Interview

Service de l’égalité des chances de l’Université de Neuchâtel, un allié en or

Voilà maintenant plus de dix ans que le Service de l’égalité de chances s’est établi au sein de l’Université de Neuchâtel. Ce dernier, aujourd’hui présent dans toutes les
universités du pays, a pour objectif d’encourager la relève académique féminine.
Grâce à de nombreux programmes, le Service aide plusieurs dizaines de femmes par
année à trouver leurs places dans le monde académique.

Geneviève Le Fort, responsable du bureau de Neuchâtel, a ainsi vu de nombreuses femmes accéder à leur idéal en matière de vie professionnelle, à savoir un poste de professeur d’université. Avant de quitter ses fonctions pour de nouveaux horizons, cette dernière nous dresse le portrait de ce petit bureau qui a rendu la vie plus belle a bien des dames.

Geneviève Le Fort, en quoi consiste le Service de l’égalité des chances?
Le Service de l’égalité des chances de Neuchâtel fait
partie intégrante du Programme fédéral de l’Egalité des chances, lequel existe dans toutes les universités suisses. Ce programme a pour objectif de favoriser la relève académique féminine. Il faut savoir que les femmes qui exercent la
fonction de professeur au sein d’une université sont beaucoup moins nombreuses que leurs homologues masculins. Notre petit bureau de Neuchâtel, ainsi que tous les autres de Suisse, tente donc de remédier à ce déséquilibre en offrant une aide aux femmes désireuses d’entreprendre une carrière académique mais qui éprouvent des difficultés à y parvenir.

A qui précisément s’adresse le Service de légalité des chances?
Le bureau de l’égalité des chances est essentiellement
destiné aux femmes du corps intermédiaire, c’est-à-dire à celles qui qui se situent au stade du doctorat jusqu’à celui de l’obtention d’un poste de travail au sein d’une université. Nous sommes également au service des parents qui éprouvent des difficultés à concilier vie de famille et vie universitaire. Cela dit, si une jeune étudiante, ou même un jeune étudiant, en bachelor vient nous trouver, nous l’écouterons tout de même et le redirigerons ensuite vers le bureau qui pourra l’aider au mieux.

Quels sont les difficultés que rencontrent les femmes qui font appel à vous?
Il faut savoir qu’en général, la période correspondant à la
rédaction de la thèse de doctorat coïncide plus ou moins avec le moment où la femme désire stabiliser sa situation privée. Il est donc parfois difficile pour elles de concilier une vie de couple, ou parfois déjà de famille, avec des
études au stade du doctorat, lesquelles demandent beaucoup de temps et d’énergie.
Lorsque l’on veut débuter une carrière académique, il faut également pouvoir être mobile, ce qui est très difficile lorsque l’on vit avec quelqu’un. Autre point non négligeable, il est fréquent que dans un couple on favorise la carrière de l’homme, car celui-ci n’aura pas à la mettre en
attente pour des raisons de maternité et pourra donc s’y consacrer entièrement.Toutes ces raisons rendent bien souvent la perspective d’une carrière académique  difficilement envisageable pour les femmes. Il est d’ailleurs prouvé que les femmes abandonnent plus facilement leurs thèses que les hommes. Dans un autre registre, le financement de la thèse pose aussi problème à de nombreuses femmes.

En quoi consiste l’aide que vous proposez à ces femmes en difficultés?
Tout d’abord, nous disposons de plusieurs programmes de
mentoring. Ces derniers consistent à mettre en contact la personne venue demander de l’aide avec une autre plus expérimentée afin que cette dernière puisse la conseiller et l’aider à surmonter les différents obstacles rencontrés.
Nous proposons également des subventions pour celles qui ont des difficultés à financer leurs thèses. Différentes activités sont également organisées afin de faciliter la conciliation vie de famille et vie professionnelle. Dans ce domaine-là, notre offre principale est un camp pour les enfants d’une durée d’une semaine. Les enfants sont alors pris en charge toute la journée et ce
pendant cinq jours. La crèche Vanille-Fraise réserve également des places pour accueillir des enfants dont les parents poursuivent leur parcours académique à l’Université de Neuchâtel..
Mis à part ces programmes, le personnel du Service de l’égalité des chances est également à disposition simplement pour écouter et donner des conseils. Nous disposons d’ailleurs d’un large répertoire d’adresses utiles pour bien des situations.

