Actualité

Le plagiat : un fléau au sein des Universités

 

Le plagiat n’est pas un procédé nouveau au sein des institutions académiques. Cependant, la pratique s’est amplifiée et modifiée ces dernières années, surtout depuis l’essor  de l’internet, à tel point que les universités du monde entier ont dû prendre des mesures concrètes. Parce que plagier n’est pas correct vis-à-vis des étudiants honnêtes  et parce que cela viole le droit d’auteur. Mais avant que les choses ne bougent vraiment, il a fallu que la question soit débattue et étudiée.

A ce jour, plusieurs sites internet traitent de la question du plagiat. C’est le cas du site « Le plagiat.net » d’Hélène Maurel Indart, professeur en Lettres de l’Université de Tours. Ses deux essais « Du Plagiat » (Gallimard 2011) et « Plagiats, les coulisses de l’écriture » (La Différence 2007) ont rencontré un écho médiatique important de la part des médias français.

En Suisse,  Michelle Bergadaà s’est également mobilisée pour lutter contre le plagiat. Professeure  en Sciences économiques et sociales de l’Université de Genève, elle a créé en 2004 « responsable.unige », un site dans lequel divers cas de fraude sont rapportés et étudiés. Parmi toutes les études de cas se trouve l’affaire mettant en cause l’un des vice-recteurs de l’Université de Fribourg.

Le site rapporte les faits évoqués par Le Matin Dimanche du 16 juillet 2011 : le vice- recteur aurait plagié plusieurs articles de journaux internationaux afin de rédiger ses propres  chroniques  de journal. Une enquête est alors ouverte par l’Université  à l’encontre du vice-recteur. Le 3 octobre 2011, La Tribune de Genève annonce que le vice-recteur a choisi de démissionner. Le 27 septembre 2011, la commission  chargée de l’enquête avait  révélé avoir trouvé des traces de plagiat dans certains  travaux scientifiques du vice-recteur. Mais ces écrits impliquaient également un co-auteur et ne concernaient pas les écrits dont le vice-recteur était l’unique auteur. Le flou persiste donc toujours concernant les articles de presse plagiés  et dont l’Université de Fribourg ne semble pas avoir fait mention. Une attitude que le site responsable.unige dénonce en donnant à ce cas le titre  de « Frileux Fribourg ».

Michelle Bergadaà a également mené une étude à l’Université de Genève  en prenant comme objet d’observation  le plagiat sur internet. Publiée en janvier 2006, son étude s’intitule « Du plagiat à la normalité, selon les étudiants » et se compose de témoignages d’étudiants en lien avec le plagiat. De cette étude émergent différents profils d’étudiants « plagieurs ». En guise de conclusion  finale, Michelle Bergadaà a écrit : «  Il nous semble également important de communiquer entre institutions afin de créer un repère de normes génériques, puis homogénéiser contrôles et sanctions ». A-t-elle été entendue par les autres universités suisses ?

Toujours est-il que l’Université de Neuchâtel  s’est dernièrement munie d’un nouveau règlement concernant le plagiat estudiantin dont le titre est : «  Plagier, c’est voler. Guide à l’attention des étudiant-e-s ». Des directives que tous les étudiants de l’université ont reçu en début d’année académique et qui sont entrées en vigueur le 21 septembre 2011. En premier lieu, le rectorat donne une définition du plagiat comme étant « une fraude visant à s’approprier un travail qu’on n’a, en tout ou en partie, pas accompli soi-même ». Puis suivent diverses recommandations et règles destinées aux étudiants, afin que ceux-ci prennent connaissance des risques liés au plagiat. Enfin, le rectorat a  prévu une « déclaration sur l’honneur » que les étudiants doivent signer et joindre à chacun de leurs travaux écrits lorsqu’un professeur l’exige. Les mesures de l’Université de Neuchâtel concernant le plagiat découlent des règles de déontologies de l’Université de Lausanne établies en 2007.  Les mesures  de lutte contre le plagiat se dessinent de manière plus précise, parviendront-elles à limiter cette pratique illégale qui entache encore et toujours le monde académique ?

M.Ch

Interview

La distinction entre le vrai et le faux : un problème loin d’être résolu

Véritables tableaux, Rolex aux prix imbattables, sacs Vuitton vendus au noir… Nous sommes aujourd’hui envahis par les contrefaçons. Ce phénomène n’est pourtant pas nouveau. Nous nous sommes entretenus avec Marc-Antoine Kaeser, directeur du Laténium et de son exposition temporelle, « L’Âge du faux ».

Larticle.ch : Comment définiriez-vous le faux?

