Conte

Femmes

Longue bataille que celle d’affirmer l’égalité. Elle n’est pas féministe mais
moderne. Elle cerne mieux que personne le cours de la bourse. Elle court souvent
aux trousses de ses deux enfants, regrettant parfois une présence masculine à la
maison, mais cette absence, bien que pesante, ne hante pas ses journées.

Aujourd’hui sa maman, grand-maman, garde les enfants à la maison. À noël,
elle a offert une cuisine en bois à sa petite fille et son petit garçon a reçu
un nouveau jeu vidéo. En tant que mère elle n’a pas vraiment apprécié ces
cadeaux, surtout celui de sa fille, car grand-maman trouve important qu’une
femme s’occupe du ménage, peut-être un peu trop. Elle est un peu « vieux jeu »,
de l’ancienne génération.

Le dynamisme de cette femme des finances est impressionnant ! Elle élève
seule sa fille, 2 ans, à l’orée de la vie, et puis son fils, 15 ans, à l’aube
des envies. Deux mariages mais aucun mot pour définir la lâcheté masculine. De
l’insuline en trop peut-être, de la haine certes, de l’énergie, et pourtant tant
de temps pourri par le déni.

Une première relation, un homme, la cinquantaine, garant de maturité, mais
surtout garantissant l’infidélité, 4 fois, 4 fois qu’il est allé voir ailleurs
alors que son fils l’attendait au bord du terrain de football. Séparation,
dépression, pressions nouvelles ; élever seule un enfant.

La seconde relation, 10 ans, un rêve mais cette voiture dans la nuit, sous la
pluie, mort sur le coup, violemment. Comment expliquer cette disparition
soudaine à ses deux enfants ? Elle pense parfois se marier une troisième fois,
dans les heures noires, quand tout semble dégoutant. Mais alors elle regarde sur
le bureau, ses deux anges, les ailes déployées dans un cadre.

Un passé foisonnant d’activités, 45 ans déjà, elle ne doute plus, malgré
quelques larmes parfois, elle sait, silencieusement, doucement que ses enfants
ne vivront pas ces épreuves. Alors depuis, elle se bat pour plus d’égalité, par
foi en l’humanité, par envie de liberté. Elle vote souvent. Parfois même au
sommet de son gratte-ciel, le ciel gratte des sommes considérables d’argent ;
des responsabilités.

Insouciante, informée, curieuse, mère, séduisante, blessée, endurcie,
convaincue, amoureuse parfois, toujours heureuse de voir ses enfants vivre,
rencontrer, aimer. Elle travaille pour vivre, cumule les responsabilités, mais
sans cesse ces regards douteux de collègues masculins. Elle n’en souffre plus
mais ne les comprend pas.

Elle repense souvent aux coups bas qu’elle a fait. Sensible mais cartésienne
et donc capable de se dépasser, de se surmonter, de froidement décider. Elle
oublie parfois les blessures qu’elle a ouverte, conquérante, saine ; elle se bat
au quotidien. Mais elle vit de sensibilité.

Ainsi, la lueur dans l’œil, le reflet des rayons discrets sur les murs des
buildings, la City comme terrain de jeu, sa fille, psychologue, dont le mari
travaille à l’ambassade Suisse. Son fils, chef d’entreprise aux États-Unis.

La fierté d’une mère ; bâtisseuse, bosseuse, battante. Elle se bat toujours
pour l’égalité indispensable. C’est un choix de vie, une nécessité
peut-être…
AW

Édito

Femme, où vas-tu ?

Viviana von Allmen
Depuis des siècles les femmes se battent pour avoir leur place dans la société : droit de vote, droit d’ouvrir un compte sans l’autorisation de son mari, droit de travailler, de choisir le moment de sa grossesse, droit à l’éducation, de participer à l’organisation de la société, etc., même si les féministes ont pour image des femmes extrémistes et haïssant le mâle, il faut dire qu’elles ont quand même fait avancer les choses.
1789 – France : 5 octobre 1789 Marche des femmes de Paris à Versailles
1860 – Royaume-Uni : les suffragettes britanniques mènent un combat d’envergure pour
obtenir le droit de vote.
1864 – Belgique : ouverture par Isabelle Gatti de Gamond  de son Cours d’Éducation  pour les jeunes filles
1865 – 1870 – Suisse : les universités suisses de Zurich, puis de Berne sont les premières à
s’ouvrir aux femmes. Des filles viennent de toute l’Europe pour y étudier.
1900 – Égypte : les filles accèdent à l’école secondaire.
1902 – Australie : les Australiennes peuvent désormais voter.
1903 – France : Marie Curie reçoit le prix Nobel de physique pour la découverte de la radioactivité. C’est le premier prix Nobel (créé en 1900) décerné à une femme.
1906 – Finlande : les Finlandaises obtiennent le droit de vote et d’éligibilité.
1909 – Grande manifestation à Paris pour le droit de vote des femmes.
1920 – États-Unis : Droit de vote à l’échelon fédéral, pour les femmes.
1948 – ONU : La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme reconnait la pleine égalité entre hommes et femmes.
1960 – Italie : Loi sur l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes
1971 – Suisse : Les Suissesses peuvent désormais voter au niveau fédéral
1979 – France : 50000 femmes manifestent à Paris pour obtenir le droit à l’avortement.
1981 – Suisse : L’égalité entre hommes et femmes est inscrite dans la constitution.
2000 – International : Marche mondiale des Femmes contre la pauvreté et la violence faite aux femmes
Tous ces résultats font du vécu des femmes des expériences douloureuses par rapport à celle des hommes.

Aujourd’hui, chaque lutte, chaque mouvement, chaque grève, semble redécouvrir des frustrations. Le problème de la prise de parole, du partage des tâches, du rapport à la vie privée, et de la prise en compte de la spécificité de la situation des femmes…
À quand une continuité de cette histoire, politique et historique? Que font les révolutionnaires? La société sans classe de genre n’est pas pour demain, le combat contre le patriarcat doit donc se
construire dans la durée. Les explications sont nombreuses…
Mais, après ces luttes, qu’ont-elles gagné ?
Sur le  plan social, économique et politique on retrouve aujourd’hui des femmes hautement qualifiées, actives et autonomes. 80% d’entre elles travaillent, mais les inégalités salariales
demeurent, une femme peut gagner jusqu’à 30% de moins qu’un homme sur le même poste.
Il faut noter que l’entrée des femmes sur le marché du travail a entraîné un nouveau partage des tâches domestiques (particulièrement lorsque la femmes et l’homme travaillent en contre-équipe) mais n’a pas entraîné une remise en question de l’attribution des rôles traditionnels spécifiques aux hommes et spécifiques aux femmes ce qui nous permet de dire que dans la plupart des cas
les hommes « aident » leur femme mais sans prendre en charge la gestion quotidienne des responsabilités domestiques, familiales et conjugales.
Malgré l’émancipation formidable des femmes, elles subissent donc une double exploitation: dans leur travail domestique qui n’est pas rémunéré et qui est donc dévalorisé et dans leur travail salarié puisque leur salaire est toujours considéré comme un salaire d’appoint.
Le combat des femmes n’est donc toujours pas arrivé à son terme.
Mais, alors, Femme, où vas-tu ?