Enquête

Mythomanie sur le net

Ou ce que l’on peut faire croire aux gens

Connaissez-vous la tragique histoire de Kaycee Nicole ? Cette jeune femme de 20 ans tenait un blog, qu’elle mettait régulièrement à jour. Elle y expliquait ses tracas quotidiens, ses espoirs et
ses déceptions. Kaycee Nicole était atteinte de leucémie.

Sa mère, Debbie, rédigeait un blog parallèle, où elle exprimait les problèmes liés à sa situation de mère qui s’occupe d’un enfant mortellement malade. Pendant deux ans, des milliers d’internautes suivirent quotidiennement ce combat douloureux contre la mort, qui finit par emporter Kaycee un jour de mai de l’année 2001. Les personnes qui l’avaient soutenue voulurent se rendre à son enterrement, ou au moins faire parvenir leurs lettres de condoléances à la famille.

Le problème était que Kaycee Nicole n’était pas morte. En fait, elle n’avait jamais existé.Quelques personnes découvrirent le pot aux roses lorsqu’elles essayèrent d’entrer en contact avec la mère de la pauvre fille. En réalité, Debbie, femme au foyer de 40 ans, avait créé de toute pièce l’identité de « sa fille ».

Le cas de Kaycee n’est pas isolé ; en France, il y a quelques années, une jeune fille nommée Salomé s’est inventé une sœur jumelle, atteinte de leucémie. Une fois sa sœur décédée, le malheur s’abat sur Salomé : on découvre chez elle plusieurs types de maladies incurables. Ses amis du net lui offrent des nounours, un voyage à Eurodisney… Mais Salomé s’est également laissé prendre à son propre piège, et son arnaque a été révélée au grand jour. Cette fois-ci,
Salomé existe pour de vrai, mais sous un autre nom et en pleine de santé.

Dans chacun des deux cas, il semblerait que ce ne soit pas l’appât du gain qui ait poussé les auteurs de l’arnaque au mensonge. Elles écrivaient pour exister, pour attirer l’attention, avoir des gens autour d’elles. Ce comportement est lié à la mythomanie, ou « propension au mensonge compulsif ». Le fait est qu’un premier mensonge ne fait que déclencher un engrenage de plus
en plus complexe, un cercle vicieux qui éloigne constamment la vérité. L’individu s’identifie souvent au personnage qu’il a lui-même imaginé. C’est ce qui le rend crédible.

Ces histoires-là nous rappellent combien internet peut être un danger. On ne le répétera jamais assez : l’impression qu’on a de connaître des personnes par le biais d’internet est trop souvent
trompeuse.

Avis aux internautes : occupez-vous de vos amis réels et de leurs problèmes bien présents, car internet peut cacher des vérités très décevantes.
L.D.

Actualité

Hyperactivité : mythe ou réalité ?

Un enfant qui bouge ? Mon Dieu, il est hyperactif !!!

Inattention, impulsivité, agitation, désobéissance et lenteur intellectuelle résumeraient à eux seuls l’hyperactivité. Pourtant, le problème est bien plus complexe que ça. Cette pathologie plus souvent attribuée à l’enfant représenterait aujourd’hui pour de nombreux spécialistes un fléau. En effet, selon une étude de l’AAP (American Academy of Pediatrics), l’hyperactivité toucherait 8 à 10% des enfants scolarisés aux Etats-Unis. En Suisse, on est plus raisonnable, un article du
Femina fait état de 1 enfant sur 50 concerné.

