunités pour assurer nos besoins énergétiques.

La consommation d’énergie suisse se répartit sur trois facteurs majoritaires : deux sont issus des produits pétroliers, pour les carburants (33%)1*  et les combustibles (22%) et finalement, celui qui va plus particulièrement nous intéresser, l’électricité (24%). Cette dernière, utilisée par les ménages, les industries et les services (environ 30% chacun), est le moteur du développement économique et de la bonne marche de nos infrastructures.

Notre consommation ne cessant de croître, il est nécessaire de repenser notre approvisionnement énergétique. Voyons d’abord comment se répartissent nos divers moyens de production. Alors que les centrales thermiques et les moyens de production plus marginaux ne représentent que 4,9% du total, la part de l’hydraulique est de 55,8%. Le nucléaire, quant à lui, fournit presque 40% de notre électricité. Pour ce qui est des éoliennes et de l’énergie solaire, ils restent encore confidentiels: respectivement 0,47% et 0,004% dans les 66’494 GWh produits en Suisse.

L’importance du nucléaire est donc incontestable dans notre panorama énergétique. Pourtant, on ne saurait connaître de secteur plus menacé. En effet, outre les arguments des « antis » et des «pros» nucléaires, il est un fait indéniable: nos centrales sont anciennes. Des quatre sites abritant cinq centrales au total, la plus récente date de 1984. Les deux centrales de Beznau, quant à elles, approchent de la soixantaine. Leur désaffection prochaine est inévitable, car une centrale trop ancienne est une centrale dangereuse. Viennent alors ces projets de construction de nouvelles centrales sur les sites existants de Beznau, Gösgen et Mühleberg qui pourraient constituer une réponse à ces arrêts d’exploitation.

Les avantages de tels projets sont clairs. Le nucléaire est un moyen efficace pour produire énormément d’électricité. Les rendements constituent un approvisionnement conséquent. Par ailleurs, la fission nucléaire est un bon moyen pour diminuer les émissions de gaz carbonique, responsable du réchauffement planétaire, car les émissions sont presque inexistantes2* (ou comparables à celles de l’hydroélectrique). A contrario, les désavantages sont aussi limpides. Les déchets du nucléaire ont une durée de vie extrêmement longue, leur traitement et leur stockage sont couteux et problématique. En effet, aucune solution de stockage n’est prévue en Suisse et ces déchets doivent transiter chez nos voisins. Ils représentent en quelque sorte le cadeau empoisonné que nos générations feront à celles qui nous suivent. De plus, les risques liés à l’exploitation nucléaire ne doivent pas être niés, bien que des contrôles stricts soient effectués par l’IFSN. Enfin, il reste le problème de l’approvisionnement en combustible nucléaire. Bien que la Suisse possède quelques ressources en uranium dans ses sols, elles ne représentent pas des quantités suffisantes pour une alimentation de nos centrales. La Confédération se retrouve donc dans un fort état de dépendance énergétique (pour le nucléaire, les matériaux fossiles, ainsi que le gaz).

Le nucléaire n’est donc pas un choix anodin. Mais quels autres choix s’offrent à nous? En ce qui concerne l’énergie hydroélectrique, les possibilités de développement sont très limitées. La Suisse exploite déjà au maximum ses possibilités dans ce domaine. À part quelques aménagements et autres optimisations des structures existantes, on peut considérer que nos barrages ne nous fourniront pas beaucoup plus d’énergie qu’ils nous fournissent aujourd’hui. Alors que l’Allemagne a reconstruit des centrales à charbon, cette voie serait tout sauf avantageuse pour notre pays. Au contraire de nos voisins germaniques, nous ne possédons pas le combustible et les émissions de CO2 sont bien trop importantes pour être viables dans le futur. Pour les énergies renouvelables, leur potentiel de développement est important, certes, mais leur viabilité encore à démontrer. Alors qu’on voit bourgeonner les éoliennes dans nos vallées et que le développement technique de ces appareils est plutôt abouti, leur rendement reste faible et risque de détruire l’une des seules ressources matérielle de la Suisse: ses paysages et leur attractivité pour le tourisme. L’énergie solaire thermique nous sert déjà aujourd’hui pour produire de l’eau chaude dans les maisons, mais les panneaux photovoltaïques demandent encore des améliorations et leur production reste fortement émettrice de gaz à effet de serre, bien qu’ils pourraient, à terme, représenter un bon moyen de production d’électricité. Il reste peut-être la fusion nucléaire, qui viendrait « simuler » le rayonnement d’une étoile en émettant une quantité astronomique d’énergie, mais cette technique en recherche par le projet international ITER ne devrait pas être disponible avant plusieurs décennies.

Finalement, le problème majeur du nucléaire est bien qu’on ne lui trouve pas de remplaçant. La Suisse se trouve donc dans une impasse quant à sa production d’électricité. Soit les technologies pouvant se substituer au nucléaire ne sont pas assez développées, ou difficilement réalisables dans nos contrées, soit elles reprennent des désavantages comme les émissions de CO2, dont on peine déjà à se défaire aujourd’hui. Par conséquent, il est nécessaire pour la Suisse d’assurer sa production énergétique par le nucléaire en construisant de nouvelles centrales pour remplacer son parc vieillissant.

Pourtant, il faudrait voir cela comme une solution intermédiaire plutôt que la fin de nos problèmes énergétiques. Le nucléaire ne peut et ne pourra pas constituer la seule voie à suivre. Il serait trop risqué de se rendre dépendant d’un seul type majoritaire de combustible pour notre production électrique et de faire proliférer des déchets coriaces et nocifs à long terme. Le développement technologique des moyens de production doit se poursuivre et même s’intensifier pour réussir à élaborer des alternatives viables et intéressantes d’un point de vue économique et énergétique. En effet, le marché encore naissant des énergies « vertes »  ne devrait pas être ignoré par la Suisse et sa participation au projet ITER ne saurait être remise en cause. En attendant, c’est en quelque sorte un choix par défaut pour la question du nucléaire suisse.
MAG
1*Source: « Aperçu de la consommation d’énergie en Suisse au cours de l’année 2009 », OFEN, 2009
2* http://www.manicore.com/documentation/serre/sansCO2.html. chiffres de Jean-Pierre BOURDIER