Est-ce que les femmes sont réellement moins nombreuses que les hommes à entreprendre une carrière académique?
Oui, c’est évident. S’il est
vrai que les femmes sont aujourd’hui aussi nombreuses que les hommes à suivre un cursus universitaire tel qu’un bachelor ou un master, elles sont bien moins
nombreuses à accéder au sommet de la hiérarchie académique, c’est-à-dire aux postes de professeurs d’université. Pour l’année 2009, la moyenne nationale de femmes professeurs d’université atteignait à peine les 16,4%, ce qui est vraiment un taux très bas. Cela dit, il faut préciser que l’Université de Neuchâtel s’en sort plutôt bien puisqu’elle ne compte pas moins de 26,1% de femmes occupant de tels postes. A noter encore que les chiffres pour l’année 2010 seront probablement encore meilleurs.

Les prestations que vous proposées sont-elles payantes?
La seule de nos prestations à avoir un prix est le camp
d’une semaine pour les enfants. Pour des raisons de frais d’organisation, nous demandons 150 francs aux parents. Ce qui reste tout de même un prix dérisoire pour une telle activité. De plus, ce dernier peut être revu à la baisse pour les personnes ayant des difficultés financières.

Depuis plus de quatre ans que vous êtes en fonction au sein de ce service, avez-vous remarqué des améliorations concernant la relève académique féminine?
Oui, les
chiffres s’améliorent d’années en années. Les nombre de femmes qui parviennent à avancer dans leurs parcours académiques et qui obtiennent ainsi des postes de professeur augmente petit à petit. Le Programme fédéral s’est donné comme objectif d’arriver à une moyenne nationale de 25% de femmes professeurs en 2012, mais je pense que ce chiffre est un peu trop ambitieux et que nous n’y parviendrons pas. On va donc remettre cet objectif pour le prochain programme 2013-2016.

En ce que vous concerne, comment êtes-vous arrivée au Service de l’égalité de chances de Neuchâtel?
Tout d’abord, il faut
savoir que j’ai fait un doctorat en histoire de l’art et que je n’étais donc pas
du tout destinée à occuper un tel poste. J’ai fais mes études en Belgique et aux Etats-Unis et lorsque je suis arrivée en Suisse, je me suis aperçue qu’il n’y avait pas beaucoup de débouchés dans ce domaine. J’ai donc décidé de changer complètement d’orientation. J’ai ouvert les journaux et je suis tombée sur une annonce pour un poste au Service de l’égalité des chances de l’Université de Neuchâtel. Comme à l’époque j’étais d’une part jeune maman et que d’autre part
je connaissais très bien le monde académique et m’y sentais à l’aise, j’ai pensé que ce travail pouvait être intéressant. Je me suis donc présentée et j’ai été engagé. Je n’ai pourtant jamais été, et ne suis toujours pas, une militante féministe, mais ces questions m’interpelaient. Cela fait maintenant 4 ans et demi que je fais ce travail et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Je pense cependant avoir fait mon temps entre les murs du Service de l’égalité des chances et vais donc me tourner vers d’autres occupations. En espérant qu’on ne m’ait pas d’ores et déjà collé une étiquette de féministe sur le dos…
C.B.

Ville de Neuchâtel

Séverine Despland, chancelière d’État!

Séverine Despland est la nouvelle chancelière d’État du canton de Neuchâtel depuis le 1er novembre dernier. En effet, après que Madame Engheben a donné sa démission en août 2010, elle est apparue comme la remplaçante idéale. Il est vrai qu’après 10 ans en tant que secrétaire générale de la chancellerie d’État, elle semblait être la personne tout à fait indiquée pour reprendre ce poste, étant donné son excellente connaissance des rouages de l’administration cantonale.

