Ville de Neuchâtel

Séverine Despland, chancelière d’État!

Séverine Despland est la nouvelle chancelière d’État du canton de Neuchâtel depuis le 1er novembre dernier. En effet, après que Madame Engheben a donné sa démission en août 2010, elle est apparue comme la remplaçante idéale. Il est vrai qu’après 10 ans en tant que secrétaire générale de la chancellerie d’État, elle semblait être la personne tout à fait indiquée pour reprendre ce poste, étant donné son excellente connaissance des rouages de l’administration cantonale.

Dans le cadre des 40 ans du droit de vote accordé aux femmes et en préparation de la journée de la femme, le 8 mars prochain, larticle.ch voulait connaître le point de vue d’une femme qui, on peut le dire, évolue dans un monde plutôt masculin : celui de la politique. C’est avec gentillesse que Séverine Despland nous a répondu, malgré un emploi du temps plus que chargé :

Séverine Despland, vous êtes chancelière d’État pour le canton de Neuchâtel, pourriez-vous en quelques mots nous décrire votre parcours; d’où venez-vous, quelles études avez-vous suivi?
SD : Maman d’une petite
fille de 4 ans, je suis au bénéfice d’un diplôme d’économiste d’entreprise, option marketing, de la Haute École de Gestion du canton de Neuchâtel, et d’un
diplôme postgrade HES-SO en économie publique de la Haute École de Gestion du canton de Vaud. Depuis le 1er janvier 2001, j’ai occupé la fonction de secrétaire générale de la chancellerie d’État et c’est le 1er novembre 2010 que le Conseil d’État m’a nommée chancelière d’État.

La politique est connue pour être un domaine plutôt masculin, qu’est-ce qui vous a attiré dans ce dernier; qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette carrière?
SD : En réalité, je ne me prédestinais
pas vraiment à cette carrière car je n’envisageais pas vraiment de rejoindre le secteur public au sortir de mes études. Sans doute en raison de certains
préjugés. Mais c’est finalement un premier emploi d’une année qui m’a fait découvrir et apprécier la chancellerie d’État. Certaines circonstances et le hasard de la vie m’ont fait rester dans cette entité dans laquelle je me suis énormément investie jusqu’à obtenir un poste à responsabilités en 2001, puis ma nouvelle fonction en fin d’année passée. J’ai donc appris à connaître ce milieu
et à côtoyer le monde politique de près. C’est un cadre que j’apprécie énormément et c’est sans doute pour cette raison que j’y suis fidèle.

Depuis maintenant 40 ans, les femmes ont le droit de vote en Suisse, pensez-vous qu’elles ont atteint le paroxysme de leurs possibilités en matière d’égalité ou y a-t-il encore une marge de manœuvre pour faire évoluer la situation?
SD : Il y a sans doute encore une marge de manœuvre pour
faire évoluer la situation. L’égalité entre hommes et femmes n’est pas atteinte sur de nombreux points. Même si les choses bougent, j’estime qu’il y a encore des améliorations à faire dans la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle, par exemple. Il n’est pas toujours facile pour une femme d’assurer une fonction à responsabilités et une vie familiale avec des enfants. Trop souvent encore, la femme qui fait ce choix est peu comprise. Ce n’est pas pour rien que l’on trouve une majorité d’hommes dans les postes de cadres. Sinon, on trouve encore dans les entreprises de nettes différences dans les
salaires entre hommes et femmes. Là aussi la marge de manœuvre existe.

Pensez-vous que le fait que la Suisse soit un des derniers pays européens à avoir accordé le droit de vote aux femmes, soit la marque d’un esprit réfractaire quant à leur épanouissement sur le plan professionnel?
SD : Je n’ai jamais ressenti cet esprit réfractaire
mais peut-être parce que je n’ai pas vécu cette période où des femmes se sont battues pour obtenir le droit de vote. Aujourd’hui, les choses évoluent tout de même dans le bon sens et la Suisse ne me semble pas être à la traîne. A mon
sens, il y a d’autres pays européens qui ont un esprit bien plus étroit que le nôtre au sujet de l’épanouissement des femmes sur le plan professionnel.

En tant que femme dans le domaine politique, avez-vous l’impression d’avoir dû vous battre pour occuper la place qui est la vôtre, par comparaison à un homme dans la même situation?
SD : Certainement. Quand une femme
occupe un poste à hautes responsabilités, elle doit continuellement faire ses preuves et démontrer ses capacités. On l’attend toujours au tournant.

