Eclairage

L’horreur : un phénomène banalisé ?

En novembre 1960, le meurtre de Marion Crane dans sa douche terrorise des salles entières de cinéma. Cette fameuse scène du film Psychose d’Alfred Hitchcock, reprise et plagiée de nombreuses fois a donné un coup de fouet au cinéma de l’horreur. Plus tard, en 1973, L’Exorciste fait encore mieux : certains pleurent, d’autres s’évanouissent, des ambulances sont présentent à la sortie des cinémas. Certains films d’horreur ont donc eu un grand impact à l’époque et nous sont encore connus comme étant terrifiant. Aujourd’hui, beaucoup regardent le film d’Hitchcock sans peur tandis que d’autres se plongent dans le monde de L’Exorciste seuls, chez eux dans le noir sans en sortir traumatisés plus d’une semaine. Le fait que peu de films d’horreur
d’aujourd’hui, et surtout les anciens, nous fassent ressentir une peur viscérale comme ce fut le cas auparavant dénote donc un certain changement : Sommes-nous moins réceptifs à la peur ou a-t-elle disparu des films du genre ? Pourquoi rigolons nous ou ennuyions nous devant un «vieux» film d’horreur ?

Une des réponses se trouve dans l’évolution des effets spéciaux : initiés dans les années 20 par Georges Méliès, on retient surtout la performance de King Kong en 1933 utilisant le stop-motion (qui permet d’obtenir un mouvement à partir d’objet immobiles). Mais de King Kong aux films d’aujourd’hui, les effets spéciaux, notamment les effets assistés par ordinateur, permettent aujourd’hui de créer techniquement ce que l’on veut à l’écran. Aujourd’hui, la création de monstres et d’effets sanguinolents n’est un problème pour personne.

Ces avancées techniques permettent aussi le fait que là où le monstre (humain ou non) et le meurtre étaient suggérés, ils sont aujourd’hui montrés sous tous leurs angles. Si une chose est importante dans le processus de la peur qu’utilisaient les anciens films d’horreur, c’est l’imagination, le méconnu et l’incompréhensible. La suggestion permet ainsi au spectateur de faire appel à son imagination et d’aller plus loin que ce que le film pourrait montrer, lui instillant ainsi une peur qui lui est propre, une vision du meurtre qu’il s’imagine lui-même et un monstre qui le terrorise. Cependant, après avoir vu le corps entier du monstre (pensons à Alien par exemple) et ce que peut faire une tronçonneuse, une faucille, un couteau, une hache etc. au corps humain, lorsque le spectateur regarde le film qui lui suggère une scène, celui-ci s’arrête sur cette vision qu’il a déjà vue dans d’autres films plus récents (d’horreur ou d’autres genres).

Il est aussi possible que l’évolution du genre lui-même soit responsable de cette désensibilisation : les anciens films d’horreur jouaient plus sur la tension, l’atmosphère, alors qu’aujourd’hui les films se concentrent plus sur le côté anatomique. De plus, le nombre de films d’horreur existant aujourd’hui n’est en rien comparable à ceux d’hier : on se trouve donc dans une situation où le scénario est souvent déjà-vu. La preuve est faite par les catégories de films
d’horreur : Le Slasher met en scène les meurtres d’un tueur psychopathe (généralement à l’arme blanche), le Rape and Revenge, initié par La dernière maison sur la gauche de Wes Craven, montre une femme subir des violences sexuelles et sa vengeance sur ses bourreaux, le Survival (Massacre à la Tronçonneuse, Haute Tension, REC) est un genre où l’unique but est de tenter de
survivre par la fuite. Ainsi, le fait de voir aujourd’hui un vieux film du genre, dont le scénario a été reproduit maintes et maintes fois ne produit plus aucune réelle attente, tension et surprise sur le spectateur.

