Commentaire

Tintin… ou la fausse image du reporter

Tintin se déclare constamment journaliste ou reporter. Or, on ne le voit guère exercer cette profession : une enquête par-ci, une collecte d’informations par-là et c’est à peu près tout. Ses outils ? Souvent un simple calepin, hormis dans les premières aventures comme au Congo il utilise même une caméra et son voyage est un reportage clairement assumé. Par la suite, l’aventure l’emporte largement sur l’exercice de la profession. On ne voit en effet pratiquement jamais Tintin réalisant une interview, rédigeant un article ou rendant des comptes à son journal. Il n’y a nulle trace d’un rédacteur en chef, de collègues, ni du siège de son journal. On ne le voit jamais taper sur sa machine à écrire. Il décide librement du sujet de ses reportages et ne semble soumis à aucune contrainte : pas de délais rédactionnels, pas de limites budgétaires, pas de comptes à rendre, pas le moindre ordre en provenance de sa hiérarchie.

Si l’on excepte les premiers albums, on soupçonnerait donc à peine que Tintin est reporter, s’il ne le déclarait lui-même à tout moment.

Tintin aujourd’hui

Probablement armé d’un smartphone plutôt que d’un calepin et maniant le téléphone satellitaire en lieu et place des postes de télégraphie sans fil (TSF), Tintin s’inscrirait sans peine dans le monde moderne. Ces nouveaux outils expliqueraient mieux encore l’insolente liberté dont il jouit dans ses aventures. Il est par contre fort douteux qu’une rédaction moderne laisse un tel champ libre à son journaliste, et Tintin serait probablement reporter indépendant, vendant ses récits au plus offrant.

Le journalisme au quotidien

Les aventureas de Hergé ne prétendent pas donner un aperçu exhaustif du quotidien de Tintin. Les BD sont ainsi centrées sur l’action. Cependant, lorsqu’on suit Tintin dans sa vie quotidienne (Les bijoux de la Castafiore), force est de constater que celle-ci n’est aucunement rythmée par des obligations professionnelles. On croirait même le reporter perpétuellement en vacances.

Le véritable journaliste est confronté à bien d’autres réalités car un article se prépare. Il faut notamment fixer des rendez-vous, obtenir des informations, compulser des documents. Le travail de terrain s’accompagne obligatoirement du traitement de l’information et de son rendu. Les délais rédactionnels de la presse écrite et l’immédiateté des médias électroniques ne laissent guère de loisirs au journaliste qui ne connait que l’urgence. Le grand reportage alterne avec les tâches moins prestigieuses, voire répétitives, ce que l’on appelle couramment la « rubrique des chiens écrasés ».

Malgré ces contraintes, le métier de journaliste conserve un certain prestige : le journaliste politique passe pour un faiseur d’opinion ; le journaliste sportif est au cœur de l’événement ; le grand reporter fait rêver les foules. Et d’ailleurs, la plupart des journalistes se déclarent passionnés par leur profession.

Cette vision idéalisée n’est finalement pas très éloignée de l’image de Tintin. Celui-ci n’est d’ailleurs pas seul au panthéon des journalistes imaginaires : Rouletabille, Fantasio le compagnon de Spirou, Clark Kent, l’y rejoignent. Ces personnages font du journaliste un héro proche du détective, voire même de l’agent secret. Ils partagent avec lui les voyages, les enquêtes, les périls, le suspense et les découvertes. Mais ces métiers partagent aussi le fait que leur quotidien est bien différent de leur image d’Epinal.

J.F.

Théâtre

Le THUNE a encore frappé!

 

Le Théâtre universitaire de Neuchâtel, autrement dit  le THUNE, a présenté du 10 au 17 novembre le résultat de son dur labeur. En effet, pas moins de 18 comédiens se sont unis pour présenter Electronic City de Falk Richter. Ils ont pu compter sur Sandra Amodio pour la mise en scène, sur Ilze Kalnberzina Praz pour la scénographie et le design graphique et se sont offerts le luxe d’une musique composée sur mesure par FlexFab.

L’histoire d’Electronic City est celle d’un homme, Tom, businessman et d’une femme, Joy, qui travaille dans un aéroport. L’homme est débordé, avalé par ces 10 ans de voyages d’affaires, perdu parmi les villes interchangeables qu’il traverse en furie, noyé dans les décors identiques d’un pays à l’autre. La femme est employée « standby » ; elle change de boulot très régulièrement, toujours dans un environnement froid et automatisé. Ils s’aiment, mais ne peuvent se rencontrer que rarement. Quelques instants volés, entre deux correspondances. Leur rencontre est révélatrice de leur monde. En effet, c’est dans une file d’attente qu’ils en viennent aux mains, parce que trop pressés pour attendre leur tour…

En parallèle, on retrouve l’histoire d’un réalisateur qui écrit un film. Peut-être l’histoire de Tom et Joy… alors la réalité et la fiction se mélangent et les acteurs jouent  leur rôle, leurs limites, leurs difficultés, leur surmenage.

Les acteurs se succèdent sur scène, souvent en musique, faisant ainsi penser à une véritable chorégraphie. Dans cette danse, la synchronisation pourrait être mieux travaillée par instant. En revanche, l’effet de « trop plein » et l’interchangeabilité des gens, sans signes distinctifs, sont très bien représentés par cette mise en scène.

De plus, la pièce se déroule sans interruption. Une fois entré dans l’histoire, le spectateur n’en est pas coupé par les habituelles « scènes ». En effet, ce sont les acteurs eux-mêmes qui jouent les techniciens et placent les décors, par un habile jeu de mise en abyme. Sont finalement à souligner et féliciter les performances des acteurs qui savent trouver la juste mesure et emmènent avec eux les spectateurs.

Loin des idées reçues sur le théâtre amateur, le THUNE a séduit le public. Vivement l’année prochaine !

Cortporter