Analyse

Jeux vidéos : du plaisir à l’addiction

Consoles servant de « nounou » pour les plus petits, adolescents isolés du reste du monde, adultes se créant de nouvelles vies pour échapper à celle qu’ils mènent : autant d’idées qui illustrent la désapprobation de certains à l’égard de l’engouement actuel des joueurs pour les jeux vidéo. L’ampleur mondiale que ces jeux ont pris ces dernières années n’est plus à prouver. En effet, ils se sont répandus à travers le globe, dans la plupart des familles ayant les moyens de posséder jeux, consoles et autres gadgets électroniques. En ce sens, des chercheurs spécialistes de l’addiction évoquent les risques à ne pas sous-estimer qu’engendrent les jeux vidéo. Pour d’autres, le lien entre addiction et jeux vidéo reste encore à prouver.

On se rappelle de la Gameboy de 1989, destinée aux enfants, comme de la première console portable largement répandue. Depuis, chaque année (et actuellement plusieurs fois par an ou par mois), on voit des nouveautés arriver sur le marché. Ces dernières innovations ne sont plus réservées aux seuls enfants mais elles intéressent aussi les plus grands. Aujourd’hui, beaucoup sont même appréciées par toute la famille, grâce à des jeux adaptés à chacun. Les jeux vidéo ont donc marqué la fin du 20ème et le début du 21ème siècle, en dépassant même le chiffre d’affaire du cinéma depuis environ 10 ans.

Un tel engouement peut être lié en partie au fait que les jeux vidéo ne rendent plus uniquement spectateur, mais « acteur » ou « metteur en scène ». Ils donnent en effet aux joueurs les moyens et le plaisir d’être actifs et de créer leur propre réalité dans des décors des plus réalistes. Par exemple, un fan de football peut mener le jeu son équipe favorite à la victoire. On peut créer des personnages, leur inventer une vie et décider de les faire interagir selon notre propre scénario. On mène notamment un héro au bout de sa quête (ou en être soi-même le héro). Les possibilités sont infinies ! On pourrait alors se demander comment ne pas en vouloir toujours plus ? Et pourquoi résister au plaisir d’agir, même simplement dans la fiction, alors que la réalité impose souvent de subir ? Ou plus, comment ne pas devenir « addict » ?

Une synthèse des définitions de l’OMS, de l’American Society of Addiction Medicine, d’Addiction Info Suisse et d’autres organismes montre que l’addiction est une envie irrésistible et contraignante qui se répète de façon régulière, malgré les problèmes qu’elle engendre et la conscience qu’on en a, et à laquelle il n’est pas facile d’échapper sans aide ou soutien. Dans le cas des jeux vidéo, on pourrait aussi parler d’une dépendance psychologique, d’un désir insistant de jouer qui persisterait et qui troublerait par le manque de contrôle que le joueur aurait sur lui-même. Une addiction pourrait ainsi engendrer des problèmes d’ordres psychologiques, relationnels, familiaux ou encore sociaux, tels que l’isolement social ou la dépression pour ne citer que peu d’exemples.

Malgré ce qu’en jugent certains, de nombreuses recherches sont menées en médecine, en psychologie ou en neurosciences pour tenter d’approfondir les connaissances au sujet de ce problème reconnu comme « majeur » dans le domaine de la santé publique. On trouve également de nombreuses organisations et associations de soutien à l’addiction, entre autres à l’addiction aux jeux vidéo, rien qu’en Suisse romande. Des centaines de groupes sont aussi répartis dans de nombreux pays et proposent des conseils, une prise en charge et jusqu’à un accompagnement social des personnes souffrant d’addiction.

Pouvons-nous personnellement faire quelque chose contre ce que beaucoup considèrent comme un risque bien réel ? Difficile ! Mais afin d’éviter le risque d’addiction, par exemple chez un enfant, il est important de déterminer des limites de temps de jeu et de s’assurer qu’il s’intéresse encore à d’autres activités, notamment avec ses amis et que le contact avec ceux-ci n’est pas rompu. Privilégier les dernières consoles dont l’utilisation implique un minimum d’activité physique,  ainsi que les jeux de groupe, peut également s’avérer utile.  En effet, on ne pourra de toute façon pas l’empêcher d’avoir accès à une console étant donnée l’ampleur de l’utilisation des jeux. Dans le cas où on craindrait d’être soi-même dépendant, le mieux serait de prendre contact avec une association de soutien ou encore avec un spécialiste.

