Musique

La Suisse et ses talents

 

Le site Mx3.ch n’est certainement pas étranger à ce phénomène! Cette plateforme musicale mise en ligne dès 2006 par les radios DR3 Virus, Couleur3, Rete3 et Radio Rumantsch permet en effet à tous les acteurs de la scène musicale suisse de se rencontrer via internet. Elle ressemble en quelque sorte à une base de donnée de la musique helvétique qui agit comme intermédiaire entre l’artisan musical et les radios. Tous les groupes suisses ou résidant en Suisse peuvent ainsi s’y inscrire librement et gratuitement tout comme l’utilisateur lambda, les clubs et les festivals du monde entier. Ces conditions vont clairement dans la direction d’une promotion de la musique produite en Suisse car elle délimite un territoire. D’un côté, les musiciens régionaux qui mettent en ligne des morceaux, et de l’autre côté, les diffuseurs. Cette équation est dès lors un moyen ludique de promouvoir des artistes locaux. Depuis peu, la plateforme s’est même élargie à la communauté des smartphones et permet ainsi à chaque amateur de musique de faire de nouvelles découvertes par ce biais.

La création d’un tel site internet ne dépend-t-elle pas du succès rencontré par des artistes suisses hors de nos frontières? Par forcément. Ceci dit, ils encouragent à coup sûr les créateurs et les acteurs de la scène musicale helvétique à se lancer plus sérieusement. Les dernières années ont ainsi vu émerger plusieurs noms qui se sont fait connaître et reconnaître par la critique étrangère avant celle de leur pays d’origine. En tête de file, il y a notamment Sophie Hunger. Cette zurichoise a effectivement su trouver des critiques favorables dans l’Hexagone avant de se faire connaître en Suisse. Ou encore la neuchâteloise Olivia Pedroli, anciennement Lole, qui remplissait déjà les salles chez nos voisins gaulois alors qu’elle était presque inconnue dans nos contrées. Plus récemment, l’exemple de Ingrid Lukas illustre également cette tendance. Cette pianiste, choriste et compositrice est née en Estonie et à vécu 17 ans en Suisse. Elle s’est énormément produite dans son pays d’origine alors qu’elle a vécu plus longtemps en Suisse et commence tout juste à y faire parler d’elle. Ces trois exemples montrent dès lors à quel point il semble compliqué de se faire une place sur notre scène musicale nationale. Cet état de fait s’explique peut-être par le manque de structures d’encadrement et de moyens financiers mis à disposition des artistes.

La plateforme Mx3.ch et les programmes de la RTS se complètent ainsi volontairement pour instiguer un changement et inverser la tendance. C’est-à-dire que les artistes pourront peut-être de plus en plus facilement se faire connaître en Suisse avant d’espérer une plus large diffusion à l’étranger. Cette diffusion semble plus logique. Mais est-elle réalisable à long terme? C’est ce que l’avenir nous montrera. Quoiqu’il en soit, à la suite du lancement de la plateforme Mx3 et la première édition du festival Label Suisse en 2006, des labels indépendants tels que Phenix Records, Two Gentlemen ou encore Betacorn sont nés. Ils produisent des artistes suisses talentueux comme Hemlock Smith, Fauve ou encore Olivia Pedroli. Toutefois, d’autres labels indépendants existaient déjà à l’époque. C’est notamment le cas de Saïko Records qui est une association de 5 membres, active depuis 2002. Tous ces acteurs favorisent dès lors de plus en plus l’écoute des musiques du « terroir ». Ils expliquent donc en partie les différents succès rencontrés par The Rambling Wheels, Heidi Happy, Anna Aaron ou encore le phénomène Bastian Baker tout récemment. Même les gros festivals nationaux s’y mettent et laissent de plus en plus de place aux différentes groupes ou artistes de la scène musicale suisse!

