Interview

Lynn Béguelin, une styliste de chez nous

Lynn Béguelin, c’est le visage caché derrière Modulesk Couture. Elle nous reçoit dans son atelier de Monthey, un lieu chaleureux où des merveilles se cachent dans tous les recoins. Des t-shirts de sa nouvelle collection à la crème de vinaigre artisanale en passant par la calculatrice façon plaque de chocolat et un amas bijoux : il y a de quoi satisfaire chacun dans cette caverne d’Alibaba.
Interview d’une styliste remplie d’humour.
Pouvez-vous commencer par nous parler brièvement de votre parcours, plus précisément de vos études ?
Après l’école obligatoire, j’ai commencé l’Ecole du Degré Diplôme en Valais, aujourd’hui appelée Ecole de Culture Générale. Au bout de la troisième année, je me suis rendue compte que le papier fourni par l’école me permettait uniquement d’intégrer une autre et non de travailler. C’est pour ça que j’ai décidé d’arrêter et que j’ai commencé une formation d’employée de commerce. Après l’obtention de mon CFC, ma roue de secours, j’ai entrepris ma formation de styliste, modéliste, couturière à l’école Laura L de Lausanne.
A quand remonte votre envie de travailler dans la mode ?
A l’âge d’environ 13-14 ans, quand on entre dans la période d’adolescence et qu’on se rend compte qu’on n’est pas tellement comme les autres (rires). Je voyais toutes les filles qui s’habillaient tout joli, qui allaient chez H&M, qui trouvaient plein de trucs chouettes à mettre et moi qui étais un peu trop ronde pour rentrer dans ces trucs-là…Mais tu voudrais quand même leur ressembler et tu dis qu’il y a une injustice dans le monde (rires) alors t’essaies de trouver la solution. Du coup, je me suis dit que ce serait une bonne chose de faire ça pour moi et pour toutes les filles dans ma situation. C’est plus un développement personnel, je le fais pour moi avant de le faire pour les autres et surtout pas pour le luxe et le « m’as-tu vu ». Je le fais vraiment pour faire ce que j’aime, c’est authentique, ce n’est pas comme le métier le veut : les paillettes et tout le synthétique qu’il y a là autour.
A votre avis, est-ce que Suisse et mode font bon ménage ?
A fond ! Il y a beaucoup à faire en Suisse. Si tu vas à Paris, à Londres, tu te rends compte que le marché est déjà saturé et que les gens se marchent les uns sur les autres sans réussir à bien se démarquer. Il y a plein de jeunes créateurs qui essaient de percer en Suisse. Laboratoire, Van Bery SwissLaundry et tous les autres, qui ont aussi commencé ici, croient en leur pays et essaient de rester là et de développer quelque chose. Et ça marche ! C’est pour ça que je pense que j’ai ma place ici.
En 2009, vous avez créé la marque Modulesk Couture. Quelles étaient  les étapes pour en arriver là ?
Il faut, beaucoup de persévérance, de courage, de vitamines (rires) et d’amis qui sont, si possible, dans le domaine artistique aussi, que ce soit la photographie, le maquillage, le graphisme, la coiffure. Il faut aussi, bien évidemment, avoir un travail à côté pour commencer parce que c’est beaucoup d’investissement personnel et financier. Financier parce qu’au début il faut faire un logo, des cartes de visites, se faire un stock, acheter les tissus, du matériel comme une machine à coudre, une presse, un fer à repasser. Personnel parce que t’as un autre travail à côté et qu’il ne faut pas compter les heures que tu passes à créer les vêtements. Il faut vraiment être passionné, c’est plus que du 100%. Après il faut faire des défilés, faire parler de soi, ne pas se décourager parce que la notoriété ne vient pas tout de suite.
Evidement, on peut faire à moin de tout ça, si on est issu d’une famille extrêmement riche.
Quelles sont vos inspirations ?
Il est toujours difficile de répondre à ce genre de question ! En fait, c’est un détournement de concret, c’est un peu  bizarre non ? (rires) J’aime bien parler des choses de tous les jours : de la famille, des amis mais quand je dis parler, je veux dire parler à travers les vêtements.
