Voilà depuis plus de 6 ans que la Grèce est en crise. Le pays a vécu pendant trente années dans une situation économique et sociale très clientéliste et corrompue, freinant toute initiative personnelle, notamment chez les jeunes. Cette jeunesse est, depuis le début, la principale victime de la crise : 25% de la population est au chômage et la moitié de ce pourcentage est constituée de jeunes de moins de 30 ans, issus essentiellement d’Athènes et des grandes villes où se situe l’écrasante majorité de la population. Pourtant, certains de ces jeunes cherchent à s’en sortir, comme Mihali, d’origine polonaise et vivant depuis sa naissance en Grèce. Explications et portrait d’un jeune qui a vécu de plein fouet cette crise qui n’en finit plus.
(Un travailleur né)
La crise ronge la Grèce depuis près de 6 ans. Le chômage est actuellement à 25% et près de la moitié de ce pourcentage représente les jeunes. Une jeunesse démoralisée, dont une partie cherche des solutions dans des positions politiques extrêmes. Ceux qui ont fait des études sont particulièrement frappés par cette situation.
Arrivé en 1991, Mihali a fait sa scolarité entièrement en Grèce, à Athènes. Après avoir terminé l’école technique en informatique, il commence l’université à Tripoli, dans le Péloponnèse et suit encore maintenant, une formation en économie. Dès le début de la crise, il essaie trouve vite de petits emplois, notamment en tant que serveur ou vendeur. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans, qu’il commence sa carrière professionnelle, dans une entreprise de vente d’assurances, tout en suivant sa formation à l’université. Actuellement, il termine son master et travaille dans une entreprise de vente de fournitures maritimes. « J’ai toujours voulu travailler. Mais la crise a retardé mes projets professionnels et cela n’a pas été facile de trouver un travail qui vraiment correspondait à ma formation ».
Manques dans l’éducation.
Le système scolaire puis secondaire qui mène à l’université, souffre de retards et de manques assez graves, du fait que les contenus de cours, que l’on peut qualifier de quelque peu « sclérosé », privilégie, par exemple, quatre heures de religion et quatre heures d’ancien grec pour l’ensemble des élèves de secondaire qui n’utiliseront, en soi, presque jamais ces connaissances. Les contenus de cours actuels pourraient être comparés à ceux des années 1950 en Europe occidentale. « L’éducation présente de gros manques. Je pense que c’est trop théorique, en secondaire, au lycée tout comme à l’université. Elle ne privilégie pas assez de connaissances utiles à l’avenir de l’élève. Les universités notamment, n’ont pas d’accords ou un quelconque lien avec des entreprises, dans l’organisations de stages ou quelque chose comme ça. Nous n’avons pas pu voir ce qu’était vraiment la vie active, dans n’importe quel domaine » confie-t-il. Selon lui, si les entreprises coopéraient avec les universités, le problème du manque d’expérience au travail ou même le chômage pourrait être résolus. Cette situation perdure du fait de la présence très active de partis politiques dans les universités, qui refusent toute coopération avec des entreprises. « De ce fait, les étudiants sont des voies électorales en plus et c’est pour cela qu’ils sont présents dans les universités. La seule chose que les jeunes auront en contrepartie de leur vote, c’est du travail comme fonctionnaire. Mais ces derniers temps, avec la crise, cette mentalité disparaît très lentement. » Déjà en secondaire supérieur, les matériels utilisés pour les cours sont entièrement obsolètes et trop en retard sur l’actualité. « Quand j’étais à l’école technique, on travaillait pour la programmation sur un logiciel de 1989. J’ai terminé l’école en 2009. Cela n’aide pas du tout à améliorer les capacités de l’étudiant. » Les programmes jusqu’à la fin des études secondaires sont largement différents et déconnectés des concours permettant l’entrée aux universités. Les élèves ne peuvent accéder à ces dernières que par des cours complémentaires privés qui, en plus, pèsent lourd sur le budget des familles. Par la suite, le lycée ou école technique vous mène à un niveau de bac insuffisant, puis se déclare irresponsable de votre avenir universitaire.
Un système politique et économique qui freine toute initiative.
« Avec un groupe d’amis à l’université, nous avons eu une idée de start-up, utile pour tout étudiant. » Leur projet est de créer une plateforme internet, en collaboration avec diverses entreprises, permettant aux étudiants d’avoir des réductions de prix sur des articles divers. Mais ils n’ont pas pu trouver un financement adéquat et de ce fait le projet a été mis en réserve. « À un moment, je finançais le projet uniquement par ma poche. Ce n’est pas de cette manière qu’un entrepreneur, par exemple, agit ». C’est assez fréquent que de tels projets soient mis de côté, d’une part à cause de la crise mais également à cause du poids important de la famille sur la vie de ces jeunes. En effet, les structures familiales jouent d’abord un rôle positif dans la mesure où les effets de la crise sont quelque peu soulagés. Mais d’un autre côté, cela empêche ces personnes d’essayer de s’en sortir ou d’entreprendre qui que ce soit. Ces jeunes ont par ailleurs grandi dans un système où bien souvent le travail venait vers eux par le clientélisme. « Il est clair que la famille joue un rôle majeur dans la construction d’une personne. Mais comparé à d’autres pays, la Grèce a de très grosses différences. Dans les années 1970 et 1980, il régnait un tel clientélisme en Grèce, que les familles donnaient à leurs enfants ce qu’ils ne pouvaient pas donner. Quand tu es un enfant et tu as tout ce que tu veux, tu ne peux pas avancer, tu penses que tu as tout et que tout viendra à toi. Certains jeunes restaient jusqu’à leurs 30 ans chez leur famille, sans avoir jamais travaillé ! ». Un état d’esprit qui maintenant commence très lentement à changer. Pour comprendre cette situation, il faut remonter à la fin de la dictature des colonels en 1975. Le gouvernement élu, pour toutes les années suivantes, a promis du travail pour ses électeurs et donc a engagé des fonctionnaires. La situation actuelle est que sur les 10 millions de personnes vivant en Grèce, près d’un million travaillent pour l’état. « Le 10% de la population sont des fonctionnaires. Le résultat : quand on se rend dans des institutions publiques, comme un office des impôts, sur les 10 personnes présentes, seule une fait du bon travail alors que les autres ne font absolument rien. Chez les gens aussi, travailler pour le gouvernement est considéré comme un travail où l’on est payé pour ne rien faire. En chiffres, le 10% des fonctionnaires fait le 90% du travail ». Dans le secteur privé, beaucoup de jeunes travaillent au noir. « Surtout dans les restaurants ou bars. En tant qu’employé, tu n’as pas de « pouvoir », c’est à dire que tu travailles jusqu’à que le patron te libère. Cela s’arrête aussi gentiment, à cause des contrôles, plus fréquents. Il faut savoir que de manière générale, les grecs sont de bons travailleurs, mais ceux qui travaillent bien quittent généralement le pays. Beaucoup de médecins, scientifiques et j’en passe quittent la Grèce pour les pays du nord de l’Europe. »