L’ensemble de tous ces acteurs augmente par conséquent naturellement la qualité des productions. Les artistes étrangers semblent même s’intéresser à notre petite patrie musicale. C’est ce que révèle d’une part le travail du producteur Valgeir Sigurörosson (Björk, CocoRosie,…) qui produit notamment les merveilleux derniers albums de Ingrid Lukas et de Olivia Pedroli. D’autre part, et dans un tout autre genre, le projet Sparring Partners le démontre également en rapprochant les MC’s suisse-romands et français. Ce sont deux beatmaker lausannois qui collaborent étroitement avec des pointures du hip-hop français. Ainsi, on comprend que le talent est là! Il ne reste plus qu’à éblouir un plus large public.

AW

Commentaire

Tintin… ou la fausse image du reporter

Tintin se déclare constamment journaliste ou reporter. Or, on ne le voit guère exercer cette profession : une enquête par-ci, une collecte d’informations par-là et c’est à peu près tout. Ses outils ? Souvent un simple calepin, hormis dans les premières aventures comme au Congo il utilise même une caméra et son voyage est un reportage clairement assumé. Par la suite, l’aventure l’emporte largement sur l’exercice de la profession. On ne voit en effet pratiquement jamais Tintin réalisant une interview, rédigeant un article ou rendant des comptes à son journal. Il n’y a nulle trace d’un rédacteur en chef, de collègues, ni du siège de son journal. On ne le voit jamais taper sur sa machine à écrire. Il décide librement du sujet de ses reportages et ne semble soumis à aucune contrainte : pas de délais rédactionnels, pas de limites budgétaires, pas de comptes à rendre, pas le moindre ordre en provenance de sa hiérarchie.

Si l’on excepte les premiers albums, on soupçonnerait donc à peine que Tintin est reporter, s’il ne le déclarait lui-même à tout moment.

Tintin aujourd’hui

Probablement armé d’un smartphone plutôt que d’un calepin et maniant le téléphone satellitaire en lieu et place des postes de télégraphie sans fil (TSF), Tintin s’inscrirait sans peine dans le monde moderne. Ces nouveaux outils expliqueraient mieux encore l’insolente liberté dont il jouit dans ses aventures. Il est par contre fort douteux qu’une rédaction moderne laisse un tel champ libre à son journaliste, et Tintin serait probablement reporter indépendant, vendant ses récits au plus offrant.

Le journalisme au quotidien

Les aventureas de Hergé ne prétendent pas donner un aperçu exhaustif du quotidien de Tintin. Les BD sont ainsi centrées sur l’action. Cependant, lorsqu’on suit Tintin dans sa vie quotidienne (Les bijoux de la Castafiore), force est de constater que celle-ci n’est aucunement rythmée par des obligations professionnelles. On croirait même le reporter perpétuellement en vacances.

Le véritable journaliste est confronté à bien d’autres réalités car un article se prépare. Il faut notamment fixer des rendez-vous, obtenir des informations, compulser des documents. Le travail de terrain s’accompagne obligatoirement du traitement de l’information et de son rendu. Les délais rédactionnels de la presse écrite et l’immédiateté des médias électroniques ne laissent guère de loisirs au journaliste qui ne connait que l’urgence. Le grand reportage alterne avec les tâches moins prestigieuses, voire répétitives, ce que l’on appelle couramment la « rubrique des chiens écrasés ».

Malgré ces contraintes, le métier de journaliste conserve un certain prestige : le journaliste politique passe pour un faiseur d’opinion ; le journaliste sportif est au cœur de l’événement ; le grand reporter fait rêver les foules. Et d’ailleurs, la plupart des journalistes se déclarent passionnés par leur profession.

Cette vision idéalisée n’est finalement pas très éloignée de l’image de Tintin. Celui-ci n’est d’ailleurs pas seul au panthéon des journalistes imaginaires : Rouletabille, Fantasio le compagnon de Spirou, Clark Kent, l’y rejoignent. Ces personnages font du journaliste un héro proche du détective, voire même de l’agent secret. Ils partagent avec lui les voyages, les enquêtes, les périls, le suspense et les découvertes. Mais ces métiers partagent aussi le fait que leur quotidien est bien différent de leur image d’Epinal.

J.F.