Jazz

Au rythme de L’Auvernier Jazz Festival 

La météo capricieuse de ce 26 août 2011 a joué bien des tours aux organisateurs de la 3e édition de l’Auvernier Jazz Festival. La programmation a certes été maintenue, mais il a fallu trouver de toute urgence en début d’après-midi un lieu couvert permettant le bon déroulement des concerts. C’est donc à la salle polyvalente de la commune que le public s’est rendu, délaissant les rives du lac. Au programme, une musique riche et variée faisant tout de même la part belle au jazz. L’ensemble Motown de l’HEMU (Haute Ecole de Musique de Lausanne), programmé en ouverture de l’édition 2011, a débuté la soirée. Julien Revilloud Trio & Quatuor à cordes ont ensuite dévoilé leur musique avant de céder la place à Caecilie Norby. Retour sur les deux derniers concerts.

Accompagné d’un quatuor à cordes composé de deux violons, un alto et un violoncelle, le Julien Revilloud Trio a proposé une musique aux ambiances diverses. L’association d’instruments à cordes, d’une batterie, d’une basse et d’une guitare électrique a créé une musique aux couleurs originales. En proposant des titres tels que « Lullaby in Bamako », « Douro de Porto » ou encore « Big Fish », les musiciens ont réussi à amener le public vers des atmosphères à chaque fois différentes. Les accents de la guitare de Julien Revilloud se sont fait entendre sur chacun des titres et révèlent l’impressionnante maîtrise que détient le musicien de son instrument. Le guitariste, diplômé de la Swiss Jazz School de Berne et directeur du département Jazz et musique actuelle de la fondation Ton sur Ton a répondu à nos questions. Interview.

L’article.ch : Comment peut-on définir le style de votre musique ?

Julien Revilloud : On me pose toujours cette question…et je ne sais toujours pas répondre. C’est-à-dire que j’essaye de faire abstraction de choses de style. J’ai écouté plein de styles différents, que ce soit du jazz, du blues, du rock, de la musique latine, beaucoup de musique classique et bien d’autres styles encore. Quand j’écris de la musique, j’essaie de réunir mes différentes influences.

L.ch : Quel est le moteur de création qui vous donne envie d’écrire?

J.R. : Ce sont beaucoup de voyages, de petits moments, de gens ou de lieux qui me sont chers, des petites anecdotes de tous les jours. Je crois que j’essaie aussi de faire de la musique sur laquelle on peut se faire des images. Le morceau « Douro de Porto » est vraiment le reflet de cela. C’est d’ailleurs le seul morceau écrit pour trio et quatuor. C’est en l’enregistrant que j’ai eu l’idée de réarranger tout le répertoire pour cette formation à sept musiciens avec le quatuor à cordes. J’ai essayé de créer des arrangements qui collent avec l’esprit de chacun des morceaux.

L.ch : D’où vous est venue l’idée de collaborer avec un quatuor à cordes ?

J.R. : J’aime déjà bien les rencontres. Sur mon premier disque, j’avais invité un ami à moi, le tromboniste Samuel Blaser et lorsque j’ai pensé à ce deuxième disque [ndlr Carré d’As], je voulais aussi inviter quelqu’un. J’ai essayé d’imaginer différentes choses et je me suis dit que ce quelqu’un pouvait être un quatuor à cordes. J’espère que c’est complémentaire et je pense que c’est une formule originale. En plus un trio de guitare avec un quatuor à cordes, je n’en ai pas souvent vu, très rarement. C’est très original et on peut utiliser beaucoup de textures différentes. Il y a des morceaux plus rock, plus énergiques, il y en a d’autres beaucoup plus planant, plus calmes, plus oniriques. Je crois que cette formation permet de créer beaucoup de climats différents. C’est notre premier concert ensemble aujourd’hui.