DearL


Commentaire

Sport et jeu

Tout d’abord, commençons par observer les similarités entre le sport et le jeu. Premièrement, on peut voir que dans les deux cas on accepte un certain nombre de règles. Cette première remarque peut paraitre pour le moins simpliste mais elle a son importance dans la mesure où le sport comme le jeu ne peuvent exister qu’en présence de certaines contraintes. Deuxièmement, le sportif comme le joueur n’a qu’un but : Gagner ! Et finalement, le sport et le jeu se rejoignent dans la mesure où l’on cherche son plaisir dans les deux cas. Se sont là, les trois points principaux ou jeu et sport se ressemblent fortement.

Parallèlement à la première similarité, il est intéressant de faire un rapprochement entre la chance, qui caractérise le jeu et l’injustice propre au sport. En effet, on entend très souvent des supporters ou des athlètes se plaindre de l’injustice qu’engendre le sport. Les supporters de football se plaignent de l’arbitrage, les fans club de Didier Cuche des conditions météorologiques qui défavorise leur athlète au moment de s’élancer. Et les supporters de Thomas Luthi, s’indigne lorsque leur protégé doit s’arrêter à cause d’un problème mécanique. Autant de raison qui font que les sportifs et les supporters en reviennent si souvent au thème de l’injustice. On voit très bien le parallèle qui se dresse avec le jeu. Lors d’un jeu de carte, on ne parle pas d’injustice lorsque l’on a une mauvaise main. On parle de malchance. Les deux termes sont très proches, la différence entre injustice et malchance nous amène toutefois à observer une différence entre le sport et le jeu. L’injustice est une notion qui ramène à la réalité tandis que la malchance, la fatalité en fait, est une notions extérieur à nous. Que nous ne contrôlons pas. Pour illustrer cet exemple il faut s’imaginer un enfant jouant au cowboy avec son pistolet à eau. Lorsque l’enfant joue il y a un décalage entre le jeu et la réalité. L’enfant s’imagine cowboy, il s’imagine dans un décor de western avec son chevale. Il en va de même pour le Monopoli, ou autre jeu de stratégies. Ce décalage entre réalité et fiction est la condition même du jeu. Tandis que le sport lui se caractérise par sa dimension réelle. C’est sans doute pour cela qu’on ne dit pas « jouer au sport » mais bien « faire du sport ».

Nous avions affirmé ci-dessus, que gagner était l’un des  points communs que partagent le sport et le jeu. Mais il me faut rebondir sur ce point pour différencier le sport du jeu, car là est notre but. Je pense personnellement qu’il y a en sport quelque chose de plus que gagner. Je ne parle pas ici de la victoire sur les autres, qui procure sans doute la même euphorie dans le joueur et le sportif. Je parle, de la victoire sur sois même. Le sport est non seulement un jeu avec les autres mais plus encore un jeu avec sois même. Sinon, comment expliquer les alpinistes qui partent en solitaire conquérir des sommets, sans une concurrence directe avec d’autres ? En sport on joue à se faire mal, on joue à se faire peur. C’est sans doute de cela dont parlent les sportifs lorsqu’ils évoquent le dépassement de soi, ou encore la victoire sur soi même.

En ce qui concerne le plaisir, les sportifs comme les joueurs en recherchent. En revanche, l’apport de plaisir, ou plutôt la recherche de plaisir est selon moi fondamentalement différents entre joueurs et sportifs. Car c’est en sport (en laissant de coté les jeux déviant) qu’intervient une nouvelle notion ; le plaisir par la souffrance physique. A ce propos, j’ai eu l’occasion de grimper cet été au sommet du Galibier (2646m), pour suivre l’arrive du tour de France. C’est soudainement en évoquant la souffrance physique que l’image du Thomas Voeckler, le héro tricolore du mois de Juillet, m’apparait. Je me souviens de son visage. A la fois marqué par la détermination et masqué par la douleur. Je revois sa bouche grimacer au milieu des applaudissements et des hurlements, et ses veines palpiter sur son corps ruisselant. Cette parenthèse nous permet  d’introduire de nouvelles questions. Au fond, pourquoi tant de souffrance par le sport ? Comment, ce qui à la base est un jeu, dérive au point de devenir une réelle torture ? Y a-t-il encore une forme de jeu dans ces sports où la souffrance est une condition ?

Pour conclure et répondre à mes interrogations, voici ce qu’on peut dire du sport. Je pense personnellement que le sport va plus loin que le jeu. On pourrait dire d’ailleurs que c’est lorsqu’il va au-delà du simple jeu qu’il prend toute sa signification. Quand le sport nourrit l’esprit plutôt qu’il n’affine la silhouette, quand le sport rassemble, quand le sport brise toute les frontières entre les quels la société nous enferme… Quand enfin, comme le dit Girardoux, le sport devient « l’art par lequel l’homme se libère de lui-même ». L’art ? Oui l’art. Art puisqu’inutile au fond mais essentielle en fait.

RoSa