« Les voyages forment la jeunesse… et les retraités ? »

« Les voyages forment la jeunesse » : ce proverbe bien connu, de Montaigne, suggère que partir à la découverte du monde est un passage initiatique, presque obligatoire, pour grandir, s’ouvrir aux autres et devenir adulte. Il évoque une époque de la vie propice à l’apprentissage, à l’aventure, à la transformation.

Mais cette idée est-elle encore pertinente aujourd’hui, dans un monde où les mobilités sont plus accessibles et où l’espérance de vie s’est allongée ? Et surtout, ce constat ne serait-il pas un peu restrictif ? Car si les jeunes voyagent, ils ne sont plus les seuls : de plus en plus de retraités prennent la route, l’avion ou le train, portés par une curiosité intacte et un temps enfin libéré des contraintes professionnelles.

En quoi les voyages peuvent-ils aussi être une source d’enrichissement personnel pour les retraités ? Peuvent-ils encore former, transformer, renouveler leur regard sur le monde… et sur eux-mêmes ?

Les voyages et la jeunesse : une évidence ?

Il semble presque naturel d’associer voyage et jeunesse. Dès la majorité, de nombreux jeunes rêvent de prendre le large, sac sur le dos ou passeport en poche. Le voyage est alors souvent un rite de passage : année sabbatique, échange universitaire, volontariat à l’étranger, ou simple tour d’Europe en train. Autant de manières de quitter le cocon familial, de repousser les frontières — géographiques comme mentales — et d’explorer le monde autant que soi-même.

Voyager, pour les jeunes, c’est apprendre à se débrouiller, à vivre avec peu, à se confronter à d’autres cultures et modes de vie. C’est aussi souvent l’occasion de gagner en autonomie, de remettre en question ses repères, de découvrir des langues, des paysages, des histoires différentes. Pour beaucoup, c’est une école de la vie à ciel ouvert.

Mais ce modèle, idéalisé, mérite aussi d’être nuancé. D’une part, tous les jeunes n’ont pas les moyens — financiers, sociaux ou psychologiques — de voyager. D’autre part, voyager ne garantit pas toujours une transformation. Sans accompagnement, sans recul ou sans réelle curiosité, un voyage peut aussi bien renforcer des préjugés que les ébranler. L’expérience n’est pas « formatrice » par essence ; elle le devient par le regard que l’on porte, et par ce qu’on en fait.

Et les retraités alors ?

Une nouvelle génération de voyageurs
Ils ont longtemps attendu ce moment : les valises peuvent enfin sortir du grenier. Les « jeunes retraités » d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. Plus actifs, en meilleure santé, et souvent dotés d’un pouvoir d’achat non négligeable, ils incarnent une génération curieuse, avide de découvertes, désireuse de profiter pleinement de ce nouveau chapitre de vie. Pour eux, voyager n’est pas un luxe, mais une manière de vivre.

En quoi les voyages peuvent-ils encore former à un âge avancé ?
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle on apprend surtout jeune, les voyages continuent de façonner même les esprits les plus mûrs. Apprendre une nouvelle langue, plonger dans l’histoire d’un pays, comprendre ses dynamiques sociales et culturelles – voilà des expériences qui n’ont pas d’âge.

Quitter son quotidien, sortir de la routine, c’est aussi se remettre en mouvement, au propre comme au figuré. Le voyage devient alors un espace de liberté, mais aussi de décentrement : il invite à regarder autrement, à comprendre sans juger, à relativiser ses propres modes de vie.

Les rencontres, notamment intergénérationnelles, peuvent également enrichir cette démarche : un retraité qui loge chez l’habitant, qui s’engage dans un programme de volontariat ou qui échange avec des étudiants en voyage découvre une richesse humaine inattendue. Voyager à la retraite, c’est parfois aussi découvrir qu’on n’est jamais trop vieux pour apprendre, ni pour être surpris.


Voyager différemment selon l’âge ?

Backpack ou croisière ?
On aurait tort d’opposer radicalement les jeunes et les retraités dans leurs façons de voyager. Il existe des retraités qui parcourent le monde avec leur sac à dos et des jeunes qui optent pour des circuits organisés. Ce qui change, ce sont souvent les besoins plus que les envies.

Le confort, le rythme, la sécurité
Avec l’âge, le corps impose parfois ses limites : on privilégiera un lit confortable à une nuit dans un dortoir, on évitera les transports trop chaotiques ou les destinations à risque. Cela n’empêche pas l’aventure, mais elle se fait avec d’autres priorités. Le rythme ralentit, on choisit la qualité de l’expérience plutôt que la quantité de lieux visités. Cette attention au détail, à la rencontre, à l’instant présent peut rendre le voyage d’autant plus profond.

Le rapport au temps
Les jeunes veulent souvent « tout voir », multiplier les étapes, cocher les cases. Les retraités, eux, n’ont plus la même urgence. Ils peuvent rester plusieurs semaines au même endroit, s’imprégner d’un lieu, établir des liens. Le temps n’est plus un adversaire, mais un allié. Et cela change tout.


Les freins et défis du voyage à la retraite

Le voyage, aussi désirable soit-il, n’est pas toujours simple à concrétiser. Des limites bien réelles peuvent surgir : problèmes de santé, démarches administratives, craintes liées à la mobilité, coût de certaines assurances pour les seniors… Parfois, c’est l’appréhension qui l’emporte : peur de se sentir seul, peur de l’inconnu.

Mais des solutions existent. Certains optent pour des voyages organisés spécialement pour les seniors, d’autres s’engagent dans des séjours solidaires ou culturels. On voit aussi émerger des alternatives comme le voyage virtuel – loin d’être une simple substitution, il peut offrir une vraie évasion pour celles et ceux dont le corps ne suit plus.

L’envie de partir ne s’éteint pas forcément avec l’âge ; elle se transforme, elle s’adapte.


Conclusion

On le voit : les voyages peuvent être formateurs à tout âge, mais ils ne forment pas de la même manière. Pour les plus jeunes, ils sont souvent une première confrontation au monde. Pour les retraités, ils sont l’occasion de relire leur vie autrement, de se renouveler, de s’ouvrir encore.

Et si l’on revisitait le proverbe ?
« Les voyages transforment ceux qui osent partir, quel que soit leur âge. »

Et si la retraite devenait, non pas une fin, mais une nouvelle jeunesse du regard ?
Un moment où le temps retrouvé permet d’observer le monde avec curiosité, lenteur et profondeur. Après tout, partir, c’est peut-être encore grandir.
Pierre du Nom

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