Interview

« L’argent perdu ne l’est pas pour tout le monde »

Entretien : Jean Guinand
C’est au Galop, en face de la Faculté de Droit que Larticle.ch a rencontré cet ancien recteur de l’université de Neuchâtel. Docteur en droit, Jean Guinand a également exercé plusieurs mandats politiques au Conseil national et au Conseil d’Etat. Vice-président de Sport-toto, il est également devenu membre du Conseil d’administration de la Loterie Romande en 2001.


Larticle.ch : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir membre du Conseil d’administration de la Loterie Romande ?

Jean Guinand : C’est un peu le hasard. Quand j’ai quitté le Conseil d’Etat, un ancien collègue pensait que j’avais certaines compétences, en particulier juridiques, pour entrer au Conseil d’administration de la Loterie Romande pour représenter le canton de Neuchâtel. J’ai été désigné par le Conseil d’Etat comme sociétaire de la Loterie Romande et à ce titre-là, on m’a désigné comme membre du Conseil d’administration.

L.ch : Quel est votre rôle au sein du Conseil d’administration de la Loterie Romande ?

J.G : La Loterie Romande est une association qui fonctionne un peu comme une société anonyme. C’est une association qui regroupe les cantons et le rôle du Conseil d’administration est de prendre les décisions nécessaires à la direction de l’entreprise. Par exemple, c’est nous qui adoptons le budget, décidons les investissements et soumettons les décisions qui doivent être prises par la Direction générale. Nous faisons la même chose que n’importe quel Conseil d’administration d’une société, si ce n’est que nous n’avons pas pour but de faire du bénéfice au profit d’actionnaires, mais au profit de l’intérêt publique. C’est la différence, mais elle est de taille.

L.ch : La Loterie Romande a été créée en 1937 et l’un de ses buts est d’en reverser les bénéfices à des institutions d’utilité publique. Ce but existe-il depuis la création de la Loterie Romande ?

J.G : La première loterie qui a existé en Suisse Romande, a été créée en 1929, c’était la Loterie Neuchâteloise. En 1929,  c’était la crise et l’idée  était de créer une loterie pour venir en aide aux chômeurs. C’était la première idée en 1929. Ensuite Fribourg à fait la même chose et quand Vaud a aussi voulu faire quelque chose, là, les trois cantons ont dit « Bon, on ne va pas faire une loterie dans chaque canton, mais une loterie pour l’ensemble de la Suisse Romande. » C’est ainsi qu’est née la Loterie Romande en 1937.  Le but d’utilité publique est important: au début, c’était pour venir en aide aux chômeurs. Il ne faut pas oublier qu’en 1929, lorsqu’a été créée la Loterie Neuchâteloise, il y avait déjà une loi fédérale de 1923, toujours en vigueur, sur les loteries et paris qui dit que les loteries sont interdites mais  qu’elles peuvent être autorisées par les cantons si leurs bénéfices sont intégralement attribués à l’utilité publique. C’est fondamental. En particulier l’initiative («pour des jeux d’argent au service du bien commun» NDLR) que nous avons lancés et qui a abouti maintenant à ce contre-projet permettra d’inscrire dans la constitution l’utilité publique.

L.ch : A quelles institutions et comment sont reversés les bénéfices ?

J.G : Le principe c’est l’utilité publique. Il n’y a pas de fermeture, mais c’est notamment le domaine social, la culture et la protection du patrimoine. On donne beaucoup d’argent pour sauvegarder des bâtiments historiques. Le domaine du sport est à part car Sport-toto n’exploite plus les paris et maintenant c’est la Loterie Romande. Il y a une place spécifique pour le sport, environ un sixième. Dans chaque canton, il y a un organe de répartition. A Neuchâtel par exemple, il y a une commission de répartition qui, quatre fois par année, fait une distribution. Il faut savoir que les dons retenus par la commission sont soumis au Conseil d’Etat pour ratification. Si on fait n’importe quoi, le Conseil d’Etat peut dire non. Mais ça n’arrive pratiquement jamais.