Ma première collection, je l’ai faite en pensant à ma grand-mère, aux choses que je ressentais quand j’étais petite par rapport à elle. J’ai fait une robe avec des motifs de glaces, par exemple, parce que, quand j’étais chez elle, j’en mangeais beaucoup. Je prends des choses concrètes que je détourne à ma manière par rapport à ce que je ressens. C’est quelque chose de très personnel. Une de mes collections a pour thème l’école. Je me suis souvenue, par exemple, de mes périodes de math, de toutes les formes géométriques que j’avais vues et que je n’aimais pas trop ça. Alors, j’ai fait une coupe plus sévère, un peu autoritaire sur les vêtements. J’essaie de transmettre les choses que je ressens dans les vêtements pour ne pas perdre tous mes souvenirs. En fait, c’est comme une thérapie, je n’ai pas besoin de payer un psy ! (rires) Le fait de créer te fait ressortir plein de choses
Quelle est la tenue la plus excentrique que vous ayez créé jusqu’à présent ? A quelle occasion ? Excentrique ?
Je pense que c’est la robe des marshmallow pour la collection Cocolettement Vôtre ! C’est un ensemble de pièces composé d’une jupe courte et volumineuse avec des superpositions de tulles oranges et bleues qui font penser à un gros marshmallow, d’un chemisier à col claudine muni d’un capuchon en crinoline qui rappelle la capote à soufflets d’une vieille poussette. Une fois remonté, le capuchon donne l’impression d’un cadre qui fait comme si la personne se trouve sur une photo de famille. Il y a aussi une ceinture transparente avec un zip et des bonbons à l’intérieur qui va avec la robe.
La plus excentrique que vous ayez porté ?
Est-ce que carnaval ça compte ? (rires) Je me suis fait une tenue entière avec des bisounours. J’avais un polo noir, une jupe à la taille avec des superpositions de tulles de couleurs pastel et des petites peluches bisounours dessus.
Et la plus excentrique que vous aimeriez porter ?
J’aimerai beaucoup porter la robe à bulles de Lady Gaga, c’est un rêve ! (rires)
Votre atelier et la boutique Baboune, où vous vendez vos pièces, se trouvent à Monthey. Comment définiriez-vous l’ambiance qui y règne ?
Je pense que c’est un espace un peu intemporel. Quand tu entres dans la boutique, tu arrives dans un espace un peu cosy, kitsch, coloré avec en même temps une ambiance baroque et décalé du coup. Ensuite, il y a un petit salon, qui fait un peu plus penser à l’ambiance qu’on pourrait retrouver chez une grand-mère. Pour finir, il y a mon atelier où règne plus une ambiance de travail, de recherche, d’expérience, un peu comme dans un labo. C’est là que je cherche de nouvelles idées, c’est pour ça qu’il y a des choses plein les murs. Mais s’il faut parler de déco, je qualifierai l’endroit d’acidulé !
Sur quoi est-ce que vous travaillez en ce moment ?
Sur ma collection printemps-été 2011. Je fais aussi beaucoup de retouches, de costumes pour carnaval et j’ai des demandes pour des robes sur mesure.
Pouvez-vous nous parler de votre prochaine collection ?
C’est sur la superette. Je vais faire une première partie de prêt-à-porter, autant pour les filles de tailles standards que pour les rondes. La deuxième partie sera plus originale avec des modèles basés sur le thème de la récupération, plus pour le côté spectacle du défilé. J’aime bien pouvoir garder cet esprit d’expérience, je vais faire une robe entièrement avec des pots de yogourts vides.
Et pour finir sur un conseil de styliste : selon vous quel est le vêtement et quel est l’accessoire que toute femme devrait avoir dans son armoire ?
La petite robe noire, forcément, et la ceinture à nœud. Toutes les filles devraient avoir une ceinture avec un nœud ! (rires) Tu peux la mettre sur un t-shirt XXL, sur un short taille haute avec un marcel et sur la petite robe noire ! Donc oui, la ceinture à nœud, en plus des chaussures et le sac à main comme accessoires, c’est élémentaire mon cher Watson.
M.R.
« Et pour les plus curieux d’entre vous : http://www.modulesk.ch/ »

 

 

 

Commerce

M comme moins cher!