Force est de constater que la question de l’hyperactivité est centrale. Partout, on en parle : émissions télévisées, reportages radiophoniques, forums internet… La société s’interroge :
les origines ? Les symptômes ? Les solutions ? Les réponses, quant à elles, fusent dans tous les sens, sur le net les forums pullulent, les médecins se contredisent, les chiffres ne sont pas clairs. En résumé, les parents sont perdus, désarçonnés, impuissants. En outre, il est bien connu que plus on expose une inquiétude sur le devant de la scène, plus on a de chance d’en faire une
psychose. Autrement dit, plus on parlera d’hyperactivité, plus les parents se sentiront concernés. Trop d’enfants seraient alors déclarés hyperactifs, alors que parfois ils ne le sont même pas. Certes, il existe indéniablement des enfants hyperactifs pour lesquels des mesures doivent être prises, mais il n’est pas justifié de coller l’étiquette « hyperactif » sur le front de tous les enfants qui font un pas de travers. Par conséquent, on assiste à une vulgarisation trop extrême du problème qui pourrait porter préjudice à la fois à ces enfants faussement stigmatisés, mais aussi aux  véritables hyperactifs.
Les origines de cette pathologie sont également peu claires. Si certains considèrent que la télévision et les jeux vidéos sont des causes majeures, d’autres parlent de colorants alimentaires, ou encore de maladie génétique. Dans tous les cas, l’hyperactivité est une pathologie jeune liée
d’une manière ou d’une autre aux grands bouleversements qu’a connus le XXème siècle.
Tout d’abord, la découverte de l’hyperactivité accompagne l’émergence de la psychologie qui se donne pour tâche d’étudier scientifiquement des faits psychologiques et des comportements. Ainsi, de nouvelles pathologies, à l’instar de l’hyperactivité, ont pu être reconnues et envisagées sous l’angle de cause à effet.

Ensuite, la société de consommation a permis l’émergence de produits nouveaux et  excitants » : dans un premier temps alimentaires (bonbons sucrés, boissons énergisantes) ; dans un second temps divertissants (jeux vidéos et films, sports stimulants). Enfin, le rôle des parents a changé, notamment celui de la mère qui n’est plus seulement cantonné à l’éducation des enfants. Séparés de leurs parents, ils sont souvent placés en garderie et trop vite confrontés au monde extérieur.

L’enfant dans tout ça subit, doit se conformer aux attentes nouvelles d’une société en perpétuel
mouvement qui exige d’eux dynamisme, intelligence, obéissance, curiosité, mais pas trop (ni pas assez d’ailleurs) sinon les parents sont montrés du doigt et ils ont honte. Ils doivent  alors trouver une excuse… l’hyperactivité !!!

Après ce diagnostic, une solution s’impose. La Ritaline semble être sur les lèvres de beaucoup de médecins. En effet, ce médicament, proche des amphétamines, est utilisé pour les troubles de l’attention et de l’hyperactivité chez l’enfant. Mais c’est à ce niveau que se pose un problème éthique : est-il moral d’administrer à des enfants un tel médicament aussi connu sous le nom de « kiddy coke », soit « la coke du gosse » ? A en voir les chiffres, la réponse serait positive, puisque plusieurs sources font état de plus de 8 millions d’enfants entre 3 et 20 ans sous Ritaline aux Etats-Unis aujourd’hui. En Suisse, à Neuchâtel, une étude de l’OFSP fait état d’une quantité totale de Ritaline prescrite multipliée par sept entre 1996 et 2000, avec un nombre de patients
sous traitement passant de 76 à 433. Plus récemment, une enquête menée auprès du corps médical vaudois en 2005 parle d’une médication par Ritaline prescrite dans 90% des cas.

The American Academy of child and adolescent psychiatry crie au scandale dans une étude parue en 2007 stipulant que « l’échec scolaire, la toxicomanie et les conduites prédélinquantes présentent statistiquement la même fréquence que les sujets hyperactifs aient été traités ou non avec des psychostimulants de type Ritaline quand ils étaient petits ». Par conséquent, bien que l’effet du médicament ne règle les choses qu’à court terme, les chiffres démontrent que les enfants turbulents seraient trop facilement traités par voie médicamenteuse au détriment d’approches plus douces. Cependant, trop rapidement prescrite, la Ritaline ne constituerait-elle pas un moyen pour des parents absorbés par leur travail de se décharger de la tâche de bien éduquer leurs enfants ?
F.G. Fabien Grenon