L.ch : Certains bénéfices sont-ils également reversés au niveau national ?

J.G : En Suisse, il existe deux sociétés de loterie. La Loterie Romande d’une part, et Swisslos pour la Suisse allemande et le Tessin d’autre part. Il n’y a pas de système qui permette une distribution nationale. Nous n’avons que des distributions romandes, c’est-à-dire que si une institution a des activités sur l’ensemble du territoire de la Suisse romande, une conférence des présidents des organes de répartition peut donner un montant avec lequel tout le monde est d’accord. C’est le cas pour des projets très importants qui dépassent le canton. Au niveau romand, on a soutenu la réfection du Théâtre de la Chaux-de-Fond. En suisse allemande, il n’y a pas de système de coordination comme ici, il faut demander à chaque canton.

L.ch : La Loterie Romande soutient financièrement énormément d’associations. Sur quels critères une association bénéficie-elle de l’aide de la Loterie Romande ?

J.G : Le plus important, c’est le critère d’utilité publique. Que ce soit dans l’intérêt général. Le domaine culturel ce n’est pas très difficile. Il y a le côté création. Le fait qu’il doit y avoir une organisation solide. Il ne faut pas de but commercial. Nous avons eu une demande la Fête des Vendanges par exemple, que nous n’avons pas soutenu. En revanche, on a soutenu la Parade des Fanfares car il y a un côté musique.

L.ch : La crise financière et économique a-t-elle un impact sur les bénéfices reversés de la Loterie Romande ?

J.G : On a eu de la chance ces dernières années, on a réussi à atteindre 200 millions de bénéfices par année, ce qui est énorme. Mais il faut être honnête, la récession à une influence. Il ne faut pas croire que c’est parce qu’il y a plus de chômage que les gens vont jouer plus, au contraire ! Les gens qui doivent faire des économies sont plutôt à renoncer à acheter un billet ou à renoncer à jouer à Euromillion. Mais il est clair que la fin de l’année est plus difficile.

L.ch : Offrez-vous également une aide aux joueurs excessifs ?

J.G : Il y a une convention intercantonale depuis 2007 pour régler des questions de surveillance. Cinq pourcents des bénéfices sont reversés à la lutte contre l’addiction. En Suisse Romande, on a près de 2 millions chaque année versés en faveur de l’addiction. Il y a aussi au CHUV un centre de l’addiction, pas seulement pour les jeux d’ailleurs. A Neuchâtel, c’est le DROP-IN qui est notre partenaire dans ce secteur. Mais il y a aussi des mesures qui sont prises, notamment ce que l’on appelle le « jeu responsable », pour que le jeu reste un jeu. Mais c’est vrai que l’addiction, on ne l’empêchera jamais complètement. Mais cela reste un phénomène extrêmement marginal,  par rapport à l’addiction à l’alcool ou aux drogues.


L.ch : Selon certains sondages, plus de 80% des Romands ont une bonne opinion de la Loterie Romande. Selon vous, à quoi est-ce dû ?
J.G : On voit la différence avec la Suisse alémanique. C’est une institution pour les romands. C’est une institution parce qu’elle dure depuis longtemps. C’est aussi l’occasion d’une manifestation généralement mensuelle lorsqu’il y avait autrefois les tirages. Cela a créé une relation entre la population et la Loterie Romande. Elle fait aussi partie de la cohésion de la Suisse Romande. 
L.ch : Que pensez-vous de l’image de la Loterie Romande par rapport à d’autres loteries ?
J.G : Je pense que c’est une excellente institution. A la base, on dit que le jeu est interdit mais les gens sont joueurs. Il faut faire en sorte que l’on canalise ce jeu. Dans les joueurs, il y a des gagnants, mais il y a beaucoup de perdants. Or, l’argent perdu ne l’est pas pour tout le monde : il peut être à ce moment-là redistribué. Je dirais qu’il y a encore une chose importante, c’est que la Loterie Romande est simplement une entreprise. Nous employons 400 personnes en Suisse Romande. Je pense qu’elle a à la fois un rôle social, un rôle économique et puis un rôle d’aide. Sans la Loterie Romande, beaucoup de projets ne pourraient pas se réaliser. 
Propos recueillis par Guillaume Truffer