Dans le cadre des 40 ans du droit de vote accordé aux femmes et en préparation de la journée de la femme, le 8 mars prochain, larticle.ch voulait connaître le point de vue d’une femme qui, on peut le dire, évolue dans un monde plutôt masculin : celui de la politique. C’est avec gentillesse que Séverine Despland nous a répondu, malgré un emploi du temps plus que chargé :

Séverine Despland, vous êtes chancelière d’État pour le canton de Neuchâtel, pourriez-vous en quelques mots nous décrire votre parcours; d’où venez-vous, quelles études avez-vous suivi?
SD : Maman d’une petite
fille de 4 ans, je suis au bénéfice d’un diplôme d’économiste d’entreprise, option marketing, de la Haute École de Gestion du canton de Neuchâtel, et d’un
diplôme postgrade HES-SO en économie publique de la Haute École de Gestion du canton de Vaud. Depuis le 1er janvier 2001, j’ai occupé la fonction de secrétaire générale de la chancellerie d’État et c’est le 1er novembre 2010 que le Conseil d’État m’a nommée chancelière d’État.

La politique est connue pour être un domaine plutôt masculin, qu’est-ce qui vous a attiré dans ce dernier; qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette carrière?
SD : En réalité, je ne me prédestinais
pas vraiment à cette carrière car je n’envisageais pas vraiment de rejoindre le secteur public au sortir de mes études. Sans doute en raison de certains
préjugés. Mais c’est finalement un premier emploi d’une année qui m’a fait découvrir et apprécier la chancellerie d’État. Certaines circonstances et le hasard de la vie m’ont fait rester dans cette entité dans laquelle je me suis énormément investie jusqu’à obtenir un poste à responsabilités en 2001, puis ma nouvelle fonction en fin d’année passée. J’ai donc appris à connaître ce milieu
et à côtoyer le monde politique de près. C’est un cadre que j’apprécie énormément et c’est sans doute pour cette raison que j’y suis fidèle.

Depuis maintenant 40 ans, les femmes ont le droit de vote en Suisse, pensez-vous qu’elles ont atteint le paroxysme de leurs possibilités en matière d’égalité ou y a-t-il encore une marge de manœuvre pour faire évoluer la situation?
SD : Il y a sans doute encore une marge de manœuvre pour
faire évoluer la situation. L’égalité entre hommes et femmes n’est pas atteinte sur de nombreux points. Même si les choses bougent, j’estime qu’il y a encore des améliorations à faire dans la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle, par exemple. Il n’est pas toujours facile pour une femme d’assurer une fonction à responsabilités et une vie familiale avec des enfants. Trop souvent encore, la femme qui fait ce choix est peu comprise. Ce n’est pas pour rien que l’on trouve une majorité d’hommes dans les postes de cadres. Sinon, on trouve encore dans les entreprises de nettes différences dans les
salaires entre hommes et femmes. Là aussi la marge de manœuvre existe.

Pensez-vous que le fait que la Suisse soit un des derniers pays européens à avoir accordé le droit de vote aux femmes, soit la marque d’un esprit réfractaire quant à leur épanouissement sur le plan professionnel?
SD : Je n’ai jamais ressenti cet esprit réfractaire
mais peut-être parce que je n’ai pas vécu cette période où des femmes se sont battues pour obtenir le droit de vote. Aujourd’hui, les choses évoluent tout de même dans le bon sens et la Suisse ne me semble pas être à la traîne. A mon
sens, il y a d’autres pays européens qui ont un esprit bien plus étroit que le nôtre au sujet de l’épanouissement des femmes sur le plan professionnel.

En tant que femme dans le domaine politique, avez-vous l’impression d’avoir dû vous battre pour occuper la place qui est la vôtre, par comparaison à un homme dans la même situation?
SD : Certainement. Quand une femme
occupe un poste à hautes responsabilités, elle doit continuellement faire ses preuves et démontrer ses capacités. On l’attend toujours au tournant.

Finalement, que pensez-vous du fait qu’il y ait, aujourd’hui, plus de femmes que d’hommes au Conseil Fédéral, est-ce significatif ou symbolique?
SD : C’est certainement un événement historique pour la
Suisse quand on a à l’esprit que les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1971. Pour ma part, je ne me focalise pas tant sur le fait que ce soient des femmes. Si elles ont été élues, c’est en raison de leurs qualités et de leurs
compétences. C’est pour moi primordial de penser avant tout à ces éléments avant de se dire qu’elles ont été choisies pour obtenir une certaine parité.
AST