Analyse

Initiative sur les armes : offense à la tradition ou protection de la vie?

Le 13 février, les Suisses donneront leur voix pour ou contre l’initiative populaire « pour la protection face à la violence des armes ». De quelle côté la balance penchera-t-elle ? Quel est le meilleur choix pour la Suisse ? Voici les principaux arguments avancés par les deux camps.

Pour les partisans de l’initiative: L’arme de service n’a plus sa place à la maison ; c’est un risque inutile. Premièrement, il y a la question du suicide : l’interdiction de posséder une arme de service chez soi permettrait d’empêcher, dans certains cas, un acte désespéré. Un autre argument est celui de la violence, en particulier domestique ; selon la logique des partisans, «  plus il y a d’armes à disposition, plus il y a de morts par armes à feu ».
L’opposition, quant à elle, dénonce: L’initiative pousse à une déresponsabilisation du citoyen suisse, ainsi qu’une nouvelle restriction de la liberté personnelle. La tradition veut que le soldat garde son arme avec lui. Le nombre de suicides ne devrait pas être affecté, puisque « une personne désirant mettre fin à sa vie a plusieurs moyens de le faire ». L’initiative pénaliserait les mauvaises personnes, à savoir, les soldats qui ont appris les règles essentielles liées à la possession d’une arme. Il faut également tenir compte des coûts liés au dépôt des armes qu’engendrerait l’interdiction. L’initiative serait donc inutile, chère et témoignerait d’un manque de confiance envers le peuple suisse.
On peut s’interroger sur la validité des arguments avancés par l’opposition. Pour commencer, cette dernière est clairement sur la défensive : ne trouvant pas d’argument recevable justifiant la possession d’une arme. Les opposants s’attaquent à l’efficacité de l’initiative, avec une vision simplificatrice des choses : « Une personne qui n’a pas d’arme à feu a d’autres manières de se suicider ». C’est un fait. Mais le fera-t-elle vraiment ? Pour Martin Killias, criminologue et professeur à l’université de Zurich, il n’y a pas de doute : « Les derniers chiffres fournis par l’Office fédéral de la statistique prouvent que le nombre de suicides par armes à feu a baissé en même temps que le nombre d’armes recensées dans nos foyers. Et ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’on n’a pas assisté dans le même temps à une hausse des autres catégories de suicides. »
Autre objection : l’interdiction de l’arme de service conduira-t-elle à une augmentation des armes illégales dans le pays ? A nouveau, Martin Killias est formel : « Le marché illégal des armes s’alimente essentiellement auprès des propriétaires qui en possèdent une légalement ! Par des vols, des cambriolages ou des ventes. » Selon lui, la corrélation entre le nombre d’armes à feu et la violence est impressionnante : « Plus il y a d’armes dans un pays, plus il y a de suicides et de meurtres de femmes. Et moins il y a d’armes, moins ces drames sont nombreux ».
Mais le suicide n’a-t-il pas atteint un seuil incompressible ? Il est permis d’en douter, puisque la Suisse détient le record européen du plus haut taux de suicides par armes à feu, selon le « Bulletin des médecins suisses ».
Que dire du point énoncé par Ueli Maurer, conseiller fédéral UDC?  selon lui « les femmes votent oui parce qu’elles ne connaissent pas les armes »
Il y a peut-être un fond de vérité : en effet, les femmes ne sont généralement pas confrontées aux armes (pas du côté de la gâchette, du moins). La peur est certainement plus grande chez elle que chez un soldat. Et si cette peur était liée aux cas, régulièrement relatés par les médias, de drames familiaux se terminant par des coups de feu ? Sans oublier la menace perpétuelle que représente une arme dans un  foyer.
Bien que l’arme de service constitue une tradition ancestrale dans notre pays, il est nécessaire de se demander si elle est encore justifiée de la garder à la maison de nos jours. Comme le dit Jacques Neirynck, professeur, écrivain et politicien, nous ne sommes plus à l’époque où il en allait de sa propre survie d’avoir une arme pour pouvoir tirer sur le cosaque par la fenêtre des toilettes. Il faut parfois savoir évoluer avec son temps.
En ce qui concerne les armes des tireurs sportifs ou les chasseurs, l’initiative ne toucherait pas.
L’initiative ne peut pas prouver son efficacité avant d’être acceptée par le peuple ; mais franchement, on pourrait penser que ça vaut le coup d’essayer. Qui sait, peut-être sauvera-t-on quelques vies ; et là, les coûts liés à l’initiative paraîtront dérisoires.
L.D.

Concerts

Öper Öpis, de Zimmermann et De Perrot

Un merveilleux monde enchanté que nous font découvrir le duo de metteurs en scène Dimitri De Perrot et Martin Zimmermann avec leur pièce Öper Öpis
Comment décrire le style de la pièce Öper Öpis (« quelqu’un quelque chose » en suisse allemand)? Peut-être que du théâtre de cirque sur fond d’éléctro serait ce qui se rapproche le plus du spectacle qui s’est joué à la Dampfzentrale mardi 18 janvier à Berne. La représentation aurait du se dérouler à Murcia en Espagne, mais suite à la faillite de l’établissement qui devait les accueillir, il s’est retrouvé dans la capitale helvétique pour notre plus grand bonheur.
Le lieu de l’action est une scène inclinée et instable, qui repose sur un pivot central, oscillant à chaque déplacement des personnages, faisant ainsi basculer l’action tout au long du spectacle. Quand au mobilier, il est très simple; quelques chaises, des briques, une table et des planches permettent aux personnages de créer des situations absurdes débordantes d’humour. Mais dans cette pièce on prendrait mêmes les acteurs pour des objets, ces derniers parviennent autant à se mouvoir avec grâce qu’à se rigidifier, se transformant en choses malléables. Un homme soulève sa partenaire et la jette parterre, cette dernière retombe en faisant le grand écart, un autre suspend un acteur par les pieds à une paroi… Tant de situations cocasses, qui nous font totalement perdre pied avec la réalité.
Mais la vue n’est pas le seul de nos sens à être sollicité, l’ouïe est également charmée.
De Perrot qui s’occupe de la musique, maitrise à la perfection son louper qui lui permet d’enregistrer des bruits dans la salle en directe. Il les arrange, y ajoutant des sons, tirés de platines, ce qui lui permet d’enrichir d’avantage sa musique qui est géniale. Avec son matériel et son expérience, il crée des rythmes prenants sur lesquels 6 personnages, des danseurs et artistes de cirque de haut niveau, 3 hommes (dont Zimmermann) et 3 femmes, des grand(e)s, petit(e)s, maigres, gros (ses) tous vêtus de couleurs différentes, bondissent, courent, dansent, et même dégringolent tout en faisant des acrobaties vraiment surprenantes.
Une pièce riche en surprise qui nous fait regretter de ne pas avoir plus d’yeux, tellement il y aurait de choses palpitantes à voir, apparition et disparition des personnages derrière des planches et même sous la scène. Une couverture se déplace toute seule. Un jeu de miroir nous donne l’illusion qu’une paire de jambes se balade sans corps, une femme empile des plots sur la bouche d’un comédien… Les rires fusent ainsi que l’émerveillement.
Avec cette œuvre nomade créée en 2008 Zimmermann et de Perrot enchaînent les tournées internationales.
L. R.