Retrospective

Rétrospective de l’année 2011-1e partie

 

Un dernier regard vers 2011

L’année 2011 vient de se terminer et déjà le regard se tourne vers 2012. Mais avant de tourner la page, que retiendrons-nous de cette année écoulée ? Les rétrospectives sont en ce sens très utiles car elles
nous permettent de nous  rafraîchir la mémoire. L’article.ch vous propose de revisiter l’année 2011 en la racontant par tranche de quatre mois. Les premiers mois de l’année 2011 recèlent  d’évènements forts qui ont marqué l’actualité.
En voici une sélection.

Janvier

Le 4 janvier 2011, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur  tunisien de fruits et légumes décède de ses
blessures. Le 17 décembre 2010, il s’était immolé sur une place publique afin de protester face à ce  qu’il ressentait comme une injustice : la confiscation de sa marchandise. Grièvement blessé, il avait été emmené aux urgences  et  son histoire avait été relayée par de nombreux médias. Suite au décès de Mohamed Bouazizi, des manifestants commencent  à protester dans les rues de Tunis. Le gouvernement tunisien est mis en cause. Heurts et manifestations se succèdent, attirant l’attention des médias étrangers.  Les opposants au régime dictatorial du président Ben Ali expriment alors ouvertement leur soutien aux manifestants et appellent à la démission du gouvernement en place. Soumis à une pression de plus en plus forte, le président Ben Ali se voit contraint d’abandonner le pouvoir le 14 janvier, après plus de 23 ans à la tête de l’Etat. Mohamed Bouazizi est quant à lui devenu le symbole de la révolution tunisienne et le journal The Times l’a désigné « personnalité de l’année 2011 » le 28 décembre.

Le 24 janvier, l’Assemblée générale des nations Unies déclare officiellement ouverte l’Année internationale des forêts. La démarche a pour but d’attirer l’attention des populations du monde entier et de les sensibiliser quant à une gestion responsable des forêts.

Le 30 janvier, les médias suisses révèlent la disparition de Livia et Alessia, deux jumelles de 6 ans habitant Saint-Sulpice(VD). En ne voyant pas son ex-mari ramener ses filles comme il était convenu, Irina Lucidi,
la mère des jumelles, comprend qu’il y a un problème. La police est prévenue et ouvre une enquête. Une piste apparaît lorsque le suicide  de Matthias Schepp, le père des fillettes, survient en Italie quelques jours plus tard. Mais aucune trace d’Alessia et de Livia. Des enquêtes sont simultanément menées en Suisse, en France et en Italie. Toutefois, les indices recueillis ne permettent pas de déterminer le sort exact des jumelles.

Février

Les émeutes en Tunisie et le départ de Ben Ali ont lancé une vague de révolutions dans plusieurs pays de l’Afrique du Nord, dont l’Egypte, la Libye et la Syrie pour ne citer qu’eux. La revendication principale de ces
peuples est le droit à la démocratie et de ce fait la chute des présidents au pouvoir.

Le 11 février, Hosni Moubarak, le président de l’Egypte, abandonne la présidence du pays à laquelle il a passé près de 30 ans. Il n’a pas le choix, l’armée ne lui obéit plus et les manifestants défilent par milliers
dans les rues en exigeant sa démission. A l’annonce du départ du président, les manifestants laissent éclater leur joie devant les médias nationaux et internationaux. Ces derniers n’hésitent pas à parler de l’avènement d’un véritable printemps arabe.