L.ch : Votre musique semble être nouvelle, elle est originale, rythmée…

J.R. : J’essaie de faire quelque chose de personnel, ça ne m’intéresse pas d’être la copie de tel guitariste. Je crois que c’est le but de chaque musicien de trouver sa personnalité propre. Il y a un temps pour travailler l’instrument et il y a un temps pour essayer de se trouver soi-même en musique. Au fil des disques, des concerts surtout, notre trio, notre formation trouve un son à elle. Je choisi beaucoup les musiciens en fonction du feeling que j’ai avec eux et du son qu’ils apportent à ce trio. J’ai une rythmique que sont Jean-Pierre Schaller et Raphaël Pedroli qui sont assez différents, et en fait le mélange des deux m’intéresse bien, parce que quelque part je suis peut-être au croisement de leurs deux personnalités musicales. A force de jouer des concerts, il y a un son de groupe qui commence à naître et sur lequel aujourd’hui j’ai eu envie de greffer un quatuor à cordes. Je suis hyper content de ce concert pour dire la vérité.

L.ch : L’entente est-elle bonne au sein du groupe ?

J.R. : Oui, ce sont de vieux potes de longue date…

L.ch : Peuvent-ils donner leurs avis ?

J.R. : Ah non, moi je suis un dictateur (rire)!Non, ce n’est pas vrai ! Des fois oui, mais souvent j’écoute leurs avis, leurs idées. Je les intègre, mais comme c’est mon projet, c’est au final moi qui ai le dernier mot.

Le dernier concert de la soirée était celui de la danoise Caecilie Norby. Venue présenter son nouvel album « Arabesque », la chanteuse se produisait pour la première fois en Suisse. Bien connue des amoureux de la musique jazz, Caecilie Norby a participé à de nombreux projets musicaux au cours de sa carrière. Membre des groupes Street Beat et Frontline, la chanteuse s’est ensuite tournée vers la musique pop rock en collaborant avec Nina Forsberg. Caecilie Norby est finalement revenue à la musique jazz lorsqu’elle a entamé sa carrière solo en 1994. En ce 26 août 2011, le public de l’Auvernier Jazz Festival s’est laissé séduire par la voix de l’artiste qui se mariait parfaitement avec les sonorités particulières du jazz. Caecilie Norby, accompagnée de musiciens de talent, a notamment interprété ses propres créations, telles que « The Dead Princess » ou « Wholly Earth ». Et sous l’insistance du public, la chanteuse a interprété une très belle reprise de « Hallelujah ». De bon augure pour la suite de l’Auvernier Jazz Festival !

M.Ch

L’Auvernier Jazz Festival : http://www.auvernierjazz.ch/

Julien Revilloud : http://julienrevilloud.ch/

Caecilie Norby : http://www.caecilienorby.com/

Jazz

Auvernier jazz festival : à la découverte d’un public hétéroclite

Auvernier. Joli petit village de vignerons perché sur les hauteurs du lac de Neuchâtel. Auvernier, c’est aussi depuis 2009, le lieu de rencontre et de partage pour tous les amoureux du jazz, une musique bien particulière qui, grâce à sa grande liberté d’improviser les mélodies selon la couleur locale, a fini de conquérir les gens d’origine diverse et d’âges axiologiquement variables.

Nous avons recueilli l’avis de quelques personnes. La majorité est jeune, ce qui renseigne sur le caractère branché car loin du stéréotype de musique d’élites âgées, le jazz actuel dégage des parfums printaniers à travers la jeunesse et la modernité.

Jean-Paul est ivoirien et étudiant en master d’hydrogéologie à l’Unine et pour lui le jazz, c’est un engouement personnel par le biais du contact sporadique avec le piano qui l’a initié à l’amour de cette mélodie. Musique expressive, il souligne en ce sens « Le jazz est une musique d’inspiration née de la révolution afro-américaine. C’est une musique combattive et dotée d’une certaine coloration à travers la diversité d’instruments et la mélodie, ce qui fait qu’elle me parle bcp. Loin d’être retro, la thématique ainsi que les mélodies abordées sont adaptées et réadaptées au contexte actuel. Je trouve que c’est une musique hybride dans le sens que l’improvisation typique des musiques africaines a convolé avec la musique européenne classique et codifiée en lui empruntant sa mélodie et son harmonie. ».