Marc-Antoine Kaeser : C’est en quelque sorte l’objectif de l’exposition. On ne peut pas trouver de définition précise du faux car il n’y a pas d’objectivité absolue. C’est plutôt une question de point de vue et de culture. Tout dépend du contexte, du rapport au vrai et de ce qu’on cherche à montrer à travers le faux.

L.ch : Comment distinguer le faux du vrai?

M.-A. K. : Il y a plusieurs aspects. Certains objets sont faits dans le but principal de tromper les autres ; de leur faire croire que ce qu’ils voient est vrai. Dans ces cas-là, il est évident que l’objet est faux. Mais c’est souvent beaucoup plus complexe car on joue énormément sur les références. Par exemple, en achetant un sac Louis Vuitton, la plupart des gens sauront tout de suite que c’est un faux. C’est une sorte de jeu en quelque sorte. On ne veut pas abuser les autres, mais on leur montre que même si nous n’avons pas les moyens de s’en acheter un vrai, on a tout de même bon goût. À l’époque romaine, on imitait des céramiques importées d’une grande valeur. On remarquait tout de suite la contrefaçon, cela montrait que nous avions des goûts luxueux et distingués.

L.ch : Quelles méthodes utilisez-vous pour arriver à définir le faux du vrai?

M.-A. K. : Une des méthodes les plus répandues est d’essayer  de comprendre le processus de production. On se fie par exemple aux tendances culturelles. Nous savons que certains objets étaient rares et précieux. Or, on a parfois trouvé une soudaine production locale massive de ces objets. Cela soulève tout de suite des doutes et la plupart du temps, on constate que ce ne sont que des reproductions. L’analyse de la matière première révèle aussi beaucoup de choses. La céramique par exemple est une matière que l’on trouve partout. Donc même si l’objet imité ressemble parfaitement au premier, il n’est pas fabriqué avec la même matière.

L.ch : Quelles sont les grandes affaires sur le faux qui ont fait scandale?

M.-A. K. : Bien souvent, les fausses trouvailles ont permis de soutenir une théorie, il y avait un intérêt à ce que ces fausses pièces soient vues comme des vraies. Il y a par exemple l’affaire de Moulin-Quignon. En 1863, les préhistoriens viennent d’admettre qu’il  y a une humanité beaucoup plus ancienne que ce que l’on croyait. Ce constat est fait après avoir trouvé des outils en silex datant d’une époque antérieure à celle que l’on voyait alors comme le début de l’humanité. Cependant, il manquait une preuve importante : des ossements humains. Quelques employés cherchant ceux-ci  sont donc allés déterrer une mâchoire pour la cacher dans les couches qu’ils étaient entrain de fouiller. Le lendemain, l’un des ouvriers a trouvé cette mâchoire pour la montrer à un archéologue. Celui-ci pensa qu’elle est authentique puisqu’elle était retrouvée dans des couches terrestres très anciennes. La mâchoire fût analysée bien plus tard et on aperçut qu’elle n’avait pas plus d’une cinquantaine d’année.

En 1880, un antiquaire neuchâtelois fabriquait des faux objets en os et en bois. Ils trouvaient ces matières sur les stations lacustres. Des employés les sculptaient et les vendaient ensuite tout en soutenant qu’ils les avaient trouvés ainsi. Durant cette période évolutionniste, on pensait que le progrès humain avait été constant et régulier. Or, il manquait un chaînon entre l’Âge de la pierre et du bronze. Avec ces pièces, un nouvel Âge apparaissait : celui de la corne. Ainsi, les faits archéologiques arrêtaient de contredire l’évolutionnisme qui ne pouvait accepter le saut entre les deux âges. Personne n’a cherché à analyser ces pièces, bien trop contents d’avoir trouvé le chaînon manquant.

L.ch : Comment qualifier un objet de faux ou de vrai? Qu’est-ce qui le définit comment étant authentique ou non?

M.-A. K. : C’est ce que l’exposition tente de montrer. Les limites entre l’un et l’autre sont bien souvent floues. On peut constater que c’est la plupart du temps une question de pouvoir. Même si quelqu’un arrivait à reproduire une copie conforme d’un billet de 100CHF, celui-ci resterait faux car seule la Banque Nationale Suisse a l’autorité de les créer. Tout le reste est illégitime. On remarque ainsi que ce qui fait qu’un objet est vrai et non un autre est une question culturelle. C’est nous qui accordons du prestige et de la valeur à celui-ci plutôt que celui-là.

Propos recueillis par Alexandra Dall’Omo

Pour plus d’informations sur l’exposition « L’Âge du faux » : www.laténium.ch