Le 15 février, les premières révoltes éclatent en Libye à l’encontre du colonel Mouammar Kadhafi, autoproclamé guide du pays. Les répressions que subissent les manifestants sont sanglantes. Peu à peu,  les manifestants s’arment et usent de violence envers les forces de l’ordre. Ces manifestants armés, que le
gouvernement libyen appelle les « rebelles », entrent alors en guerre contre le gouvernement de Kadhafi. C’est le début d’une véritable guerre civile qui va durer de longs mois. Le 19 mars, l’ONU, voyant que la situation s’aggrave pour la population locale, décide d’intervenir et envoie des forces armées aériennes afin d’empêcher le colonel Kadhafi d’attaquer la population.

Mars

Le 11 mars, un séisme de magnitude 9.0 sur l’échelle de Richter frappe plusieurs préfectures du nord -est  du Japon. Peu après, un tsunami ravage ces mêmes régions, détruisant des milliers de foyer et causant la mort de près de 20’000 personnes. La centrale nucléaire de Fukushima est également touchée.
L’un des réacteurs de la centrale est fissuré et de la matière nucléaire s’en échappe.  Et lorsque d’autres réacteurs de cette même centrale sont endommagés, la situation devient préoccupante. Tant les autorités japonaises que la communauté internationale  craignent un grave accident nucléaire. Des mesures de contrôle du taux de radioactivité ont lieu et plusieurs zones d’exclusion sont créées autour de la centrale de Fukushima. Devant l’ampleur de la catastrophe du 11 mars, les autorités japonaises vont être débordées, tant sur le plan humain que matériel. En Europe, des pays tels que l’Allemagne, la France et la Suisse vont remettre en cause l’existence de leurs propres centrales nucléaires.

Avril

Le 11 avril, le président non réélu de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, est arrêté au palais présidentiel d’Abidjan par les forces armées du nouveau président Alassane Ouattara.  Le président déchu tentait par tous les moyens de rester au pouvoir, bien que son adversaire ait été reconnu vainqueur par plusieurs instances internationales. Durant plusieurs mois, les partisans de Laurent Gbagbo ont fait preuve de violence envers la population locale, commettant des meurtres et pratiquant la torture. Incarcéré à La Haye depuis le 30 novembre, Laurent Gbagbo va devoir répondre de crime contre l’humanité.

Le 24 avril, les festivités du Millénaire de la ville de Neuchâtel sont officiellement ouvertes. Afin de fêter ses mille ans de la meilleure des manières, la Ville a vu grand. En plus de la mise en circulation du Batz, diverses manifestations sont programmées jusqu’au 25 septembre. Les Neuchâtelois peuvent ainsi assister à de nombreux concerts de qualité ainsi qu’à des animations visuelles et sonores originales. La Ville a droit à des
bougies d’anniversaire avec la performance de l’artiste Muma « Allumons la Ville Millénaire » et ses 100’000 bougies  réparties dans les rues.

Le 28 avril, une bombe explose dans un marché de Marrakech(Maroc) faisant 17 morts. Parmi les victimes, 11 touristes dont 3 jeunes suisses.  Arrêté quelques jours plus tard, le principal accusé est jugé le 28 octobre et condamné à la peine capitale. Le 28 avril est également le jour où Erhard Loretan, un alpiniste et guide de haute montagne suisse connu pour avoir atteints plusieurs sommets de 8’000 mètres, trouve la mort durant une randonnée. Il avait 52 ans.

Le 29 avril, le prince William d’Angleterre, un des petits-fils de la reine Elisabeth II, épouse Catherine  Middleton. La cérémonie est retransmise en direct par des télévisions du monde entier. Les Britanniques se sont quant à eux amassés par milliers dans les rues de Londres  dans l’espoir d’apercevoir le cortège du
couple royal. Une fois la cérémonie religieuse à l’Abbaye de Westminster terminée, les mariés se rendent  en carrosse au palais de Buckingham. De là, ils apparaissent au balcon afin de saluer la foule et  échanger 
le traditionnel baiser des mariés. 
M.Ch