Finalement, que pensez-vous du fait qu’il y ait, aujourd’hui, plus de femmes que d’hommes au Conseil Fédéral, est-ce significatif ou symbolique?
SD : C’est certainement un événement historique pour la
Suisse quand on a à l’esprit que les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1971. Pour ma part, je ne me focalise pas tant sur le fait que ce soient des femmes. Si elles ont été élues, c’est en raison de leurs qualités et de leurs
compétences. C’est pour moi primordial de penser avant tout à ces éléments avant de se dire qu’elles ont été choisies pour obtenir une certaine parité.
AST

Bresil

NOUS N’AVONS PAS D’ARGENT ? ALORS CRÉONS-LE !

Dans le Nordeste du Brésil, une petite favela décide de lutter contre la pauvreté en créant sa propre monnaie, le palmas. Grâce au développement d’un organisme de microcrédit soutenu par un réseau de solidarité au sein du quartier, cette population est aujourd’hui passée de la précarité à la croissance… Un modèle de réussite laissant pantois les plus grands économistes !

Lorsque dans les années 70 cent mille personnes sont reléguées dans une petite favela du Nordeste du Brésil pour laisser place à de somptueux complexes hôteliers en centre-ville, on ne donnait pas cher de leur peau. Délaissés par l’état, sans argent ni eau potable, les habitants de la Conjuntos Palmeiras se retrouvent sans perspective d’avenir… ou presque : il leur reste leurs rêves, leur imagination et une solidarité qui peut déplacer des montagnes.

En 1998, une petite association d’habitants tente de répondre à une question simple : pourquoi sommes-nous pauvres ? Après avoir fait circuler un questionnaire sur les pratiques de consommation, ils remarquent que plus d’1,8 mio de reais (ndr : ? 1 mio CHF) ont été dépensé par la communauté hors de la favela. L’argent existe donc, le problème étant qu’il n’y reste pas. Tout est acheté en ville, faute de producteurs locaux. Pour pallier le problème, l’association met sur pied un système de troc. Utile, il ne suffit pourtant pas à inverser la tendance. Puis, dans les années 2000, une idée jaillit : créer leur propre monnaie. Locale, cette dernière n’aurait cours que dans le quartier, si bien qu’elle ne pourrait plus s’envoler dans les poches des grandes
multinationales.

En 2002, grâce aux soutiens d’une ONG hollandaise ainsi que de la banque du Brésil, la petite communauté reçoit 2’000 reais leur permettant de fonder leur banque, la Banco Palmas. Le principe est ingénieux : d’un côté la banque accorde des prêts en reais aux entrepreneurs désireux de développer leur activité ; d’un autre, les habitants bénéficient de crédits (sans intérêts)  en palmas, une monnaie écoulable uniquement dans les  échoppes de la favela. Une carte de crédit en palmas verra même le jour quelques temps plus tard.
Les résultats de ce cercle vertueux ne se font pas attendre : la production se développe, créant ainsi des emplois, ce qui soutient la consommation et permet la création d’un marché. Ce marché s’étend, appelant à de nouveaux besoins et donc à de nouveaux producteurs, ce qui crée de nouveaux emplois… En dix ans, ce sont plus de six entreprises (dont un atelier de couture et une usine de produits d’entretien) qui ont vu le jour, créant 1’800 emplois et permettant une
augmentation de la consommation de 30%. La favela est aujourd’hui un quartier reconnu par l’Etat, possédant un réseau de transports publics et un accès à l’eau potable. Les jeunes en profitent également par le biais des apprentissages et d’une école fondée et soutenue par la florissante Banco Palmas.

Un cas exemplaire de développement socio-économique qui doit son succès principalement à un réseau solidaire et à une organisation démocratique sans faille. En effet, la banque est possédée et gérée par la communauté, chacun ayant son mot à dire. Cependant, nous pourrions nous demander quelles sont les limites d’un tel système : est-il réellement possible de dépasser la production des simples biens de bases ? Cette autosubsistance est-elle compatible avec les
nouvelles technologies ? De plus, leur indépendance n’est que relative, la banque dépendant encore en grande partie du soutien d’organisations et de banques pour maintenir leurs fonds propres.

Malgré quelques bémols, une chose est claire : des modèles économiques alternatifs existent et fonctionnent, laissant plein d’espoirs aux communautés pauvres. Ainsi, la monnaie n’est qu’une fiction, un outil qui se doit de rester au service de l’être humain plutôt que de le soumettre. Une leçon que la Banco Palmas a comprise… et qu’il s’agit de garder en tête lorsqu’on s’interroge sur
l’inexorabilité du capitalisme et la fin des solidarités.
Lucy Linder