Créé en 1925 par Gottlieb Duttweiler sous la forme d’une Société Anonyme, la Migros voulait alors proposer aux consommateurs des produits de première nécessité, au prix de gros, en supprimant les intermédiaires. Par la suite, plusieurs magasins fixes furent ouverts sous la forme de coopérative. Ce n’est cependant que le 15 mars 1948 que le premier magasin libre-service de Suisse vit le jour à Zürich. Encore une brillante idée de Duttweiler, s’étant inspiré du modèle Américain.
À partir de là, la machine Migros sera lancée et l’entreprise ne cessera de grandir. Après la création de stations essence, des restaurants, la fondation des écoles-clubs, le rachat de plusieurs autres groupes comme Globus et Denner, ainsi que la fondation d’une Fédération des coopératives Migros, le Géant Orange s’impose aujourd’hui comme la plus grande entreprise de distribution de Suisse.
On comprend donc qu’au fondement même de la coopérative, se trouvait une volonté de proposer des produits du quotidien à des prix largement inférieurs à la moyenne. Mais qu’est-il advenu du principe de base ayant poussé son fondateur à créer la Migros? Sa politique de prix est-elle toujours fidèle au Leitmotiv de ses débuts? Tels sont les points que Larticle.ch a voulu éclaircir avec le directeur de la région Neuchâtel-Fribourg.
Né à La-Chaux-de-Fonds, Fabrice Zumbrunnen a suivi des études en Science économique et sociale à l’Université de Neuchâtel. Bien qu’il ne se soit jamais imaginé faire carrière, il est depuis 2005, Directeur régional à la Migros. Malgré cela, c’est en tant que gérant au sein de la Coop qu’il commença à faire ses armes, un hasard non calculé. Par la suite, il travailla quelques temps dans le domaine médical, pour finalement revenir dans le monde de la distribution, en occupant plusieurs postes chez le Numéro 1 Suisse du domaine.
Bien qu’il ait sans doute un emploi du temps très chargé, c’est avec sympathie qu’il a accepté de répondre à nos questions, afin de faire le point sur la politique de prix exercée par la Migros. Petit compte rendu de notre entretien :
Monsieur Zumbrunnen, en tant qu’ancien Chef du département marketing de la Migros, pouvez-vous nous dire d’où vient l’idée du lutin qui fait faire les économies? Ainsi que l’esprit ludique que l’on retrouve dans toutes vos publicités?
M.Z.: Migros essai d’avoir une publicité un peu décalée. C’est un peu notre marque de fabrique. Il faut dire qu’on a cette image de grande entreprise et on aime bien jouer avec cette image par différents personnages ou par un encrage dans la vie quotidienne. Communiquer sur le prix est quelque-chose de fondamentalement ennuyeux. Il nous est donc venu l’idée de travailler avec un personnage. A la base il fallait avoir un élément décalé avec un personnage qui ne soit par réel et qui ait ce côté un peu dérangeant, qui vient remettre l’esprit des managers à l’ordre.
Depuis décembre 2010, vous annoncez une baisse de prix durable sur 2’247 produits, est-ce une volonté de répondre à un besoin des consommateurs? Ou est-ce que c’est un projet de longue date qui attendait de pouvoir se réaliser?
M.Z.: Migros a toujours eu dans ses principes d’avoir le meilleur rapport qualité/prix possible. Il se trouve qu’avec la modification du paysage concurrentiel, le rapport qualité/prix s’est transformé en une quasi obsession pour le prix. Parallèlement, nous sommes la dernière entreprise du commerce de détail au monde, à abandonner l’étiquetage des prix sur les produits et ceci amène des économies qui, pour une entreprise comme la nôtre, se chiffrent en millions et en dizaine de millions. On avait fait une promesse à nos clients, à savoir que le jour où on abandonnerai cela, on leur redistribuerai les gains, d’où cette campagne de prix qui coïncide. Il y avait donc une volonté de dire qu’on tenait nos promesses.
Est-ce que dans les 2’247 produits annoncés il y a des produits dont le prix baisse chaque année? Ou est-ce que ces diminutions là ne sont pas prises en compte?
