Analyse

Arrivera-t-il un jour où la violence gratuite dans les guerres sera une histoire du passé ?

Les images de la guerre ne sont jamais faciles à regarder. Après la guerre du Vietnam qui fut documentée en films et photographies atroces, le public fut par la suite protégé de toute image négative de la guerre. Les journalistes furent très encadrés et les images qu’ils montraient au monde furent contrôlées par les armées en guerre. Mais aujourd’hui ce fonctionnement semble être devenu inefficace face aux nouveaux moyens technologiques. En effet, ces derniers permettent aujourd’hui à n’importe qui de filmer ou photographier la guerre telle qu’elle est vraiment.

Cependant, au vu des images et films qui proviennent des soldats, il semble que les batailles ne soient pas les seuls éléments capturés dans leurs objectifs. Aujourd’hui, nous voyons de plus en plus d’images montrant des soldats, pour la plupart américains, acteurs de scènes inhumaines. Celles-ci, filmées ou photographiées, les présentent en train de commettre des actes de torture ou d’humiliation envers des prisonniers, des civils et des ennemis morts.

Les premières images obscènes médiatisées furent celles des soldats américains stationnés à Abu Ghraib en 2004. On y voyait une soldate tenant en laisse  un prisonnier nu à terre, ainsi qu’un soldat assis sur le corps d’un prisonnier. D’autres photos montraient les soldats souriants, que ce soit devant les corps de prisonniers nus et entassés, d’autres forcés à se masturber ou encore devant des cadavres. Ces images firent le tour du monde et créèrent un sentiment de révolte chez quiconque les visionnant. Ce n’était plus les images de la guerre comme nous avions l’habitude de  voir. Nous ne voyions pas les soldats en bataille ou dans leurs campements faisant des activités ludiques pour se détendre. Cette fois-ci, les soldats se divertissaient en commettant des crimes.

Il était jusque-là inimaginable que ses actes puissent être commis. Mais ces clichés ont montrés une autre image de la guerre. Nous avons alors pu voir que les soldats pouvaient perdre tout sentiment d’empathie et violer, séquestrer, torturer et tuer un individu sans défense. Il est normal qu’un soldat tue des ennemis, puisque c’est entre autres pour cela qu’il est engagé lors d’une guerre.  Mais se prendre à des innocents, les torturer et les humilier dans des situations dégradantes va à l’encontre de la Convention de Genève.

Au début de l’année 2012, un nouveau scandale a été médiatisé. Cette fois-ci, des marines américains se filmaient urinant sur des cadavres d’insurgés en Afghanistan. C’est à se demander si les Etats Unis n’avaient rien entrepris pour lutter contre ces scènes inhumaines et abjectes depuis le scandale d’Abu Ghraib. Les images sont choquantes et montrent à quel point leurs actes sont sans limites. Ces soldats n’ont aucune honte puisque, comme en 2004, ils sourient et sont fiers de leurs crimes. Dire qu’ils n’ont pas de conscience serait une façon de les rendre irresponsable de leurs actions. Or, ils ont toute leur capacité de discernement.

Ces actes gratuits ne sont pas dignes de l’armée d’un pays civilisé. Ils sont néfastes et contreproductifs pour un pays comme les Etats-Unis qui vient combattre sur le territoire étranger.  En réalisant ces actes, ils se mettent à dos les peuples et alliés qu’ils viennent aider. De plus, la légitimité de leur guerre est sérieusement mise en question au vu des actes commis par les soldats.

La guerre n’épargne psychologiquement personne et ces agissements illustrent bien à quel point l’être humain peut être insensible face à la violence gratuite. L’Armée américaine doit responsabiliser ses troupes et veiller à ce que ce genre de comportement cesse. Les emprisonnements de soldats et la destitution de grades militaires qui eurent lieu après les incidents d’Abu Ghraib ont l’air de ne pas avoir eu leur effet dissuasif.  D’autres mesures doivent donc être appliqués et cela, dès l’entrée dans l’armée. Les soldats doivent comprendre qu’ils ne sont pas au-dessus de la loi et que des atrocités pareilles sont inacceptables. Pour montrer l’exemple, l’armée américaine devrait aussi cesser les tortures humiliantes qu’elle exerce au nom de la guerre contre le terrorisme. Il faudrait aussi une condamnation plus forte de la part de l’ONU et des tribunaux internationaux afin que cela ne devienne pas monnaie courante et que le public ne soit pas désensibilisé.
A.C.