Mais si les anciens films du genre ne montraient pas autant de violence, de scènes crues, cela était dû premièrement a une technique qui n’existait pas encore (effets spéciaux) mais aussi à cause de la censure : si la violence a augmenté dans les films du genre, c’est aussi dû à un changement de nos mentalités, de notre perception de la violence, de la peur qui a donc repoussé
petit à petit ce qui était censuré (typiquement, les scènes de nu). Par les médias, nous sommes peut-être plus confrontés à la violence qu’il y a 50 ans : il n’est pas rare de voir des images violentes à la Télévision et sur Internet, dans le monde qui nous entoure. Le fait d’entendre parler de toute cette violence dans les médias nous y habitue. En revanche, voire de vraies scènes de
violence est rare, ce à quoi les films d’horreur d’aujourd’hui répondent en montrant de la violence extrême, à l’état brut. La violence n’était pas aussi banalisée qu’aujourd’hui, ce qui explique en partie pourquoi les personnes d’il y a 50 ans y étaient plus sensibles. On peut aussi noter ce changement au travers de la catégorisation du genre même de l’horreur : Si King Kong (1933) et
Gozilla (1954), par exemple, étaient auparavant catégorisés comme films d’horreur, ils appartiennent aujourd’hui à la science-fiction.

Ainsi, le monde du film d’horreur a bien changé en 50 ans, caractérisé par les inventions techniques du monde du cinéma mais aussi par une violence accrue. Bien moins imaginaire
qu’auparavant, elle témoigne non seulement de l’évolution
du genre, mais aussi d’une évolution de nos mentalités : une censure bien moins présente, puisque beaucoup regardent des films d’horreur de plus en plus jeunes, une banalisation de la violence, demandant donc toujours plus aux films d’horreur pour nous faire peur. Au vu de ces changements en 50 ans, on peut se
demander jusqu’où iront les films d’horreur pour satisfaire un public de moins en moins sensible à la violence?
G.T.

Eclairage

Mademoiselle boxe également

Aux Jeux olympiques de Londres, l’année prochaine, la boxe se conjuguera au féminin pour la première fois. En Suisse, elles commencent à être de plus en plus nombreuses à revêtir les gants.

Si cet art est très réputé chez les hommes, il peine encore à écrire ses lettres de noblesse du côté féminin. Ainsi, jusqu’aux derniers Jeux de Pékin, la boxe n’était olympique que pour un sexe. Mais cette période est révolue, car dès 2012 à Londres, les femmes auront également droit à la parole. Le CIO (comité olympique international) a en effet adoubé la boxe féminine, qui deviendra ainsi olympique pour la première fois l’année prochaine.

Une partie du grand public a été familiarisé avec le milieu de la boxe féminine à l’occasion du chef d’œuvre de Clint Eastwood Million Dollar Baby, qui a cartonné en 2005. La force de ce film réside sans doute dans son accessibilité pour le novice du noble art. Il retrace le parcours d’une jeune
boxeuse attachante qui rompt avec le stéréotype de la déménageuse rustre que certains imaginent encore aujourd’hui. Cette œuvre d’Eastwood a contribué à populariser la boxe féminine qui progresse lentement mais sûrement, notamment en Suisse.

Dans notre pays, en proportion, nous pouvons compter 15% de boxeuses pour 85% de boxeurs. Seule une cinquantaine de femmes pratiquent ce sport, dont un tiers pour la Suisse romande. Les femmes sont davantage protégées que leurs homologues masculins. En effet, les boxeuses portent obligatoirement un casque ainsi que des coques au niveau de la poitrine. En amateur, un match féminin dure trois rounds de deux minutes.

Cependant, le territoire national ne regorge pas de talents. Pour disputer des matchs de haut niveau, les boxeuses sont obligées de s’exiler. Cela coûte très cher pour de jeunes femmes qui ne vivent pas de leur passion. Cette réalité contraste avec le quotidien de Laila Ali, tête de proue de la boxe féminine. Fille du légendaire Mohamed Ali, la belle représente à elle seule son sport sur le territoire américain. Elle allie charme et efficacité pour un cocktail explosif qui rend friands les médias et le public.

La réputation de la jeune femme est unique, et la Suisse se cherche encore un porte-drapeau digne d’incarner le noble art. Solange Bocquet, sociétaire du BC Châtel-Saint-Denis est passée professionnelle depuis une année. Cette dernière ambitionne d’ailleurs de se qualifier pour les Jeux olympiques de Londres l’an prochain et semble avoir les épaules pour assumer ce rôle de leader de la délégation helvétique. Et ça tombe bien, car la jeune femme rêve éperdument d’écrire l’histoire de la boxe féminine en Suisse.
JCO