M.Z.: D’une manière générale, nos prix ont chaque année baissé. Cela peut être lié à plusieurs éléments dont : les conditions d’achat, la concurrence qu’il peut y avoir entre les fournisseurs, à la force du franc suisse et notamment à une amélioration de la productivité à tous les étages. Toutes les entreprises : fournisseurs, logistiques ainsi que nos magasins, améliorent leur productivité pour proposer des prix plus bas. Dans le budget des ménages, les dépenses alimentaires comptent largement pour moins de 10% , ce qui place la Suisse dans le peloton de tête des pays pour lesquels la nourriture n’est pas un problème. Maintenant, quasiment tous les articles, sur une durée de 5 ans – ces 2’247, mais aussi les autres – ont certainement baissé.
Monsieur Hauser [1] a déclaré que la répercussion de la baisse des coûts de production (dans le cas de produit M-budget) ne pouvait pas s’effectuer sur chaque  produit, mais qu’un choix avait été opéré parmi ces derniers, pouvez-vous nous expliquer de quel manière vous choisissez dans de tels cas?
M.Z.: On ne fait pas les choses de manière linéaire. Prenons un exemple avec le chocolat : si vous baissez vos coûts de production du chocolat et que vous vous rendez compte que vous pourriez baisser linéairement de 2% le prix de vos produits, plutôt que de baisser de 2% sur toute la gamme, on va essayer de se concentrer sur les produits qui ont l’impact le plus grand sur les consommateurs. Après, il y a aussi ce que fait la concurrence ; s’il y a une guerre des prix dans le chocolat noir, si c’était l’article de bataille, on serait certainement beaucoup plus axés là-dessus.
On a pu remarquer que la Coop avait baissé plusieurs de ses prix, alors est-ce que ces réactions ne sont pas aussi le résultat de la présence de hard discounter comme Aldi et Lidl qui s’imposent de plus en plus?
M.Z.: Oui et non. Oui, dans le sens que la sensibilité-prix a augmenté de manière indéniable. Ce n’est pas que depuis l’arrivée des hard discounter. Depuis un certain nombre d’années  et pas que dans la distribution, il y a un esprit du temps qui fait que le prix devient un facteur très important. Derrière ces baisses de prix chez les deux principaux distributeurs, il y a davantage qu’une réaction face aux hard discounter, une guerre entre ces deux distributeurs. Parce qu’aujourd’hui, les hard discounter ont peut-être de l’ordre de 2% de part de marché, on ne peut donc pas parler d’éléments significatifs. Lorsque l’on compare les prix qu’ils pratiquent en Suisse, avec ceux que les mêmes enseignes pratiquent à l’étranger, on se rend compte qu’il y a environ 30% d’écart de prix, parce que nous avons un protectionnisme des marchés agricoles qui est énorme et qu’ils doivent travailler avec les mêmes conditions cadre que nous. C’est pour cette raison qu’ils n’arrivent pas à creuser l’écart en matière de prix par rapport à Migros ou Coop, réalité que beaucoup ont de la peine à admettre.
Finalement, en exclusivité pour Larticle.ch, est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur le prochain grand événement prévu par la Migros?
M.Z.: (rire) Je ne divulgue jamais rien car on essaie de donner les exclusivités à nos clients. Ce que je peux vous dire, c’est que Migros continue de travailler sur les différents axes qui ont toujours été les siens. La campagne de prix est principalement lié à un événement (ndlr : l’abandon de l’étiquetage des prix sur les produits). Pour Migros, le fait d’être le meilleur marché et d’offrir le meilleur rapport qualité/prix fait partie de sa raison d’être, de son ADN, donc pour nous c’est une sorte d’obligation permanente. Parallèlement, on continue de travailler sur tous les autres thèmes qui nous sont chers comme le développement durable, le fait d’offrir de nombreux articles, le fait d’avoir des conditions de production sociale exemplaires et le fait de continuer d’investir dans la culture et dans la société en général.
AST
1. Président de l’administration de la Fédération des coopératives Migros.