Enquête

Le gène de la violence existe-t-il ?

 

 

Les théories des gènes du comportement ont alimenté de nombreux débats scientifiques et politiques. En 2007, Nicolas Sarkozy avait affirmé dans une interview pour « Philosophie Magasine» que les causes de la pédophilie et du suicide se trouvaient directement dans les gènes. Il avait alors relancé le grand débat opposant l’inné à l’acquis, les gènes face à l’environnement social. La théorie du comportement inné est devenue très populaire. Mais ce qui était à la base une hypothèse scientifique est alors devenue plus proche de la superstition populaire. Le gène a en quelques sortes remplacé le concept religieux du destin, avec dans les deux cas une tendance fataliste à vouloir se déresponsabiliser de ses actes.

Le « chromosome du crime ».

S’il y a bien un acte dont les gens aimeraient ne pas être responsables, c’est bien la violence. C’est dans les années 1960 que l’idée a été popularisée. Un article publié dans la revue « Science » affirmait que les personnes ayant les chromosomes XYY étaient plus violentes et prédisposées au crime. Le New York Times a repris cet article et l’idée du « chromosome du crime » s’est alors propagée dans les séries TV jusqu’à entrer dans les consciences collectives. Cependant, cette théorie était entièrement fausse et a été démentie scientifiquement par l’Académie Américaine des Sciences.

Une famille violente de père en fils.
Trente ans plus tard, le docteur Han Brunner a travaillé sur le cas d’une famille dans laquelle les hommes étaient anormalement violents depuis plusieurs générations. Un jour, une future mère le contacte, se disant inquiète à l’idée d’avoir un petit garçon. Pour cause, un cousin a été en prison pour viol, un oncle a essayé d’écraser son employeur et d’autres ont été jugés pour exhibitionnisme ou encore pyromanie. Le docteur a alors l’intuition qu’il y a un problème héréditaire sur le chromosome X, car les femmes ne sont pas spécialement violentes mais transmettent le gène. Après 6 ans de recherche, il trouve effectivement un gène défectueux sur ce chromosome. Le gène en question diminuait la quantité d’une enzyme appelée monoamine oxydase, censée éliminer l’excès de certains neurotransmetteurs et participer à la régulation de l’humeur. La psychopathie est d’ailleurs due au dysfonctionnement de cette enzyme. Malgré le succès de la recherche, le docteur Brunner affirme que c’est un cas rare et que ce n’est qu’une petite pièce du puzzle. Le gène de la violence est encore loin d’être trouvé…

Les idées reçues sur les gènes.

Premièrement, il n’y a pas qu’un seul gène qui soit à l’origine de la violence ou de tout autre comportement spécifique. Non seulement les gènes interagissent entre eux mais ils sont en plus polyvalents. Deuxièmement, posséder les gènes de la violence ne serait qu’une prédisposition à passer à l’acte, faut-il encore que l’environnement y soit favorable. Revenant sur le débat provoqué par Sarkozy, le docteur Cohen, généticien réputé, remarque qu’il y a énormément d’idées reçues à propos de la génétique : « Il est faux de dire qu’un caractère dépend d’un seul gène, faux de dire que si c’est génétique, c’est héréditaire, faux de dire que le génome détermine le destin, que le comportement ne peut pas dépendre de facteurs génétiques… Hormis pour une ou deux personnes sur cent, l’orthographe de notre génome ne permet pas de prédire avec certitude quoi que ce soit, qu’il s’agisse de notre santé, de notre longévité, de notre comportement. Le devenir d’un être ne dépend pas de son génome ou de son environnement ou du hasard, mais des trois à la fois. » 1

Par conséquent, le gène de la violence n’existe pas. Il y a sûrement une multitude de gènes qui jouent un rôle dans la prédisposition à la violence dont nous ne connaissons pas encore tous les mécanismes. Mais il est certain que l’environnement, le cadre social, l’éducation et même le hasard doivent être pris en compte. L’homme a la capacité de s’adapter, il n’est pas entièrement prisonnier de ses gènes dès la naissance.
S.R. 1www.lefigaro.fr/sciences/20070427.FIG000000025_pr_cohenla_genetique_un_ocean_d_idees_recues.html