Paul est également étudiant et d’origine française, d’abord séduit par la mélodie acoustique avant de prêter une attention particulière aux paroles, le jazz lui permet de se retrouver dans son environnement familial et dans son passe temps favori, la musique. Il raconte « Moi, je suis musicien, j’ai donc appris à connaitre le jazz à travers mes parents qui évoluent également dans ce domaine. Pour le comprendre et l’aimer, Il faut certes s’y intéresser au préalable parce que c’est une musique quelque peu hermétique, c’est-à-dire réservé aux initiés et aux personnes baignant dans cet environnement. Par ailleurs, j’aime beaucoup l’énergie qu’elle dégage. L’interaction entre musicien et ensuite l’interaction avec le public fondent la particularité du jazz en tant que genre musical émergeant localement. L’improvisation et la création personnelle sont autant d’atouts qui me séduisent singulièrement et c’est loin d’être démodé chacun peut se l’approprier différemment en fonction de sa sensibiliser. Django Reinhardt est un guitariste hors pair qui, grâce à son style profondément original, entre Jazz et musique Tzigane, a depuis lors développé son concept en un genre musical à part entière, le Jazz manouche. A noter que le jazz a quand même évolué vers une certaine codification ce qui permet aux artistes provenant de différents continents de travailler ensemble. »

Quant à Sylvain, préparant une thèse de doctorat en droit médical, jeune et débranché du jazz, il admet deux choses : d’une part sa méconnaissance totale sur cette musique et d’autre part, à l’instar des autres genres musicaux, l’incapacité latente du jazz de faire vibrer son être. Ainsi donc, il avoue en ces termes « Je ne sais rien du jazz. Je l’ai écouté quelque fois et ce ne m’a pas plu. Je passerai mon chemin devant une manifestation de jazz, à condition que le musicien soit en train de faire d’autres choses telles que les mimiques, les grimaces. J’estime que c’est un style démodé avec une lenteur dans l’exécution de la mélodie ; raison pour laquelle elle ne me fait pas vibrer. Me concernant, je trouve que c’est de la vieille musique, mais attention j’écoute de la vieille musique et je sais l’apprécier, mais le style du jazz ne me plait pas. A à la rigueur, les paroles, les thèmes traités pourraient me plaire, mais la cadence en termes de monotonie ne me pousse pas à m y intéresser.

Et enfin, suissesse, étudiante à l’école de jazz à Lausanne et participant à l’AJF pour la deuxième année consécutive, Marie ne cache pas son engouement et tout le plaisir qui l’anime. Celle qui suit de près l’évolution de ce festival trouve que « c’est hyper accueillant avec une bonne programmation. Ca évolue assez bien. J’aime beaucoup le jazz car il fait énormément la place à l’improvisation, c’est une musique stimulante et qui laisse le choix aux artistes de créer sur l’instant par rapport à ce qu’ils ressentent. Je suis une fanatique, une inconditionnelle du jazz dans le sens que j’aime assister aux spectacles celui de Cully par exemple, de Verbier, de Montreux mais auquel j ai pas été cette fois ci. Et actuellement je suis ici à Auvernier avec un grand bonheur. La programmation est basée sur des artistes montants. En prenant le risque d’inviter des artistes novices, les initiateurs ont certes conscience du choix délibéré qu’ils prennent, cependant et de toute façon le jazz ce n’est pas un spectacle grand public, alors on a une manifestation à visage humain »

Nous aurons compris qu’à l’orée de ce siècle, le jazz a conquis des cœurs, peu importe l’origine, peu importe le sexe. La nature ne donne que ce qu’elle a, le jazz ce qu’il peut et l’AJF pour conclure a su procurer à ses nombreux spectateurs des émotions saines et des moments sensationnels. Vivement 2012, ardent souhait de chacun.Apsa.