La biotechnologie prend les devants
L’Université de Neuchâtel est un des acteurs principaux dans la lutte contre certaines maladies de la vigne. Au sein du Pôle de Recherche National « survie des plantes» l’institut de botanique est à la quête de nouveaux moyens qui permettront un jour aux viticulteurs helvétiques de produire un vin de qualité sans recours à des substances nocives.
Les infections fongiques, bactériennes ou virales sont la cause de pertes majeures dans l’agriculture et dans la viticulture si chère à notre région. De grandes quantités de pesticides employées pour combattre ces maux, n’ont guère évolué et s’avèrent dangereux pour la nappe phréatique.
Ayant un intérêt pour la vigne et ses problèmes, le Pôle de Recherche National «Survie des plantes» y consacre un tiers de ses recherches. A l’Université de Neuchâtel, l’actuel directeur de l’institut de botanique, Jean-Marc Neuhaus, est en charge de la recherche sur la lutte contre le Plasmapora viticola ou « mildiou » et le Botrytis cinerea communément appelé «la pourriture grise», deux champignons particulièrement ravageurs pour la viticulture.
La vigne est une plante qui est cultivée en Suisse depuis plus de deux mille ans et les variétés n’ont guère changé depuis le Moyen-Age. Elle s’avère difficile, car elle n’a pratiquement pas évolué génétiquement, alors que les pathogènes sont en développement constant. Vu leur instabilité, il est difficile de lutter efficacement contre eux. Le « mildiou » et la « pourriture grise » sont les causes principales de l’utilisation de fongicides comme le cuivre qui ne se dégrade pas et s’accumule dans le sol; où il peut devenir toxique. Les fongicides modernes ne contiennent plus de cuivre, mais leur utilisation perd rapidement de son efficacité à cause de l’évolution continuelle des pathogènes, qui s’immunisent en peu de temps.
Le meilleur moyen pour lutter contre ces pathogènes ou champignons serait de rendre la vigne plus résistante. Il est possible, par exemple, de croiser des plantes sensibles avec des plantes résistantes, mais cela détériore en général la qualité du raisin. Le génie génétique pourrait un jour produire un gène de résistance, qui pourrait préserver les plantes de certaines maladies, tout en maintenant les qualités œnologiques.
Cependant, la manipulation reste très complexe jusqu’à ce jour. À l’Institut de botanique de l’Université de Neuchâtel, la démarche est différente : on compare les réactions d’une variété résistante face aux pathogènes avec celles d’une variété sensible. Grâce à ces observations, il est possible d’améliorer la défense de la variété plus vulnérable. Le moyen découvert est très simple, il est basé sur le principe d’induction : on provoque la plante pour l’amener à réagir de telle manière. Certaines substances appliquées à la plante l’avertissent du danger et réveillent son système immunitaire qui a parfois de la peine à se déclencher. Ainsi, elle pourra se défendre avec ses propres moyens qui sont amplement suffisants, lorsqu’ils sont mis en route. Dès lors, de nombreux pathogènes tels que le « mildiou » ou la « pourriture grise » échouent dans leurs attaques, puisque la plante leur résiste d’une manière efficace. Ils meurent alors et sont visibles sous forme de petites tâches noires sur la feuille de vigne.
Dans sa recherche concernant le «mildiou» et la «pourriture grise», le Professeur Neuhaus n’est pas seul. Il est entouré d’une quinzaine de chercheurs d’origine multinationale. Dans le cadre du Pôle de Recherche National, les instituts de Neuchâtel, Fribourg, Lausanne et Zurich collaborent étroitement et participent à l’International Grapevine Genome Program. Celui-ci a pour finalité le séquençage et l’analyse du génome de la vigne. À Neuchâtel, on travaille plus précisément sur des substances qui sont connues pour leurs effets bénéfiques sur les plantes. Dans le laboratoire de biochimie, les mécanismes de la vigne sont analysés et les connaissances acquises appliquées sur celle-ci. En étroite collaboration avec des viticulteurs, les procédés sont mis en pratique dans des vignobles expérimentaux.
Jean-Marc Neuhaus affirme que le procédé étudié (système d’induction) et mis au point ne se limite pas à la vigne: «Ces mécanismes d’induction de défense sont aussi applicables à d’autres plantes et il y a effectivement des possibilités de développement dans le domaine maraîcher ou floral.» La réduction de l’emploi de pesticides dans le domaine maraîcher et dans la culture des fleurs aura certainement des effets très bénéfiques pour l’environnement et le consommateur.
Carole di Natale, Ronny Wolff et Steve Remsch